La prospérité économique et la division politique stable, les deux moteurs du progrès scientifique, se renforçaient mutuellement [en Europe occidentale] en une sorte d'osmose. D'une part, les gouvernements, toujours à court de fonds pour leurs armées, cajolaient la classe mercantile, seule capable de leur prêter les sommes supplémentaires dont ils avaient constamment besoin. Conscients de l'importance d'une économie prospère pour les rentrées d'impôts, les souverains s'efforçaient de ne pas trop entraver l'activité de leurs artisans et marchands. Ceux qui tentaient de les piller par la confiscation ou le fisc se retrouvaient rapidement punis par la fuite de ces contribuables vers les Etats voisins. L'impact favorable de la multipolarité politique jouait ici pour les commerçants exactement comme pour les savants.
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L'importance couplée des deux facteurs clés, le politique et l'économique, justifie l'introduction d'un terme nouveau pour les désigner, à savoir le terme de "méreuporie" (du grec meros, diviser, euporeos, être dans l'abondance). Cette expression permet de raccourcir les formulations. Au lieu de dire que l'Europe occidentale a réussi dans les sciences et les techniques parce qu'elle jouissait d'une grande prospérité économique et d'une division politique stable, on dira qu'elle a réussi parce qu'elle bénéficiait d'une bonne méreuporie.
Un autre domaine qui inquiète l'opinion publique est celui des organismes génétiquement modifiés.
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Dans ce domaine, les sensibilités diffèrent notablement entre les Européens , très réticents, et les Américains, indifférents ou favorables. Dans l'Union européenne, aucun hectare de culture commerciale n'est à ce jour semé en graines modifiées. Aux Etats-Unis, la proportion avoisine les 30% pour le soja, 25% pour le maïs et 40% pour le coton. Six variétés seulement de soja et de maïs modifiés ont été autorisés à l'importation par Bruxelles - et les législations individuelles des pays communautaires peuvent encore faire obstacle.
Ce frappant différentiel biotechnologique entre les deux côtés de l'Atlantique peut paraître alarmant pour les Européens, ou pour les Américains, suivant le point de vue où l'on se place. Une chose est sûre: cette situation bénéficiera à l'humanité, sur le long terme. En effet, les deux voies - avec ou sans agriculture nouvelle - seront testées, et à la fin la meilleure sera retenue.
L'argent est le grand oublié des études sur l'histoire des sciences.