Un jour, une infirmière britannique d’origine musulmane a des problèmes avec son père qui a remarqué qu’elle se désinfectait les mains avec de l’alcool. « On sait pas quoi faire, annonce l’agence anglaise pour la sécurité des patients. On a beaucoup de soignants musulmans. » Didier reste sans voix. Un moment, il craint une fatwa.
Il consulte un ami médecin en Arabie Saoudite et ils décident de monter un groupe de travail avec le clergé musulman. Ils se réunissent à Genève, puis à Riyad, traquent dans le Coran tout ce qui concerne l’alcool. Au bout de quatre mois, le verdict tombe. Les musulmans n’ont bien sûr pas le droit de boire de l’alcool, mais aussi pas le droit de l’ingérer par tout autre moyen. Le Coran est inflexible.
Le chef du service de l’entretien entre dans la danse. « Monsieur Pittet, ça va pas du tout. Votre solution tache les sols. » Didier doit le convaincre d’expérimenter de nouveaux produits d’imprégnation des linoléums jusqu’à ce qu’il découvre celui qui les protège de l’alcool. En même temps, Didier suggère à William Griffiths de fabriquer une formule gélifiée. « On en mettra moins partout. » La fac de pharmacie planche sur le sujet. Peu à peu, le projet devient multidisciplinaire. Tous les corps de métier de l’hôpital participent à l’aventure.
Il crée alors la fondation Guillaume-Depardieu pour recueillir le témoignage des 770 000 Français victimes chaque année d’infections nosocomiales, dont 40 000 mortelles. « En un an, tout le monde commence à avoir peur des hôpitaux, commence à s’y intéresser de près ; les chiffres sont effarants. »
Ironie de l’histoire, en octobre 2008 Guillaume contracte une pneumonie, doublée d’une nouvelle infection par un staphylocoque doré résistant à la méticilline (MRSA16). Il décède trois jours plus tard.
(au sujet de Guillaume Depardieu)
L’Angleterre devient le premier pays à promouvoir l’hygiène des mains avec la solution hydro-alcoolique dans tous ses hôpitaux. Et ça marche. La preuve est faite que les résultats obtenus à Genève sont reproductibles ailleurs, à grande échelle. Didier est soulagé. Certains sceptiques avaient postulé un « effet Pittet ». Ils avaient imputé la réussite extraordinaire des HUG à la présence de Didier, à son charisme. Il n’en est rien. La méthode est universelle. Et son universalisation entraîne des conséquences surprenantes.
Mon Père, ce tueur - Bande annonce