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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Puisque certains deviennent des "mangeurs de vent" qui acceptent le discours totalitaire ambiant, les menant jusqu'à l'aveuglement, au meurtre, au génocide.."

Souvenez vous du test de Milgram: sommes nous capables d'obéir, jusqu'à commettre un meurtre en toute bonne conscience?
Des savants proposent à des "cobayes" d'envoyer des chocs électriques de 45 à 450 volts à un "apprenant" en cas d'erreur...
65 % des personnes acceptaient d'appuyer sur le dernier bouton, la décharge meurtrière...
Pus de 80% acceptaient quand on leur disait que c'est filmé pour la télé...( donc c'est moins grave, une caution supplémentaire?)°

Ils ne savaient pas que c'était un test et que la "personne torturée" faisait semblant de souffrir, mais ils acceptaient de continuer jusqu'au bout..
Besoin d'appartenance à un groupe, de n'être pas isolé et recherche du confort voir de l'embrigadement... ( Religion, secte, djihadisme, dictature...)

Boris Cyrulnik, de sa voix douce, nous parle de ces "laboureurs" qui préfèrent se libérer de la doxa haineuse et du conformisme car:
"Quand on hurle avec les loups, on finit par se sentir loup!"

Quand la philosophe Hannah Arendt dénonce la "banalité du mal", quand l'écrivain Primo Levi croise un collègue chimiste, parmi les gardiens SS, à Auschwitz... Et que Cyrulnik se désole pour la guerre en Ukraine, en se souvenant de sa...condamnation à mort, à l'âge de 7 ans parce qu'il est juif...
"Penser par soi-même, c'est s'isoler : l'angoisse est le prix de la liberté."

Il faut "Aimer pour penser", Douter pour évoluer," "Choisir nos pensées"...
"Puisque qu'ici tout est négociable, mais vous n'aurez pas...
"Non vous n'aurez pas,
Ma liberté de penser." Florent Pagny.
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Si Boris Cyrulnik est un neuropsychiatre réputé, il reste un enfant qui, à l'âge de 7 ans, a été condamné à mort, à Bordeaux, la ville où il est né. J'avais lu Sauve-toi la vie t'appelle il y a quelques années et c'est grâce à l'ami Jean-Pierre S. que je retrouve une écriture toujours érudite et passionnante.
Dans le laboureur et les mangeurs de vent, Boris Cyrulnik s'attache à analyser, à mettre en lumière les contradictions présentes dans tous les êtres humains. Liberté intérieure et confortable servitude, sous-titre de l'ouvrage, confirme bien l'objectif visé par l'auteur : décortiquer un dilemme base de tant de traumatismes.
Dans notre espèce humaine, il y a les laboureurs, ceux qui cherchent, remettent en cause les vérités préétablies, assénées par les dirigeants, pour essayer de comprendre par eux-mêmes, quitte à désobéir.
A contrario, les mangeurs de vent se rassurent et apprécient de se retrouver avec le plus grand nombre, ce qui peut mener aux drames les plus horribles du XXe siècle.
Bien sûr, la Shoah - extermination programmée des Juifs mais aussi des Tziganes, des infirmes, des malades mentaux par les nazis – mérite un examen approfondi qui revient régulièrement mais il faut se garder de la banaliser car ce massacre s'appuyait sur l'obéissance aveugle de fonctionnaires satisfaits d'obéir aux ordres.
L'exemple d'Eichmann est détaillé, appuyé par les observations d'Hannah Arendt et sa fameuse formule si critiquée : « la banalité du mal ». Boris Cyrulnik démontre que n'importe quel être humain peut se révéler « mangeur de vent » et que tout se joue durant l'enfance. Si la célèbre politologue née en Allemagne puis naturalisée américaine était séduite par l'intelligence de cet homme, elle n'a pu accepter qu'il devienne un nazi convaincu sans, toutefois, pouvoir effacer les moments de bonheur vécus avec lui.
Ces nazis pouvaient massacrer froidement des milliers de Juifs dans la journée, enfants, femmes, hommes, et retrouver joyeusement leur foyer en soirée. Pour cela, il fallait nier toute humanité à ceux qu'ils exterminaient, ne pas capter leur regard.
Trente-trois petites parties, chapitres plus ou moins long, se succèdent. L'écriture de Boris Cyrulnik est simple même s'il lui est impossible d'évacuer des termes qui lui sont familiers mais pas ou peu utilisés dans la vie courante. Peu importe, chaque chapitre hérite d'un titre qui annonce la couleur comme « Croire au monde qu'on invente » ou « Parler pour cacher le réel », ou « Se soumettre pour se libérer », ou encore « Toute-puissance du conformisme »…
Cet homme qui s'est tu pendant quarante ans car son récit, il le dit lui-même, n'intéressait personne, a enfin réussi à être cru grâce aux témoins qu'il a retrouvés souvent par hasard. Un livre, une émission de télévision en 1983 lui ont permis d'être écouté. Après s'être soumis, il s'est enfin libéré.
L'auteur rappelle qu'un enfant a besoin de trois niches pour se développer harmonieusement : la sensorialité, l'affectivité et la verbialité. Dans ce chapitre, plus long que les autres, il précise que « dans une famille pauvre structurée par l'affection et la culture, les enfants ne sont pas malheureux et se développent bien. » Ensuite, ce sont les utopies qui escroquent les peuples jusqu'à ce que la déception survienne, trop tard, hélas.
Quand il se demande s'il faut se « Soumettre à l'autorité », la question se pose : obéir ou pas ? Il rappelle la fameuse expérience de Stanley Milgram avec ces décharges électriques d'intensité croissante envoyées par des « enseignants » à des « apprenants » dès que ces derniers commettaient une erreur. 65 % des « enseignants » n'ont pas hésité à torturer, se soumettant à une autorité morale, démontrant à nouveau cette « banalité du mal » mise en avant par Hannah Arendt.
Enfin, Boris Cyrulnik fait bien de rappeler qu'au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), qu'à Dieulefit (Drôme) et qu'à Moissac (Tarn) pas un seul des Juifs réfugiés n'a été dénoncé alors qu'à Paris et dans les grandes villes cela se faisait couramment. Comment expliquer qu'au Chambon-sur-Lignon, sur les cinq mille réfugiés dont trois mille cinq cents Juifs, pas un n'ait été dénoncé comme le demandaient deux pasteurs ? Estime pour ces pasteurs ou volonté de désobéir aux nazis ?
Tous ces comportements méritaient d'être analysés comme l'a fait Boris Cyrulnik dans le laboureur et les mangeurs de vent car cela permet de comprendre génocides, massacres ethniques, guerres civiles, idéologiques et religieuses. Chaque être humain peut basculer dans l'horreur pour peu qu'il devienne un mangeur de vent au lieu de désobéir aux ordres donnés. C'est un choix douloureux qui doit se préparer dès l'enfance comme y revient justement l'auteur à la fin d'un ouvrage riche d'enseignements.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Ce dernier livre de Boris Cyrulnik décrypte les processus psychologiques et cérébraux d'une part, mais aussi familiaux et sociétaux d'autre part, qui depuis le plus jeune âge peuvent créer des situations d'insécurités et de souffrances conduisant certaines personnes à s'emparer et adhérer à des récits déviants jusqu'à donner le pouvoir de leur pensée à des manipulateurs ou des dictateurs.
Ce livre écrit peu avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, dépeint incidemment très clairement comment celle-ci a pu survenir et comment tout un peuple semble suivre une pensée unique et totalitaire, pourtant irrationnelle vue de l'extérieur.
Boris Cyrulnik a consacré sa vie à comprendre ce qui lui était arrivé enfant, lui qui ne comprenait pourquoi tant d'hommes voulaient le tuer à 7 ans, sous l'occupation nazie, pourquoi d'autres ont cherché à le protéger, et pourquoi il ne fût pas cru lorsqu'il se mit à parler des années après la guerre.
Ce livre apporte des clés pour comprendre un peu plus, mais en aucun cas pardonner ou justifier, les mécanismes qui conduisent aux folies meurtrières et barbares. Il rappelle notamment qu'un tyran, un tortionnaire ou un administratif zélé des camps de la mort, peut tout aussi bien passer ses journées à tuer et être un adorable parent le soir avec ses propres enfants.
La violence extrémiste n'est pas l'apanage de fous ou des psychopathes, ceux-là sont minoritaires, mais d'hommes ordinaires : « Dans la population des persécuteurs, on trouve de grands intellectuels, des psychopathes, des délinquants et un grand nombre d'hommes ordinaires ». (p233).
On (re)découvre, car les sociétés modernes l'oublient, que le conformisme, le prêt à penser, « la pensée paresseuse ne procure que des amis qui disent tous la même chose, ce qui empêche la vérité, forcément nuancée ». (p221).
Enfin il n'y pas de mal ou de bien, il n'y a pas de fatalité, donc pas de méchants et de gentils, il y a surtout des enfants dont les premières semaines et premiers mois leur imprègnent des manques fondamentaux, d'affections, de sécurité et d'ouverture au monde, qui font que lorsque ces derniers rencontrent un contexte socio-politique déviant et extrémiste, cela les conduit parfois à adhérer à ces récits victimaires, d'êtres persécutés, justifiant alors ces bascules vers la violence.
Il s'agit d'un livre d'une lecture aisée et agréable, très pédagogique et surtout salutaire, par les temps qui courent.
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Dans ce livre passionnant, Boris Cyrulnik tente de comprendre et de nous expliquer pourquoi, confrontés à certaines situations, certains font le choix de l'obéissance et de la soumission alors que d'autres se rebellent et refusent l'innaceptable.
S'il avait déjà clairement abordé cette problématique dans son livre précédent, « Chérif Mécheri »: Préfet courage sous le gouvernement de Vichy, co-écrit avec José Lenzini, l'auteur va ici plus loin dans l'analyse du comportement humain. Pour ce faire, il fait essentiellement référence à la seconde guerre mondiale et à la Shoah, qui l'ont particulièrement touché.

Comment comprendre qu'une importante partie d'un des peuples les plus cultivés d'Europe ait pu, en toute bonne conscience, tomber dans la barbarie ou, « au mieux », fermer les yeux sur cette dernière?
Comment d'autres, en Allemagne ou ailleurs, ont-ils choisi de désobéir aux règles ou de les ignorer, sauvant ainsi des vies, au péril de la leur?
Comment sont formés les esprits de ces deux catégories de personnes?
Quel environnement ou quel passé sont à la source de leurs choix respectifs?
Serions nous capables, nous aussi, d'exécuter les ordres sans réfléchir?

Il est souvent fait référence à la « banalité du mal », évoquée par Hannah Arendt dans son livre « Eichmann à Jérusalem » qui avait déjà brillamment traité ce sujet.

Je n'irai pas beaucoup plus loin dans ce résumé afin de permettre à chacun de découvrir cette excellente analyse, aussi effrayante qu'utile. Un ouvrage que je ne peux que recommander alors qu'une partie de nos populations européennes semble attirée par les extrêmes. Je finirai avec cette citation d'Elie Wiesel, plus que jamais d'actualité, et qui nous incite à la vigilance:
« Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s'exposent à ce qu'elle recommence ».
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Livre salutaire en ces temps troublés.

Écrit avant la guerre en Ukraine et celle qui frappe Israël ces dernières semaines, l'auteur nous éclaire sur la construction du cerveau humain, et ce qui nous pousse à accomplir les actes que nous accomplissons.

Il essaye de nous expliquer l'indicible des crimes de masse, ou le terrorisme, lui qui avait été condamné à mort à 7 ans parce que juif, mais sauvé par des Justes, grâce aux connaissances en neurosciences actuelles.

C'est profond, très instructif, et j'ai envie d'en retirer que nous pouvons agir sur le réel qui agit sur nous, et que nous pouvons apprendre à nos enfants le plaisir d'explorer, d'aimer de diverses manières, et de découvrir les autres cultures.

Mais pour cela, il faut accepter que "Penser par soi-même, c'est s'isoler : l'angoisse est le prix de la liberté"

À lire et à faire lire !
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Cet auteur fait partie des penseurs contemporains que je peux lire jusqu'au bout. Ce n'est pas forcément un gage de qualité pour sa pensée car je reconnais humblement que j'ai beaucoup de mal à lire les auteurs abstraits. Autant, quand ils expliquent leur pensée oralement, je suis parfois passionnée, je me procure alors leur livre mais je constate souvent que j'ai beaucoup de mal à les lire. Pour Cyrulnik ce n'est pas le cas, car il mêle toujours du narratif à l'abstraction et cela rend ses livres passionnants pour moi.

Dans ce livre-ci, il essaie de cerner ce qui fait qu'un être humain garde son libre arbitre où bien se soumet au groupe et peut alors commettre le pire.

Bien sûr, il démarre par cette pure horreur : pourquoi alors qu'il avait sept ans des allemands ont décidé de le tuer ? Et s'il a survécu, il lui faudra de nombreuses années pour oser dire devant l'opinion française ce qui s'est effectivement passé. Ensuite, il analyse sous plusieurs angles d'attaque toutes les circonstances qui ont permis à des hommes et des femmes de prendre des décisions qui iront dans le sens de la dignité humaine ou au contraire dans l'abjection.

Ce livre est très difficile à résumer, mais ce que l'on peut dire c'est qu'ensuite on a vraiment envie de faire partie des adultes qui n'accepteront pas d'obéir aux dogmes ambiants sans exercer leur pensée critique. Je trouve très intéressant qu'il se mette lui-même en cause en tant que médecin. Il était neuro psychiatre quand on faisait encore des lobotomies et s'il n'en a pas fait lui-même il a vu très peu de médecins s'y opposer. Comme nous venons de vivre une époque où la doxa médicale était très difficile à mettre en cause, j'ai été très sensible à ce qu'il décrit. Il prend un moment un exemple que j'ai trouvé tellement parlant, quand il était jeune médecin on était persuadé qu'il ne fallait pas endormir localement des plaies avant de les suturer, car cela risquait de moins bien cicatriser. Il a donc fait ainsi en faisant souffrir des enfants, alors que finalement il n'y a aucune raison médicale de ne pas anesthésier les plaies avant de les recoudre.

Comme vous le voyez ce que je retiens ce sont tous les exemples que cet auteur prend pour illustrer ses propos. mais j'ai noté beaucoup de passages pour que vous puissiez cerner sa pensée.

Je vous conseille vraiment la lecture de ce livre ou d'écouter ce penseur si humain que cela fait du bien de faire partie de la même humanité que lui.
Lien : https://luocine.fr/?p=15179
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A lire, à relire, à reprendre, à feuilleter, à souligner, à penser,...
Pourquoi certains restent-ils libres et indépendants, refusent toute allégeance à un gourou, un parti politique, une religion? Pourquoi d'autres, au contraire, se précipitent-ils dans ces "prêts à penser", même loufoques, même monstrueux, même criminels, même incohérents,... théories du complot, extrémismes politiques et religieux, gourous.
Pourquoi?
Et donc, l'essentiel se jouerait dans les 1000 premiers jours de vie, dans ce lien précieux qui doit exister, enfermant mais sécurisant, mais qui permet la naissance de la confiance en soi, dans le droit de remettre en question, de douter, de refuser. Lien du tout petit à la figure maternelle, dont il doit se détacher harmonieusement...
Quel livre! Combien de fois ai-je eu envie de cocher, de surligner, de recopier, mais prise par la pensée de Mr Cyrulnik, j'ai chaque fois préféré continuer la lecture. Ce sont désormais autant d'invitations à reprendre ce cadeau que nous offre ce grand Monsieur...
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« le laboureur et les mangeurs de vent » doit absolument être lu. Boris Cyrulnik fait la différence entre croyance et certitude. le fanatisme se répète hélas depuis la Shoah. Certains ont toujours besoin de suivre un groupe qui les guide dans des doctrines aveugles. Plus besoin de réfléchir quand vous suivez un gourou, qu'il soit religieux, politique, complotiste ou antivax. Libérons-nous de la pensée de masse. Je suis au bord des larmes quand l'auteur parle de sa prime enfance alors qu'il n'avait pas le droit de vivre. Il a appris à lire à 10 ans. J'apprécie aussi son refus de diviser la société en bons et méchants. M. Cyrulnik je vous admire d'avoir pu faire résilience avec le traumatisme que vous avez subi. Un livre douloureux et résolument optimiste.
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