Cannibale

Ce court récit nous plonge dans le Paris des années 30 au moment où la capitale organise l'exposition coloniale : une immense exposition de plein-air destinée à promouvoir la puissance de la France impériale d'alors, présentant les "curiosités" issues des colonies françaises. Cet épisode est raconté par la voix de Gocéné, un vieux kanak qui, bien des années après, rapporte à deux jeunes rebelles de sa région ses souvenirs de son séjour parisien.

En 1931, lui et une trentaine de personnes de son village sont désignés pour participer à l'exposition coloniale afin d'y représenter la Nouvelle-Calédonie. Mais à leur arrivée, les kanak sont parqués quasi nus dans un enclos, entre la fosse aux lions et le marigot des crocodiles, et priés par l'organisation de se comporter comme des animaux devant le public occidental, criant, grimaçant, dansant, se bagarrant afin d'amuser et d'impressionner les visiteurs. Sur la pancarte de leur enclos on peut lire "Hommes anthropophages de Nouvelle-Calédonie".
Lorsque, quelques jours plus tard, une partie des siens est emmenée par la direction au prétexte de leur faire visiter Paris, Gocéné, dont la promise Minoé faisait partie du convoi, décide de tout faire pour la retrouver. Accompagné de son meilleur ami Badimoin, il quitte le parc de nuit et part explorer la capitale à la recherche de ses amis...

L'aventure de Gocéné et de Badimoin est inspirée d'un fait réel et remet en lumière le caractère odieux de l'impérialisme occidental et des mentalités de l'époque. Elle nous rappelle que le regard porté sur l'autre a été marqué jusque tard dans l'histoire par le mépris et la supériorité des occidentaux. Cet épisode très instructif décrit les coulisses de l'exposition coloniale à travers le traitement indécent infligé aux peuples "invités" et l'abjecte mise en scène qui leur était imposée pour divertir le public occidental. On y découvre, à travers les réactions, remarques et comportements des blancs, le racisme ambiant qui imprégnait l'ensemble de la société de l'époque, dans laquelle peu nombreux étaient ceux qui se soulevaient contre cet état de faits.
Par ailleurs, l'excursion des deux amis dans la ville décrit leur découverte d'un univers alors inconnu d'eux, et c'est l'occasion pour le lecteur qui les accompagne, d'une visite dans ce Paris des années 30 avec ses rues, ses aménagements urbains, ses bruits, son tumulte et sa foule citadine. Dommage que ce récit soit aussi court.

Les zoos humains. C'est cette terrible thématique que Didier Daeninckx a choisi de pénétrer à travers un roman court et bien documenté. le contexte est celui, bien réel, de l'exposition coloniale de 1931 à Paris. le lecteur est amené à suivre la destinée de Badimoin et sa fiancée Minoé. Arrachés à leur terre de Nouvelle Calédonie sous des prétextes fallacieux, ils se trouvent enfermés au zoo de Vincennes, obligés de satisfaire les clichés des bien pensants parisiens. Une partie des Kanaks, dont Minoé, se trouve même échangée contre des crocodiles d'un zoo allemand : hommes et animaux sont traités sur le même plan. le lecteur est entraîné dans la quête de Badimoin pour retrouver sa promise. le texte est un appel à la tolérance et à la destruction des pensées toute faites.

J'aime ces livres dénonçant le racisme (dans ce livre, celui de l'époque coloniale)......

Aucune critique n'est réellement à faire pour cet ouvrage, il est à lire pour connaître l'horrible vérité concernant nos ancêtres, ce que nous, héritiés des droits de l'Homme, avons été capable de faire.
Un siècle nous sépare de cet évènement et ce livre nous propose une remise en cause de nous-même, comment aurais-je réagis face à ces hommes entreposés tel des animaux au zoo de Vincennes ? Aurais-je été l'une de ces curieuses à venir voir l'Homme sauvage ou au contraire aurais-je trouvé cela honteux ? Je ne sais pas. Aujourd'hui je suis révoltée de lire ceci mais il y a un siècle mes ancêtres trouvaient cela "normal".
Très bel ouvrage que voilà à mettre entre toutes les mains ! Lecture rapide et réfléchie pour mieux comprendre L Histoire.