Il paraîtrait que, pour draguer, certains hommes se déclarent féministes pour attirer des femmes et les séduire alors même qu'ils sont de parfaits représentants d'une masculinité toxique. Ces réputations usurpées par des féministes auto-proclamés m'évoquent le cas de ces femmes, élevées dans une société patriarcale, qui sont intoxiquées par cette idéologie sexiste.
Car il s'agit de repérer les misogynes qui avancent masqués.
Et parfois on trouve le tiercé gagnant : une femme qui se prétend féministe alors qu'elle est misogyne.
C'est, selon moi, le cas de
Christina Dalcher que l'on présente comme une autrice féministe parce qu'elle a écrit des dystopies sur des femmes, en surfant sur le succès de
Margaret Atwood. En s'inscrivant dans cette filiation de dystopies féministes, en évoquant des hommes violents et cruels, elle semble revendiquer une appartenance au mouvement féministe.
Mais il suffit de la lire pour déceler la manipulation.
Et pour repérer la duplicité politique.
Les quatre epigraphes placés au début du roman sont déjà des indices probants. Ils affichent une vision extrémiste de la misandrie que l'autrice assimile grossièrement au féminisme. Et elle va jusqu'à l'apothéose terroriste du tweet "Tuez les hommes".
Elle va ainsi, tout au long du roman, échanger le postulat " Les hommes sont dangereux" contre le postulat "Rejeter les hommes est dangereux".
Elle discrédite les féministes par une caricature grotesque : Win est une vieille femme aigrie, Jen est une illuminée sanguinaire et Kate une brute idiote et soumise. Toutes sont des manipulatrices, comparées à des gourous de secte, qui endoctrinent et soumettent en appuyant sur les blessures passées.
Très vite, l'auteure mise sur la complicité du lecteur : cette communauté idyllique de femmes doit forcément cacher quelque chose de malsain. D'emblée elle pose la suspicion comme règle, alors même qu'elle décrit un village enchanteur, chaleureux et organisé.
Il semble qu'il lui soit inconcevable, alors même qu'elle est une femme, qu'une société aussi harmonieuse ait été construite sans les hommes.
Elle utilise alors les relations complexes de Miranda avec sa mère et sa rivalité avec Jen, pour justifier la méfiance de son personnage. C'est à cause de leur passé commun que l' héroïne peut deviner ce qui se trame derrière cette image paradisiaque.
Elle va dévoiler un Gilead inversé et bien plus cruel encore. Alors que les servantes de
Margaret Atwood ont droit à un confort relatif, le sort des reproducteurs est d'une effrayante cruauté.
Sous un féminisme de surface,
Christina Dalcher milite pour une société genree.
L'unique reference a la transidentite est d'ailleurs rapidement balayée, comme s'il suffisait de l'évoquer pour ne pas être accusée de transphobie alors même que l'exclusion n'est pas traitée. On imagine l'autrice rayer sur une fiche les sujets à convoquer. Et cela se ressent dans ce roman qui ouvre des pistes qui finissent en impasse.
A peine affirme-t-elle rêver d'une société égalitaire qu'elle exprime la nostalgie d'un monde où les femmes s'efforcent d'être jolies pour des hommes qui s'appliquent à gagner de l'argent et leur assurer une vie confortable.
Faire de Miranda une boussole morale revient à faire une caricature grossière des féministes. Dans une Amérique où le sexisme revient en force, une femme qui se prétend progressiste reproduit inlassablement clichés et stéréotypes misogynes et méprisants.