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EAN : 9782200289591
336 pages
Armand Colin (26/08/2015)
4.25/5   4 notes
Résumé :
Qui n’a pas étudié dans un établissement scolaire Paul Bert ou habité rue Paul Bert ? Cependant, malgré cette omniprésence dans l’espace public, l’oeuvre de ce républicain est largement oubliée de nos jours.
Paul Bert fut pourtant l’un des plus grands scientifiques français du XIXe siècle et un des pères fondateurs de l’école laïque et républicaine. S’il a été un partisan de la colonisation, notamment en Indochine, on retiendra de lui le grand patriote, traum... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je remercie les éditions Armand Colin, et l'opération Masse Critique, de Babelio, de m'avoir permis de lire et de rédiger la critique du livre de Rémi Dalisson, Paul Bert, l'inventeur de l'école laïque.

Le livre proposé par Masse Critique a suscité mon intérêt car ma famille a connu plusieurs instituteurs et institutrices, des hussards noirs de la République, et je sais ce qu'est l'école laïque.
J'ai connu également des groupes scolaires Jules Ferry, et Paul Bert. En revanche, je ne connaissais ni l'homme ni son histoire, et j'étais loin d'imaginer, en lisant l'ouvrage de Rémi Dalisson, toute la complexité de la personnalité que j'allais découvrir.
Paul Bert est un homme du XIXème siècle, né en 1833 à Auxerre, et mort à Hanoï en 1886. C'est un médecin et un homme de science. Il a eu pour maître Claude Bernard, et qui s'est intéressé aussi bien à la physiologie de la plongée sous-marine qu'aux greffes animales. Il incarne le positivisme scientifique « Tout s'explique par la science » ; « si nous observons bien, si nous expérimentons bien et si nous raisonnons juste, nous sommes assurés de découvrir des vérités vraies et de ne point être leurré par quelque puissance occulte». Professeur de physiologie à Bordeaux, il devient membre de l'académie des sciences en 1882.
Ami de Gambetta, Paul Bert est également un homme politique, député de l'Yonne de 1872 à 1876, Ministre de L'instruction publique et des cultes en 1881-1882, puis Résident général du Protectorat français du Tonkin (1886, jusqu'à sa mort en novembre 1886).
En tant que ministre de l'instruction publique, il introduit de nouvelles matières dans les les programmes scolaires destinés aux enfants de 6 à 12 ans : l'instruction primaire comprend l'instruction morale et civique, la lecture et écriture, la langue et les éléments de littérature française ; la géographie, particulièrement, celle de la Frane ; l'histoire, particulièrement celle de la France jusqu'à nos jours ; quelques leçons usuelles de droit et d'économie politique ; les éléments de sciences naturelles, physique et mathématiques ; leurs applications à l'agriculture, à l'hygiène, aux arts industriels, travaux manuels et usage des premiers outils des principaux métiers ; les éléments de dessin, du modelage et de la musique ; la gymnastique ; pour les garçons les exercices militaires ; et pour les filles, les travaux à l'aiguille ».

Paul Bert est un libre-penseur. Il participe à la rédaction des manuels des écoles de la troisième république, en particulier un manuel d'instruction civique « L'instruction civique à l'école, notions fondamentales, publié en 1881 après sa réélection comme député de l'Yonne, dans lequel il développe les thèmes de la laïcité « de combat », en lutte contre l'influence de l'Eglise, des congrégations, des conservateurs de tout genre.
Paul Bert quitte le pouvoir en 1882, il s'intéresse à la politique coloniale qui sera son dernier engagement. Il se rend en Indochine en 1886 pour devenir Résident général au Tonkin et en Annam, et il décède du choléra quelques mois plus tard.

Résumer en quelques lignes l'ouvrage de Rémi Dalisson me paraît une tâche improbable : en effet, il s'agit d'un travail d'universitaire, extrêmement documenté. La vie de Paul Bert, son parcours intellectuel, ses engagements, sont expliqués, mis en perspective. A aucun moment Rémi Dalisson ne cherche à occulter les prises de position de Paul Bert en matière coloniale, ses idées et théories que l'on pourrait qualifier actuellement de «racistes».
Il s'emploie à replacer l'homme et son parcours dans son époque, et à ne pas le juger selon nos propres critères. le dix neuvième siècle se caractérise par un certain éthnocentrisme – avec lequel Paul Bert, au Tonkin, a pris des distances. En ce qui concerne les controverses, qui sont nées de ses écrits sur la notion de race, il faut être prudent : elles doivent être examinées à la lumière de lectures sociales et sociologiques. Rémi Dalisson s'attache en revanche à montrer combien la laïcité voulue par Paul Bert est proche de nous, de nos conceptions et de nos préoccupations actuelles.

En conclusion, je dois souligner que j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de l'ouvrage de Rémi Dalisson. A travers la biographie de Paul Bert, j'ai découvert une époque complexe, des débats d'idée passionnés, des interrogations sur la vie et sur les valeurs, et un passé qui nous parle, par tant d'aspects.
C'est là tout l'intérêt des biographies de qualité : nous donner les éléments pour nourrir une réflexion sur un homme face à son époque.
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En voyant cet ouvrage dans la masse critique, je me suis dit qu’il serait une bonne occasion de combler un peu mon manque de culture historique et politique, puisque je me doutais que la présentation de Paul Bert (1833-1886) en tant qu’inventeur de l’école laïque replacerait son action dans son contexte.


Et en effet, ce livre a répondu à toutes mes attentes et bien plus encore !

Il présente brièvement la famille et l’enfance de Paul Bert, juste ce qu’il faut pour entrevoir les influences auxquelles il a été soumis.

Après cela, le livre ne suit pas précisément un ordre chronologique, puisqu’il expose la carrière scientifique de Paul Bert, puis son engagement politique, ensuite plus précisément ses idées républicaines et de libre-penseur.

Une partie importante concerne son action envers l’école et une dernière partie s’intéresse à sa position face à la question coloniale, ce qui permet de conclure son parcours puisqu’il est mort dans les colonies.



Au vu des notes et des références bibliographiques, c’est un travail extrêmement bien documenté que nous livre Rémi Dalisson.
Il y a suffisamment de détails donnés sur le contexte politique de l’époque pour avoir un avis nuancé sur le personnage qu’a été Paul Bert.


C’est un scientifique avant tout, qui croit au pouvoir de la science pour former l’esprit, qui croit au pouvoir de la science pour amener des progrès dans bien des domaines. Et tant pis s’il faut s’adonner à la vivisection, largement attaquée déjà à l’époque.

C’est un libre-penseur, qui croit que chaque homme doit se déterminer par lui-même. Il flirte avec la franc-maçonnerie mais n’a pas fait partie « officiellement » de ce système.
Ses idées l’ont poussé à s’engager en politique et à agir particulièrement pour l’école, base de l’éducation de tous les enfants.
Une bonne place est laissée à l’examen de ses idées concernant la religion. Profondément anticlérical, il n’est pas opposé à la religion pour autant.
Cependant, il veut que chaque homme puisse contrôler sa vie, sa morale, dans la religion qu’il souhaite, ou dans la non-religion. Ainsi, il va œuvrer à reprendre le pouvoir que les jésuites ont sur l’éducation des enfants.

« En respectant les lois, vous serez entièrement libres. […] vous pourrez aller ou ne pas aller à l’Eglise, changer de religion si vous le voulez, ou même n’en avoir aucune, travailler ou non le dimanche. […] Tout français jouit de la liberté individuelle […] de la liberté de conscience. […] Toutes ces libertés sont communes à tout le monde. Par conséquent, chacun en les exerçant à le devoir de laisser les autres les exercer comme bon lui semble. […] Voilà la principale limite de la liberté, ne pas gêner celle des autres. »
[Paul Bert, l’instruction civique…, op. cit., p 113-116]


Pour cela il participe en politique à l’élaboration de la loi qui promulgue une école obligatoire, gratuite et laïque, votée en 1886 sous le nom de « loi Goblet ».

« Ainsi, tout marchait à la fois. Par la suppression des matières religieuses de l’enseignement public, on assurait la liberté de conscience de l’enfant, celle du père de famille, celle de l’instituteur. Par l’obligation, on rappelait au sentiment de leur devoir les pères de famille presque indignes de ce beau nom. Par la gratuité, on établissait dès l’école le sentiment de l’égalité civique […]. Par la laïcisation du personnel enseignant, on confiait l’instruction publique à des fonctionnaires qui n’obéissent qu’à la loi civile, ne reçoivent d’ordres que de leurs chefs hiérarchiques. »
[Paul Bert, rapport sur le projet de loi rendant l’école obligatoire, 1880, n° 2606, 11 mai 1880]


Cela précède de peu la loi de séparation de l’église et de l’état en 1905, qui n’est qu’évoquée dans cet ouvrage mais qui se trouve nettement éclairée par celui-ci.

Cette mise en œuvre d'une école laïque permet aussi de mieux comprendre dans quel optique l'enseignement moral a été placé dans les programmes de l'époque, pour "remplacer" la morale religieuse.
Cela donne donc à réfléchir sur le retour d'un enseignement civique et moral depuis la dernière rentrée scolaire.

Paul Bert a œuvré également pour l’égalité filles-garçons quant à la scolarisation, même si ensuite, cette égalité était mise à mal par la grande différence de traitement des deux sexes. Aux filles les travaux d’aiguille, aux garçons les exercices physiques. Là encore, le contexte est important, les femmes sont au foyer, n’ont pas le droit de vote (pour un bon moment encore…).


La dernière partie qui concerne ses positions face aux colonies est l’occasion de nuancer le racisme dont il fait preuve par les idées qui prévalent à l’époque sur les races et d’expliciter les différentes formes de colonialisme qui ont existé.
Lorsque certains croient à la pureté de la race, d’autres croient en la possibilité d’améliorer les races inférieures par métissage.
Lorsque certains veulent profiter des territoires et laisser disparaître les populations locales, d’autres veulent profiter des territoires et imposer le progrès aux populations locales.
Des nuances, somme toute, utiles à la réflexion sur ces sujets…



Dans un deuxième « chapitre », Rémi Dalisson se penche sur la mémoire de Paul Bert et les controverses dont il a été l’objet depuis un peu plus d’un siècle maintenant.
Il permet d’appuyer un point de vue non partisan, prenant le contre-pied tant du positif que du négatif par quelques rappels brefs à la réalité décrite largement précédemment dans l’ouvrage.

En conclusion, Rémi Dalisson ouvre la réflexion sur la question de la laïcité qui ressort depuis quelques années dans la question scolaire.



Et en effet, cette année, en tant que parent, nous avons été prié de lire la charte de la laïcité, coincée entre le règlement intérieur de l’école, la charte informatique, le règlement de la cantine, dans les documents de rentrée en septembre.

Il est vrai aussi que depuis pas mal de temps, au nom de la lutte contre le décrochage scolaire, l’obligation scolaire est assénée quand besoin s’en fait sentir et l’on sait même retenir les allocation familiales des récalcitrants éventuellement.

Et laquelle manque-t-il des trois ?
Gratuité, où es-tu ?
Pourquoi personne ne s’étonne de devoir payer les fournitures scolaires dès l’école primaire, de devoir payer des sorties scolaires... ?

Un livre qui donne envie de réfléchir. Un très bon livre.


Merci aux éditions Armand Colin de participer à Masse Critique et merci à Babelio de l’organiser.





De l’importance de l’école :

« […]
Oh l’aut’, y fait ministre il a même pas d’CAP
Tu m’étonnes que ça merde la France
[…] »

Extrait de « Toubon chez les jeunes », Les guignols de l’info :
https://www.youtube.com/watch?v=CtG4eqQ-2G4

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Je l’avoue humblement, de Paul Bert, un des plus célèbres scientifiques de son temps, j’ignorais tout, malgré une certaine connaissance des grandes figures de la Troisième République.
Patriote pétri de l’esprit de revanche, libre-penseur, docteur en droit, sciences et médecine, anticlérical acharné, promoteur de l’école laïque gratuite et obligatoire, partisan de l’éducation des filles, artisan de la création dans chaque département d’un école normale d’instituteurs, mais aussi coloniste professant des convictions racialistes (thèses fondées sur la supériorité de la « race » blanche) totalement infondées aujourd’hui : tel fut Paul Bert, né à Auxerre en 1833 et mort du choléra en 1886 dans la fleur de l’âge, à Hanoï où il était venu comme Résident général huit mois plus tôt.
Une carrière fulgurante, selon un parcours classique – réussite scientifique exemplaire, carrière à l’université, entrée en politique - dans cette république née d’une lourde défaite et qui ne pense qu’à recouvrer ses provinces perdues. Le contexte scientifique de ce temps est propice à l’avènement des idées progressistes. Paul Bert est un positiviste : il entend bâtir une société fondée sur l’expérimentation et la raison, qu’il est nécessaire de régénérer par l’éducation, fondement du patriotisme.
Dans le domaine des sciences, Paul Bert étudie la physiologie, les greffes végétales et animales, la transfusion sanguine, l’anesthésiologie, l’asphyxie, la pression atmosphérique, milite pour l’expérimentation, le travail en petits groupes (à l’instar de ce qui se fait déjà en Allemagne, l’ennemi (mais aussi l’exemple à suivre !!!)
En politique, il se range derrière Gambetta, parmi les Républicains opportunistes. Il prépare les lois de Jules Ferry, avant de se détacher de lui. Son œuvre est marquée par sa haine viscérale des jésuites qui incarnent les tendances rétrogrades et anti progressistes de l’Eglise. Il faut bien se replacer dans le contexte de cette période qui prépare la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905…. Et qui continue d'influencer notre vie politique actuelle …
Mais en réalité, son passage au Ministère de l’Instruction publique et des Cultes ne dure que 9 semaines, du 14 novembre 1881 au 26 janvier 1882. Son œuvre n’en est pas moins remarquable, ainsi que son activité de rédacteur de manuels de vulgarisation, comme son opuscule « L’Instruction civique à l’école » publié en 1881, qui explique aux enfants les lois républicaines, les valeurs du régime, la morale laïque, ouvrage qui sera mis à l’index par l’Eglise. Car son crédo est de faire des enfants des citoyens qui réfléchissent par eux-mêmes et feront, le moment venu, de bons soldats prêts à donner leur vie pour la Patrie.
Le côté noir de la légende, ce sont les convictions profondes de ce scientifique, largement partagées à l’époque, sur la différenciation des races humaines et leur hiérarchisation, qui justifie la colonisation, l’érige même en devoir – et, en plus, procure un dérivatif à la défaite de 1870. Car tous ces républicains sincères prônent, en même temps que l’universalisme des Lumières, l’hérédité des caractères physiques et psychiques, l’inégalité des capacités et la hiérarchie des groupes humains : des notions totalement erronées qui continuent à polluer notre vie politique contemporaine malgré les désastres qu'elles ont provoqué – et pas seulement l’horreur de la Shoah.

Pourquoi cette biographie maintenant ? L’auteur annonce la couleur dès le départ. Son propos est clair : il s’agit de redresser l’oubli dans lequel est tombé ce grand acteur de la laïcité, replacer ses écrits dans une époque totalement ethnocentrée, évoquer son univers mental et ses références. La fin de l’ouvrage propose aussi une étude approfondie des caricatures parues de la Presse satirique de l’époque, bien plus mordantes et injurieuses que celles qui ont provoqué le carnage de Charlie Hebdo. Un rappel de ce que la résurgence du racisme actuel constitue donc un héritage du siècle de Paul Bert obsédé par le racisme légitimant la colonisation, une vision du passé complètement absurde aujourd’hui.

C'est un plaidoyer pour le retour à la morale civique et aux valeurs républicaines face aux tentations de communautarisme, à un moment où la laïcité serait malmenée …Un livre légèrement hagiographique, mais qui permet de se remettre dans le bain de la Troisième République naissante. Un seul regret : l'auteur parle des ses trois filles et de ses gendres, mais pas un mot du fils illégitime de Paul Bert, à la carrière atypique, fondateur de l’Espéranto … Un accroc dans le tableau ?

Ouvrage commenté dans le cadre de l'opération Masse critique.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Nous retracerons donc une époque et une société dans toute leur complexité, non pour réhabiliter, mais pour expliquer et comprendre un homme, un parcours, une pensée à la lumière de son temps, et lui faire justice de procès ou contresens actuels. Ce faisant, nous constaterons que la construction de l'école républicaine, mais aussi les progrès médicaux et scientifiques sont les fruits de plus de continuités que de ruptures, qu'ils sont complexes et parfois contradictoires. Que les premiers républicains ne peuvent se réduire à leur légende dorée et que leurs pensées comme leurs actions sont pleines de subtilités, de tâtonnements et de non-dits parfois difficilement compréhensibles de nos jours. Nous montrerons que les faits historiques, comme la colonisation ou le patriotisme germanophobe, doivent être étudiés dans toutes leurs dimensions pour comprendre et déconstruire les représentations d'alors....

Enfin nous constaterons que les hommes jouent un rôle dans l'histoire et qu'ils peuvent faire, tout autant que les superstructures et les rapports sociaux, basculer des sociétés. Ce fut le cas, assurément, d'un Paul Bert, esprit libre et indépendant, épris de justice et de raison prônant la "non-crédulité" des consciences. Il mérite de retrouver toute sa place dans le panthéon des grands républicains et dans la mémoire nationale, avec ses forces mais aussi ses faiblesses et défauts. Car des salles de cours des facultés de médecine et de science qui ont formé le futur ministre, en passant par celles des écoles où doivent éclore "des hommes et, grâce à la République, des citoyens libres, des électeurs et des élus [.....] qui affirmeront l'idée de Patrie", jusqu'aux colonies qu'il découvre en Algérie et incarne au Tonkin, c'est un itinéraire singulier autant que classiquement républicain que nous allons suivre.

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Il publiera en tout neuf manuels de vulgarisation scientifique pour le Primaire et le Secondaire adaptés à chaque sexe et à chaque changement de programme. Trois autres paraîtront même après sa mort sous sa signature.
Il écrit sur tous les aspects des sciences de son temps, la physique, les sciences naturelles, la zoologie, la géométrie, l'anatomie, la physiologie pour enseigner, selon sa fameuse expression, la "non-crédulité sans enseigner le scepticisme", y compris dans le domaine manuel et industriel des cours complémentaires et du primaire supérieur. Il se veut aussi rigoureux dans ses ouvrages que dans son laboratoire et entend écrire des "livres élémentaires" et explicatifs, et non des abrégés. Et comme dans son manuel d'instruction civique, il reste concret (enseignement par l'aspect et méthode concentrique) pour n'aller vers l'abstrait que dans un second temps en utilisant un langage simple qui parle aux enfants.

Il part d'exemples simples et compréhensibles comme dans le chapitre trois de l'Instruction civique à l'école, où il fait utiliser par les enseignants les bordereaux de contributions de leur traitement pour expliquer aux enfants les subtilités de la justice et des divers tribunaux. En demandant aux enseignants de collecter des échantillons de minéraux pour les sciences naturelles lors de promenades hors des établissements, il préfigure les leçons de choses. Dans le même registre, il demande de ne pas négliger le travail manuel, même s'il est très sexué.
Cette pédagogie éclairée complète l'instruction civique et la morale laïque. Certes, tout cela reste théorique, et l'on sait que ces objectifs ne furent pas tous atteints, que la massification du Primaire fut peut-être plus quantitative que qualitative et que l'instruction civique eut parfois sa part de propagande. Les enfants ne purent souvent pas s'émanciper de leurs milieux, et, surtout, l'école primaire devait adapter la main d'œuvre à une économie capitalistique et industrielle, sans forcément se préoccuper de pousser les enfants du peuple plus loin que la fin d'étude primaire et les métiers d'exécutants ou manuels. Mais à la veille de la Grande Guerre, la quasi-totalité d'une classe d'âge va à l'école, l'obligation est presque partout respectée et la laïcité, renforcée par la Séparation que Paul Bert jugeait inévitable si la rénovation du Concordat échouait. La laïcité est effective, y compris pour les personnels devenus des "hussards noirs de la République" (Péguy) respectés et pénétrés de leur mission.
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Actualité de Paul Bert : les nouveaux défis de la laïcité, de l’école et de la morale civique
Pour conclure, il faut repartir de la question laïque qui fonde la pensée bertiste. Elle conditionne tout, notamment la « morale civique » qui s’applique à l’école à la rentrée 2015, et la fonction de l’école dans la cité.

La laïcité et les particularismes : un conflit toujours recommencé
Or en ce début de siècle, la laïcité en général et à l’école en particulier sont malmenées. Pourtant, depuis les combats de Bert et Ferry et la loi de Séparation de 1905, la définition de la laïcité semble claire. En s’appuyant sur son étymologie (du grec laos qui signifie peuple au sens d’unité d’un peuple indivisible), sur les idéaux de ses pères fondateurs et sur son évolution avant 1914, puis dans l’entre-deux-guerres, elle se définit d’abord par un double refus, celui de l’enfermement dans une identité particulière, philosophique ou religieuse, mais aussi celui de la négation des différences. Le premier refus doit empêcher de verser dans le communautarisme, le second empêcher d’attenter aux libertés humaines. Ensuite, la notion repose sur un postulat qui découle des évolutions scientifiques de l’après Seconde Guerre mondiale, notamment en termes de génétique et de races. C’est l’idée que les êtres humains sont un, que l’espèce humaine est formée d’êtres ressemblants, égaux (Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 revue en 1948) entre eux et tous porteurs d’humanité et donc de citoyenneté. Sur ce socle, des différences apparaissent selon l’éducation et les milieux sociaux comme naturels. S’il est absurde de les nier, il faut les transcender dans un avenir commun, vers une citoyenneté qui émancipe et libère. C’est exactement la fonction de la laïcité de Bert, Buisson et les autres, unir le peuple, somme d’individus égaux et différents autour de trois principes : la liberté absolue de conscience, la loi qui régule dans l’intérêt général et la stricte égalité des droits qu’elle permet. C’est, selon Henri Pena Ruiz, le sens du triptyque républicain «Liberté, Egalité, Fraternité».
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« Ainsi, tout marchait à la fois. Par la suppression des matières religieuses de l’enseignement public, on assurait la liberté de conscience de l’enfant, celle du père de famille, celle de l’instituteur. Par l’obligation, on rappelait au sentiment de leur devoir les pères de famille presque indignes de ce beau nom. Par la gratuité, on établissait dès l’école le sentiment de l’égalité civique […]. Par la laïcisation du personnel enseignant, on confiait l’instruction publique à des fonctionnaires qui n’obéissent qu’à la loi civile, ne reçoivent d’ordres que de leurs chefs hiérarchiques. »

[Paul Bert, rapport sur le projet de loi rendant l’école obligatoire, 1880, n° 2606, 11 mai 1880]
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« Si une chose m’étonne, c’est la différence qu’on fait encore dans l’éducation entre les filles et les garçons. [….] Par une sorte de préjugé injuste, les écoles neuves, les mobiliers les meilleurs sont pour les garçons. Les filles ont le reste. Je suis bien éloigné de cette façon de voir et je répète le mot connu : quand on instruit un garçon, on ne fait qu’un homme instruit. Quand on instruit une femme, on instruit toute une famille »
Paul Bert, Réponse au directeur de l'ENS de filles de Saint-Cloud, cité par Léon Dubreuil.
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Videos de Rémi Dalisson (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Rémi Dalisson
11 novembre 1918 : la signature de l'armistice entre l'Allemagne et les Alliés met fin aux combats de la Grande Guerre, mais celle-ci a semé le deuil dans les deux tiers des familles françaises. Si chacun s'accorde sur la nécessité de commémorer durablement la fin du conflit, la manière est loin de faire consensus. Sous la pression des Anciens combattants, les trompettes de la victoire sont rangées dans leurs étuis. le 11 novembre prend la couleur du deuil et ritualise une prière laïque : la minute de silence. La mort du dernier survivant de la Grande guerre marquera une nouvelle étape et le 28 février 2012, le 11 novembre deviendra officiellement la « commémoration de tous les morts pour la France ».
Les historiens Serge Barcellini, président du Souvenir Français, et Rémi Dalisson, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Rouen, nous en parlent, guidés par Etienne Augris, professeur d'histoire-géographie à Nancy. 
Table-ronde de France Mémoire issue de l'édition 2023 des Rendez-vous de l'Histoire sur le thème « Les Vivants et les Morts ».
© Etienne Augris, Serge Barcellini, Rémi Dalisson, 2023. 
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Voix du générique : Michel Hagnerelle (2006), Michaelle Jean (2016), Michelle Perrot (2002) 
https://rdv-histoire.com/
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