Un recueil de nouvelles de niveau varié. Les cinq premières ne m'ont pas convaincu, et c'est arrivé à la moitié du livre que j'ai trouvé une nouvelle que j'ai vraiment appréciée (L'accident). J'ai beaucoup aimé Secret Professionnel également, très drôle et vraiment bien senti.
L'ensemble de ces nouvelles nous fait découvrir les réalités du Bénin. Par l'intermédiaire des différents personnages, l'auteur nous raconte la vie de tous les jours, que ce soit au niveau matériel ou spirituel. Il y a quelques passages qui relèvent de la sorcellerie, mais ce que cherche surtout à nous montrer l'auteur, c'est l'influence des diverses croyances sur la vie des Béninois. On découvre des gens effrayés par un mauvais présage, se référant au devin lorsqu'un phénomène leur échappe. Car rien n'est accidentel, ce qu'on ne comprend pas est forcément dû à un mauvais sort jeté par un ennemi.
La dernière, Annonce radiophonique, en est une parfaite illustration.
Quelques piques lancées aux autorités du pays, que ce soit la police, toujours présentée comme corrompue, ou les autres fonctionnaires qui ne le sont pas moins.
Au final ce livre est une présentation intéressante d'un pays, le Bénin, mais en tant que nouvelles, je n'en ai retenu que deux qui sortent du lot.
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Des jours paisibles suivent les jours à problèmes. Des jours à chance suivent les jours à malchance. Dans le flot des jours qui passent, le sage sait distinguer les fastes et les néfastes. Daa Boulanon savait les distinguer, en expert, en sage et en devin. Il savait par exemple que, pour sa fille Delphine, ce samedi s’annonçait faste. Cette information qu’il avait tirée de ses divinations, il tenait à la mettre à profit en se rendant à Cotonou pour prêter main-forte à Delphine dans sa recherche de travail. Sa fille, l’intellectuelle de la famille, avait poursuivi ses études. Sélectionnée, triée sur le volet, promise à l’excellence par les concours – mais dupée en fin de parcours -, Delphine était ce qu’on appelle une « diplômée sans emploi ». Sa maîtrise en économie ne lui avait ouvert les portes d’aucun service. Hébergée par le douanier Sèbolola, son cousin, elle vivait encore de la sollicitude familiale et, pour elle, les jours s’écoulaient dans la grande incertitude de l’attente. Daa Boulanon voulait y mettre fin. Rien ne vaut un travail et un chez-soi. Daa Boulanon se faisait fort d’y pourvoir, d’y contribuer. Comme il estimait avoir réussi à le faire pour Paulin, l’aîné de ses enfants, mécanicien de son état, réparateur de scooters et de mobylettes, qui maintenant croulait sous le travail à Parakou. (« Le voyage de Daa Boulanon »)
Ce n’est pas un secret : la vente de charité fut introduite à Boulagon en 1928. Par des pères missionnaires, désireux de réchauffer l’ardeur et le saint zèle de leurs fidèles, peu enclins, au départ, à contribuer de leurs deniers à la construction de la première église. Depuis, cette kermesse d’un jour est devenue une tradition. Bel exemple de greffe missionnaire, elle correspond bien au tempérament joueur et généreux des habitants de ce village.
Au matin de la vente de charité, la démarche insouciante des paroissiens se dirigeant d’un pas lent vers la petite église en banco – alors que sonnent à toute volée les cloches annonciatrices du début de la grand-messe – ne laisse en rien soupçonner l’animation et l’agitation à venir.
C’est à la fin de l’office que les énergies se libèrent. La foule égayée des fidèles envahit d’un seul mouvement la vaste cour de l’église Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus. Elle prend d’assaut les apatams et leur armée de vendeuses offrant à boire et à manger. C’est en riant qu’on leste son estomac. C’est en riant qu’on aborde les jeux. Ici, l’on s’amuse à jeter des cauris dans une petite calebasse qui flotte et tangue sur l’eau constamment remuée d’une grande bassine. Là, au « chamboule tout », il faut, avec de petits sacs de tissu garnis de kapok, faire tomber, en trois coups décisifs, un échafaudage de boîtes de lait vides. Qui rate son coup déclenche rires et railleries. Et que dire des multiples tombolas : celles où l’on gagne à tous les coups, mais aussi celles où les zéros pleuvent comme chez l’instituteur. Ces tombolas fouettent le désir, l’excitent, le stimulent. Chacun brûle de gagner le gros lot. L’appât du gain ouvre les porte-monnaie. Les poches se vident, dans la bonne humeur et la gaieté. Plus loin, des gamins se dirigent vers un mât de cocagne garni en son sommet de petits lots surprises qu’on décroche en grimpant. Le mât, enduit de sauce gluante, transforme l’exercice en un véritable supplice de Tantale : chaque lot convoité s’écarte dès qu’approche une main, le joueur glissant évidemment à la dernière minute ! S’il s’entête et grimpe à nouveau, il glisse encore, encore et toujours, pour le plus grand bonheur des spectateurs aux joyeux quolibets.
Après le repas et les jeux, les paroissiens s’installent sur les bancs disposés en face de la tribune aux enchères. Car, la vente de charité, c’est d’abord et avant tout une vente aux enchères ! Celle-ci débute vers treize heures. L’ouverture de la vente est faite par le curé en personne qui présente à l’assistance une médaille envoyée par le pape. Et, doux miracle tropical, les habitants de Boulagon, d’ordinaire si calmes, se transforment soudain en adultes bruyants. Ils crient, sautent, dansent, hurlent pour conquérir la médaille. Les missionnaires, ces anthropologues du dimanche, ont joliment compris l’âme africaine. Nous aimons trop les échanges somptueux, les dons ostentatoires ! Devant témoins, il nous faut gonfler la poitrine, bomber le torse pour jouer au généreux. (« Vente de charité à Boulagon »)
- Tu connais le pouvoir de la parole. La parole guérit, la parole réveille, la parole sauve, la parole mystifie et la parole tue.
- La parole tue ? Comment cela ?
- Tu n'es pas sans savoir que la parole peut créer des frayeurs.
Je répondis que oui.
- Eh bien ! c'est simple : la frayeur tue.
« L’habitant de la ville qui se rend au village va chercher ses racines. Mais que va chercher l’habitant du village qui se rend à la ville, sinon sa perdition ? »
Le coup de sifflet d’un gendarme entraîna un nouvel arrêt qui mit à mal la patience de Daa Boulanon, car la vérification des papiers dura de longues minutes. Le chauffeur reconnut, après palabre, qu’il avait contrevenu au code de la route, puis il fit ce qu’il fallait : glisser quelques billets de banque.
Université populaire de la littérature des Afriques 2013 - Session 1 - Approcher le mysticisme à travers des œuvres fictionnelles -- Par Jacques DALODE
Né à Cotonou, et diplômé de l'école des mines et de l'institut français du pétrole ; la passion d'écrivain de cet ancien ingénieur, a pris corps sous la forme d'un recueil de nouvelles, "Très bonnes nouvelles du Benin" (éditions Gallimard, 2011)
Liste des livres utilisés:
L'enfant noir (Camara LAYE)
13 nouvelles Vaudou (Gary VICTOR)
La route de la faim (Ben OKRI)
Mémoires de Porc-épic (Alain MABANCKOU
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