- Ecoute, Marc, j'te tutoye biscotte t'es le frelot à mon Sana, c'que je veux t'dire c'est : pète-nous pas une horloge av'c ton Sida à la con ! Faut pas en faire une maladie, mon grand. T'aurais morflé une maladie wagnérienne, telle que la phylisis, le chantre mou, et même l'abbé norragie, bon, j'fermerais ma gueule. Mais l'Sida, mon drôlet ! L'Sida ! C't'un truc mondain, ça. Une maladie d'vedette !
Comme je n'ai rien à lui dire, ça tombe à pic. On parle tellement pour ne rien dire! Des instants je suis affligé par tant d'insignifiances! ... Mais non, eux, c'est des mots, des mots, des mots! Peu importe lesquels pourvu que ça fasse du bruit, qu'ils se racontent, qu'ils geignent du mauvais temps ou de leurs véroles.
On croit pas, mais quelle déperdition d'énergie! Si les gens se taisaient, ils deviendraient plus productifs et en tout cas plus intelligents. Ils s'enconnent dans les jactances. A force de parler, ils "déparlent", comme on dit chez nous... C'est tellement plus confortable de la boucler, dans un repas par exemple, pendant qu'ils sont tous là, à s'entrecouper la parole! Que chacun prépare ce qu'il va dire, sans entendre le parleur de l'instant. Cette joute grotesque! Lentement, t'as plus envie de rencontrer qui que ce soit. Puisque tu ne causes plus, pourquoi veux-tu aller écouter.
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* :
San-Antonio, _Réflexions définitives sur l'au-delà,_ morceaux choisis recueillis par Thierry Gautier, Paris, Fleuve noir, 1999, 120 p.
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