Dans ce roman, grâce à de mystérieuses photos (procédé rappelant le roman, Les années, d'Annie Ernaux), Sophie Daull emmène le lecteur, entre Contrexéville et Belfort, à la recherche des origines de sa mère, Nicole, tout en constituant cette fameuse suture entre ses souvenirs et une part de la vie de sa mère qu'elle crée elle-même, tout en faisant part au lecteur de la difficulté de l'opération
Ce roman, à l'écriture relativement agréable se partage entre les étapes d'une quête passionnante des origines et le récit d'une autre vie, celle de Nicole, qui a connu bien des embûches (et qui se termine de façon tragique). De plus, le ton contraste nettement avec le ton larmoyant de Camille, mon envolée.
En somme, ce roman demeure un beau moment de lecture et de littérature.
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Quel étrange petit livre, trouvé au hasard d'une échappée en bibliothèque. Un olni (objet livresque non identifié). S'agit-il d'une enquête ? Pas vraiment, puisque l'auteure invente des scènes dont elle n'a pas été témoin et qui ne lui ont pas été contées. Bon, un roman alors ? Ben non plus, puisqu'elle part d'éléments concrets, de documents tangibles.
Ok, et il parle de quoi, ton récit ? C'est l'histoire d'une femme qui décide de mener une enquête sur sa mère, extrêmement discrète sur son passé. Une mère dont elle essaie de reconstruire la vie avant sa propre naissance. Mais pas que. Elle parle aussi de sa fille, décédée à 16 ans. Ok, bref, un livre sur le deuil. Ben, pas que. Parce qu'elle parle à ses disparues, parce qu'elle ne s'appesantit pas sur sa peine, son indicible chagrin.
Oh, tu nous gonfles avec ton drôle de livre.
Et pourtant, je ne peux que vous le conseiller. C'est écrit tout en délicatesse. Elle parle de suture là où je vois de la dentelle. Ce livre me fait penser à une de ces feuilles d'automne, celles où on voit presqu'en transparence,où il ne reste quasi que les nervures,et quelque chose de si fin si fin, fragile. de l'indicible.
Voilà. Ce livre, c'est écrire sur de l'indicible, de l'intangible. Et le faire sans pathos, comme au fil de la plume. Une écume de tendresse.
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« La mort de ma mère, je la vois comme un entraînement à celle de Camille ».
Sophie Daull, après nous avoir tant émus avec son premier roman « Camille, mon envolée », nous entraîne cette fois sur les chemins de France, à la recherche de sa propre histoire, dans une pérégrination généalogique qui a pour point de départ une boîte à chaussures.
« Je commence quand ma mère était dans le ventre de sa mère ».
De Seine et Marne jusqu’en Franche Comté, Sophie Daull carde, file et tisse, de main de maître, l’écheveau du destin de Nicole, cette femme dont elle ignore presque tout.
Nicole, sa mère, disparue tragiquement en 1985…
Née d’un adultère, confiée aux mauvais soins de sa demi-sœur , elle s’emploiera à garder mystérieux ses pans de vie.
Rencontre après rencontre, au gré des images pieuses, des photographies, des maigres indices dont elle dispose, colmatant le silence par les mots, Sophie Daull brode quand elle ne sait pas … Et le fait avec ses mots superbes, une infinie pudeur, au son de ce « Cou-cou » qui émaille régulièrement le récit , un peu comme la pendule des Vieux de Brel.
Faisant régulièrement le lien entre Nicole et Camille, laquelle intervient régulièrement dans ce récit, l’auteure « sans ascendant, ni descendant », noue ainsi la trame intergénérationnelle entre ces deux femmes, toutes deux disparues jeunes, et qui ne se sont pas connues.
« J’écris cette scène et j’ai l’impression d’endormir Camille quand je lui inventais un conte de chevet pour la guider vers le sommeil, style la Mendiante et le Prince, ou l’Orpheline aux améthystes. Des histoires à dormir debout. »
Ainsi va la vie de Nicole...
Les fiançailles, la bague « preuve par l’huître », le mariage avec Francis, fils de « famille », la peur de ne pas être à la hauteur de ce milieu aux antipodes du sien, ceux pour qui Bach, Haendel, et Debussy sont autre chose que des noms de rues… Elle devient « madame ».
Bientôt, « une autre preuve, vivante, arrondira son ventre. C’est moi qui vais germer dans l’hiver ».
Les années filent, et le fil s'amenuise ...
Ainsi va sa vie...
La solitude, la tromperie, l'abandon, le naufrage, la déchéance, la lente descente aux enfers, la "coquille de noix vide".
Sous la plume de l'auteure, toujours ce parallèle avec Camille, omniprésente dans la vie de cette grand-mère qu'elle n'a pas connue.
J'écris ceci "Je suis devenue la mère de ma mère." Dans l'autre livre, celui en bleu pour Camille, j'écrivais, je suis devenue l'enfant de ma fille".
Cendrillon, la Petite Sirène, Nicole n'est plus que l'ombre d'elle même, jusqu'à sa fin tragique. Sophie a alors 19 ans.
"J'ai fait le lit des morts afin qu'ils nous engendrent".
J'ai abordé ce roman avec le pressentiment d'un étrange moment. Ce fut le cas. Difficile de définir cette sensation. Difficile de ne pas être profondément touchée par la vie et la personnalité de cette femme, que nous découvrons, page après page, sous la plume toujours aussi merveilleuse de Sophie Daull.
Jai beaucoup aimé ce parallèle entre ces deux femmes aux destins tragiques, Camille et sa grand-mère, toutes deux ôtées à celle qui, selon moi, les aimait le plus.
Nécessaire exutoire à la douleur liée à la perte de sa fille, ce chemin généalogique emporte au delà de la simple "saga" familiale. Avec humour et brio, il est aussi le tableau d'une époque, d'un pays. Une photo de famille, en quelque sorte, avec bande-son. Voilà, on a l'impression d'être dans une salle de cinéma, face à un grand écran. Là est tout le talent de Sophie Daull.
Le détail qui m'a immédiatement séduite ? L'épigraphe, signée.... Christian Bobin.
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