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EAN : 9782804011604
699 pages
Espace Nord (03/05/2000)
3.7/5   52 notes
Résumé :
Écrite dans une langue truculente, inspirée de Rabelais, La Legende d'Ulenspiegel met en scène un personnage de farceur (Thyl Ulenspiegel) issu du folklore flamand. Né le même jour que Philippe II, empereur d'Espagne et des Pays-Bas, il est aussi joyeux et drôle que l'autre est sinistre et mortifère. Le joug espagnol asservit la Flandre et la Zélande. Ulenspiegel le subit dans sa chair lorsque son père, Claes, est brûlé comme hérétique et quand sa mère, Soetkin, meu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Quel monument, ce 'Ken Follett' à la flamande écrit en 1850!

Dosage subtil que l'épique épopée d'un Ulenspiegel frondeur et plein de répartie avec son épicurien ami Lamme défendant une Belgique-Hollande dévastée par l'inquisition Espagnole, la chasse aux hérétiques et aux sorcières, paradis des délateurs héritant de la moitié des biens, l'autre allant au roi Philippe.

J'ai apprécié l'évocation de faits historiques, le style ancien mais plein de poésie ('il brassait mélancolie', quelle jolie façon de dire la tristesse!), la vie de l'époque, les bières et vins de pays réglés en florins, patards, liards et patacons, sols et deniers, ricksdaelder, ducats et réaux, carolus d'or, souverains d'Angleterre et autres crusats et ducatons.

Que ne puis-je lire pareille épopée de notre Tchantchès wallon!
Une croustillante histoire de notre héros liégeois est à découvrir sur le site du théâtre à Denis, théâtre de marionnettes dans la plus pure tradition.
http://www.tchantches.com/tchantches.php#7

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Très bonne surprise que ce roman classique écrit en 1847 par Charmes de Coster. le héros, plus connu sous le nom de Till l'espiègle dans d'autres versions de cette légende, évolue ici au coeur du XVIè siècle, alors que l'Inquisition fait des milliers de victimes en Europe, sous la férule de Charles Quint puis de son fils Philippe, qui chassent l'hérésie avec pour but non avoué de renflouer les caisses du royaume espagnol.



Thyl, dit Eulenspiegel est un personnage facétieux, rusé, prêt à risquer sa vie pour faire régner la justice. Il a fort à faire en ces temps troublés où la vie humaine n'a guère de valeur surtout quand on est gueux. Les méthodes pour obtenir des aveux des suspects sont telles qu'il suffit d'être suspect pour être condamné. Lorsque son père est dénoncé par un voisin cupide, et donc rapidement exécutė, Thyl va prendre la route à la recherche des Sept, escorté par le gros et gras Lamme, désespérant de retourner son épouse, disparue sans explication. Évoquant Don Quichotte et son valet fidèle, ces deux là vont parcourir les routes de Flandre et vivre de nombreuses aventures.

D'emblée le style surprend : l'auteur utilise une langue fleurie, qui pourrait passer pour de l'ancien français moyenâgeux, auquel cependant l'on s'habitue rapidement au point de tomber sous le charme. Cela confère au récit authenticité et crédibilité.

Beaucoup d'humour aussi, et le héros y est pour quelque chose tant son esprit vif et malicieux tire parti de situations épineuses pour tourner en ridicule les benêts crédules qu'il rencontre.

Divisé en cinq livres, le roman, s'éternise quelque peu dans le quatrième, dans la description d'affrontements multiples qui ne font pas avancer l'intrigue. C'est le seul bémol, pour une lecture très plaisante.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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J'étais enfant lorsque j'ai lu pour la toute première fois cet oeuvre immortelle de Charles de Coster. Cela se passait à la mini bibliothèque, où j'aidais mon instituteur préféré, de ce qui allait devenir la bibliothèque municipale de Vive Saint-Eloi, en Flandre Occidentale.

La deuxième scène importante pour moi, lié à cet ouvrage, se situe bien des années plus tard à Odessa en Ukraine, ville que je visitais dans les traces du 5ème Duc de Richelieu, qui en fut le premier gouverneur, et où j'ai fait la connaissance de mon épouse, née en cette ville. Tout de suite après notre rencontre, elle m'amena en plein centre-ville (la fameuse rue Deribasovskaya) et me montra, toute fière, un superbe café, dont j'arrivai à peine à déchiffrer le nom en lettres cyrilliques : "Тиль Уленшпи́гель". Ou, a ma grande surprise, 'Till Ulenspiegel' en français.

Je savais que notre résistant populaire contre l'occupation espagnole des Flandres au XVIième siècle, bénéficiait, à cause de ses espiègleries, d'une montagne de crédit auprès de tous les belges, mais que sa réputation s'étendait jusqu'au bord de la Mer Noire, avait de quoi m'interloquer, voire m'épater.

La raison du succès de Till L'espiègle en Russie est du essentiellement au 7ème art. En effet, un film très populaire de 1976, portant le titre du livre et régi par Evgeni Leonoff, a été admiré, par surtout les jeunes, de Saint Petersbourg à Vladivostok.

Le même scénario que celui qui s'était produit, en 1956, en France, avec le chef-d'oeuvre de Gérard Philippe et Joris Ivens. Film dans lequel justement ce monstre sacré du cinéma français, Gérard Philippe, incarnait de façon éblouissante notre Till, avec à ses côtés Nicole Berger, dans le rôle de sa bien-aimée Nèle, et Jean Carmet, son fidèle compagnon.

Je ne rendrais aucun service aux futurs lecteurs de cet ouvrage, en premier lieu nos jeunes amis, en voulant résumer cette histoire, qui est vraiment trop belle pour être résumée ici.
Elle relate les frasques d'un petit héros avec sa mini équipe contre le très puissant gouverneur d'Espagne, le Duc d'Albe, et porte ainsi un message de solidarité sympathique, dont, je crois tous les gosses sont friands. Un rebelle, certes, mais surtout un héros 'positf'.

Il est à noter que ce premier héros belge à été créé par un auteur, Charles de Coster (1827-1879), né 3 ans avant la création même de la Belgique.
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“La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs” (publiée en 1867) est véritablement une oeuvre originale et par là-même mérite l'appellation trop souvent galvaudée de chef-d'oeuvre.
Charles de Coster se réappropria le personnage farceur et malicieux du folklore de la littérature populaire du XVIème siècle du nord de l'Allemagne , Till l'Espiègle,pour en faire une figure de l'héroïque résistance des Flamands face à l'occupation de l'Espagne de l'Inquisition . La gageüre est dans le fait que l'auteur pour plonger son histoire au plus proche du sujet emploi une langue tout à fait rabelaisienne.Le roman alterne en un langage fleuri et réjouissant, scènes bouffonnes, pathétiques, tragiques voire épouvantables, tenant le lecteur en haleine; mêle la fiction de ses héros avec la grande histoire incarnée par les figures historiques de Charles-Quint, Philippe II d'Espagne, le duc d'Albe Ferdinand Alvare de Tolède, du côté espagnol, et de Guillaume Ier d'Orange-Nassau dit Guillaume le taciturne, du côté néerlandais.
Ainsi en reprenant un personnage folklorique pour l'adapter à cette histoire de résistance héroïque à l'oppresseur, sous fond de guerre de religion, d'obscurantisme et d'intolérance, et en mêlant la petite histoire avec l'histoire majuscule Charles Coster donne à son oeuvre une portée universelle et intemporelle.
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Ecrit en français, au 19ème siècle, par un historien et homme politique, ce livre raconte les aventure de Tyle et de son ami Lamme dans la Flandre du 16ème siècle. Celle-ci fait fait alors partie du très catholique royaume d'Espagne, ce qui contrarie son aspiration à la Réforme.

Ce qui commence comme un récit de farceur, tourne au drame, puis aux mémoires de résistance avec des accents de nationalisme flamand quasi mystiques, et une petite teinte de fantastique (diablerie).

L'écriture comporte quelques tournures destinées à la re-situer dans son époque, ce qui lui apporte du charme. Mais entre le côté assez potache et parfois méchant des "tours" et le plaidoyer politique, les 600 pages finissent par être un peu longues.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le père Cornelis Adriaensen, frère mineur, sale, éhonté, furieux et aboyeur prédicant, se démenait ce jour-là dans la chaire de vérité.
De jeunes et belles dévotes se pressaient autour.
Le père Cornelis parlait de la Passion. Quand il en fut au passage du saint Evangile où les Juifs criaient à Pilate, en parlant de Monseigneur Jésus : « Crucifiez-le, crucifiez-le, car nous avons une loi, et, d’après cette loi, il doit mourir ! » Broer Cornelis s’exclama :
« Vous venez de l’entendre, bonnes gens, si Notre-Seigneur Jésus-Christ a pâti une mort horrifique et honteuse, c’est qu’il y a toujours eu des lois pour punir les hérétiques. Il fut justement condamné, parce qu’il avait désobéi aux lois. Et ils veulent maintenant regarder comme rien les édits et les placards. Ah ! Jésus ! quelle malédiction voulez-vous faire tomber sur ces pays ! Honorée mère de Dieu, si l’empereur Charles était encore en vie et qu’il pût voir le scandale de ces nobles confédérés qui ont osé présenter une requête à la Gouvernante contre l’Inquisition et contre les placards faits dans un but si bon, qui sont si mûrement pensés, édictés après de si longues et de si prudentes réflexions, pour détruire toutes les sectes et hérésies ! Et ils voudraient, quand ils sont plus nécessaires que le pain et le fromage, les réduire à néant ! Dans quel gouffre puant, infect abominable nous fait-on choir maintenant ? Luther, ce salé Luther, ce bœuf enragé, triomphe en Saxe, en Brunswick, en Lunebourg, en Mecklembourg ; Brentius, le breneux Brentius, qui vécut en Allemagne de glands dont les cochons ne voulaient pas, Brentius triomphe en Wurtemberg ; Servet le Lunatique, qui a un quartier de lune dans la tête, le trinitaire Servet, règne en Poméranie, en Danemark et en Suède et là il ose blasphémer la sainte, glorieuse et puissante Trinité. Oui. Mais on m’a dit qu’il a été brûlé vif par Calvin, qui ne fut bon qu’en cela, oui par le puant Calvin, qui sent l’aigre ; oui, avec son museau long d’une loutre ; face de fromage, avec des dents grandes comme des pelles de jardinier. Oui, ces loups se mangent entre eux, oui, le bœuf de Luther, le bœuf enragé, arma les princes d’Allemagne contre l’anabaptiste Munzer, qui fut bonhomme dit-on, et vivait selon l’Evangile. Et on a entendu par toute l’Allemagne les beuglements de ce bœuf, oui !
« Oui, et que voit-on en Flandre, Gueldre, Frise, Hollande Zélande ? Des Adamites courant tout nus dans les rues ; oui, bonnes gens, tout nus dans les rues, montrant sans vergogne leur viande maigre aux passants. Il n’y en eut qu’un, dites-vous ; — oui, -passe, — un vaut cent, cent valent un. Et il fut brûlé dites-vous, et il fut brûlé vif, à la prière des calvinistes et luthériens. Ces loups se mangent, vous dis-je !
« Oui, que voit-on en Flandre, Gueldre, Frise, Hollande, Zélande ? Des Libertins enseignant que toute servitude est contraire à la parole de Dieu. Ils mentent, les puants hérétiques ; il faut se soumettre à la Sainte Mère Église romaine. Et là, dans cette maudite ville d’Anvers, le rendez-vous de toute la chiennaille hérétique du monde, ils ont osé prêcher que nous faisons cuire l’hostie avec de la graisse de chien. Un autre dit, c’est ce gueux assis sur ce pot de nuit, à ce coin de rue : « Il n’y a pas de Dieu ni de vie éternelle ni de résurrection de la chair ni d’éternelle damnation. » « On peut, dit un autre, là-bas, d’une voix pleurarde, on peut baptiser sans sel, ni saindoux, ni salive, sans exorcisme et sans chandelle. » « Il n’y a point de purgatoire, dit un autre. » Il n’y a point de purgatoire, bonnes gens ! Ah ! il vaudrait mieux pour vous avoir commis le péché avec vos mères, vos sœurs et vos filles, que de douter seulement du purgatoire.
« Oui, et ils lèvent le nez devant l’Inquisiteur, le saint homme, oui. Ils sont venus à Belem, près d’ici, à quatre mille calvinistes, avec des hommes armés, des bannières et des tambours. Oui, Et vous sentez d’ici la fumée de leur cuisine. Ils ont pris l’église de Sainte-Catholyne pour la déshonorer, profaner, déconsacrer par leur damnée prédicastrerie.
« Qu’est-ce que cette tolérance impie et scandaleuse ? Par les mille diables d’enfer, catholiques mollasses, pourquoi ne mettez-vous pas aussi les armes à la main ? Vous avez, comme ces damnés calvinistes, cuirasses, lances, hallebardes, épées, bragmarts, arbalètes, couteaux, bâtons, épieux, les fauconneaux et coulevrines de la ville.
« Ils sont pacifiques dites-vous ; ils veulent entendre en toute liberté et tranquillité la parole de Dieu. Ce m’est tout un. Sortez de Bruges ! chassez-moi, tuez-moi, faites-moi sauter tous ces calvinistes hors de l’église. Vous n’êtes point encore partis ! Fi ! vous êtes des poules qui tremblez de peur sur votre fumier ! Je vois le moment où ces damnés calvinistes tambourineront sur le ventre de vos femmes et de vos filles, et vous les laisserez faire, hommes de filasse et de pâte molle. N’allez point là-bas, n’allez point… vous mouillerez vos chausses en la bataille. Fi, Brugeois ! fi, catholiques ! Voilà qui est bien catholicisé, ô couards poltrons ! Honte sur vous, canes et canards, oies et dindes que vous êtes !
« Ne voilà-t-il pas de beaux prédicants, pour que vous alliez en foule écouter les mensonges qu’ils vomissent, pour que les fillettes aillent la nuit à leurs sermons, oui, et pour que dans neuf mois la ville soit pleine de petits Gueux et de petites Gueuses ? Ils étaient quatre là, quatre scandaleux vauriens, qui ont prêché dans le cimetière de l’église. Le premier de ces vauriens, maigre et blême, le laid foirard, était coiffé d’un sale chapeau. Grâce à la coiffe, on ne voyait pas ses oreilles. Qui de vous a vu les oreilles d’un prédicant ? Il était sans chemise, car ses bras nus passaient sans linge hors de son pourpoint. Je l’ai bien vu, quoiqu’il voulût se couvrir d’un sale petit manteau, et j’ai bien vu aussi dans ses grègues de toile noire, à jour comme la flèche de Notre-Dame d’Anvers, le trimballement de ses cloches et battant de nature. L’autre vaurien prêchait en pourpoint sans souliers. Personne n’a vu ses oreilles. Et il dut s’arrêter tout court dans sa prédicastrerie, et les garçonnets et les fillettes de le huer, disant : « You ! you ! il ne sait pas sa leçon. » Le troisième de ces scandaleux vauriens était coiffé d’un sale, vilain petit chapeau, avec une petite plume dessus. On ne lui voyait pas non plus les oreilles. Le quatrième vaurien, Hermanus, mieux accoutré que les autres, doit avoir été marqué deux fois à l’épaule par le bourreau, oui.
« Ils portent tous sous leur couvre-chef des coiffes de soie graisseuses qui leur cachent les oreilles. Vîtes-vous jamais les oreilles d’un prédicant ? Lequel de ces vauriens osa montrer ses oreilles ? Des oreilles ! ah ! oui, montrer ses oreilles : on les leur a coupées. Oui, le bourreau leur a coupé à tous les oreilles.
« Et pourtant c’est autour de ces scandaleux vauriens, de ces coupe-gibecières, de ces savetiers échappés de leurs sellettes, de ces guenillards prédicants, que tous ceux du populaire criaient : « Vive le Gueux ! » comme s’ils eussent été tous furieux, ivres ou fous.
« Ah ! il ne nous reste plus, à nous autres pauvres catholiques romains, qu’à quitter le Pays-Bas, puisqu’on y laisse brailler ce cri : « Vive le Gueux ! Vive le Gueux ! » Quelle meule de malédiction est donc tombée sur ce peuple ensorcelé et stupide, ah ! Jésus ! Partout riches et pauvres, nobles et ignobles, jeunes et vieux, hommes et femmes, tous de crier : « Vive le Gueux !
« Et qu’est-ce que tous ces seigneurs, tous ces culs-de-cuir pelés qui nous sont venus d’Allemagne ? Tout leur avoir s’en est allé aux filles, en brelans, lècheries, coucheries, trimballements de débauches, affourchements de vilenies, abominations de dés et triomphe d’accoutrements. Ils n’ont pas même un clou rouillé pour se gratter où il leur démange. Il leur faut maintenant les biens des églises et des couvents.
« Et là, dans leur banquet chez ce vaurien de Culembourg, avec cet autre vaurien de Brederode, ils ont bu dans des écuelles de bois, par mépris pour messire de Berlaymont et madame la Gouvernante. Oui ; et ils ont crié : « Vive le Gueux ! » Ah ! si j’avais été le bon Dieu, sauf tout respect, j’aurais fait que leur boisson, fût-elle bière ou vin, se fût changée en une sale, infâme eau de lavure de vaisselle, oui, en une sale, abominable puante lessive, dans laquelle ils auraient lavé leurs chemises et leurs draps embrenés.
« Oui, braillez, ânes que vous êtes, braillez : « Vive le Gueux ! » Oui ! et je suis prophète. Et toutes les malédictions, misères, fièvres, pestes, incendies, ruines, désolations, chancres, suettes anglaises et pestes noires tomberont sur le Pays-Bas. Oui, et ainsi Dieu sera vengé de votre sale braire de : « Vive le Gueux ! » Et il ne restera plus pierre sur pierre de vos maisons et pas un morceau d’os de vos jambes damnées qui coururent à cette maudite calvanisterie et prédicastrerie. Ainsi, soit, soit, soit, soit, soit, soit-il. Amen. »
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Les petits, étant hardis, s'approchaient toutefois ; alors il en prenait un par le pourpoint, et, frottant de ses mains noires son frais museau, le renvoyait ainsi, riant quand même, à la grande joie de tous les autres.

Soetkin, femme de Claes, était une bonne commère, matinale comme l'aube et diligente comme la fourmi.

Elle et Claes labouraient à deux leur champ et s'attelaient comme boeufs à la charrue. Pénible en était le traînement, mais plus pénible encore celui de la herse, lorsque le champêtre engin devait de ses dents de bois déchirer la terre dure. Ils le faisaient toutefois le coeur gai, en chantant quelque ballade.

Et la terre avait beau être dure ; en vain le soleil dardait sur eux ses plus chauds rayons : en vain aussi traînant la herse, ployant les genoux, devaient-ils faire des reins cruel effort, s'ils s'arrêtaient et que Soetkin tournât vers Claes son doux visage et que Claes baisât ce miroir d'âme tendre, ils oubliaient la grande fatigue.
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On portait Ulenspiegel à baptême ; soudain chut une averse qui le mouilla bien. Ainsi fut-il baptisé pour la première fois. Quand il entra dans l’église, il fut dit aux parrain et marraine, père et mère, par le bedeau schoolmeester, maître d’école, qu’ils eussent à se placer autour de la piscine baptismale, ce qu’ils firent.
Mais il y avait à la voûte, au-dessus de la piscine, un trou fait par un maçon pour y suspendre une lampe à une étoile en bois doré. Le maçon, considér ant, d’en haut, les parrain et marraine debout roidement autour de la piscine coiffée de son couvercle, versa par le trou de la voûte un traître seau d’eau qui, tombant entre eux sur le couvercle de la piscine, fit grand éclaboussement. Mais Ulenspiegel eut la plus grosse part. Et ainsi il fut baptisé pour la deuxième fois.
Le doyen vint : ils se plaignirent à lui ; mais il leur dit de se hâter, et que c’était un accident. Ulenspiegel se démenait à cause de l’eau tombée sur lui. Le doyen lui donna le sel et l’eau, et le nomma Thylbert, qui veut dire « riche en mouvements ». Il fut ainsi baptisé pour la troisième fois.
Sortant de Notre-Dame, ils entrèrent vis-à-vis de l’église dans la rue Longue, au Rosaire des Bouteilles, dont une cruche formait le credo. Ils y burent dix-sept pintes de dobbel-kuyt et davantage. Car c’est la vraie façon en Flandre, pour sécher les gens mouillés, d’allumer un feu de bière en la bedaine. Ulenspiegel fut ainsi baptisé pour la quatrième fois.
S’en retournant au logis et zigzaguant par le chemin, la tête plus que le corps pesante, ils vinrent à un ponteau jeté sur une petite mare, Katheline qui était marraine portait l’enfant, elle fit un faux pas et tomba dans la boue avec Ulenspiegel, qui fut ainsi baptisé pour la cinquième fois.
Mais on le retira de la mare pour le laver d’eau chaude en la maison de Claes, et ce fut son sixième baptême.
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Josse, qui fut simple et doux de cœur en son bel âge, ayant souffert de diverses injustices, devint quinteux ; son sang tourna en bile noire, il prit les hommes en haine et vécut solitaire.
Son plaisir fut alors de faire s’entre-battre deux soi-disant fidèles amis ; et il baillait trois patards à celui des deux qui daubait l’autre le plus amèrement.
Il aimait aussi de rassembler, en une salle bien chauffée, des commères en grand nombre et des plus vieilles et hargneuses, et leur donnait à manger du pain rôti et à boire de l’hypocras.
Il baillait à celles qui avaient plus de soixante ans de la laine à tricoter en quelque coin, leur recommandant, au demeurant, de bien toujours laisser croître leurs ongles. Et c’était merveille à entendre que les gargouillements, clapotements de langue, méchants babils, toux et crachements aigres de ces vieilles houhous, qui, leurs affiquets sous l’aisselle, grignotaient en commun l’honneur du prochain.
Quand il les voyait bien animées, Josse jetait dans le feu une brosse, du rôtissement de laquelle l’air était tout soudain empuanti.
Les commères alors, parlant toutes à la fois, s’entre-accusaient d’être la cause de l’odeur ; toutes niant le fait, elles se prenaient bientôt aux cheveux, et Josse jetait encore des brosses dans le feu et par terre du crin coupé. Quand il n’y pouvait plus voir, tant la mêlée était furieuse, la fumée épaisse et la poussière haut soulevée, il allait quérir deux siens valets déguisés en sergents de la commune, lesquels chassaient les vieilles de la salle à grands coups de gaule, comme un troupeau d’oies furieuses.
Et Josse, considérant le champ de bataille, y trouvait des lambeaux de cottes, de chausses, de chemises et vieilles dents.
Et bien mélancolique il se disait :
— Ma journée est perdue, aucune d’elles n’a laissé sa langue dans la mêlée.
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En ce temps-là, les inquisiteurs et théologiens représentèrent pour la deuxième fois à l’empereur Charles :
— Que l’Église se perdait ; que son autorité était méprisée ; que s’il avait remporté tant d’illustres victoires, il le devait aux prières de la catholicité, qui maintenait haute sur son trône l’impériale puissance.
Un archevêque d’Espagne lui demanda que l’on coupât six mille têtes ou que l’on brûlât autant de corps, afin d’extirper aux Pays-Bas la maligne hérésie luthérienne. Sa Sainte Majesté jugea que ce n’était point assez.
Aussi, partout où passait terrifié le pauvre Ulenspiegel, il ne voyait que des têtes sur des poteaux, des jeunes filles mises dans des sacs et jetées toutes vives à la rivière ; des hommes couchés nus sur la roue et frappés à grands coups de barres de fer, des femmes mises dans une fosse, de la terre sur elles, et le bourreau dansant sur leur poitrine pour la leur briser. Mais les confesseurs de ceux et celles qui s’étaient repentis auparavant gagnaient chaque fois douze sols.
Il vit à Louvain, les bourreaux brûler trente luthériens à la fois et allumer le bûcher avec de la poudre à canon. A Limbourg, il vit une famille, hommes et femmes, filles et gendres, marcher au supplice en chantant des psaumes. L’homme, qui était vieux, cria pendant qu’il brûlait.
Et Ulenspiegel, ayant peur et douleur, cheminait sur la pauvre terre.
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