Les pas qui conduisent au sommet sont à bout de forces et pourtant légers, tu es au point d'usure maximale du corps, de la perte de poids, de muscles et de cellules cérébrales, tu es au bourdonnement de ruche dans ton corps, un bruit de fibres qui s'agrippent entre elles, compactent les tissus : le sommet, enfin. C'est la plus sûre des limites sur laquelle tu mets les pieds. J'ignore ce qu'est pour un prisonnier le jour de la fin de sa peine, ce qu'est pour un malade la venue de l'aube, ce qu'est pour un écrivain le dernier mot de son livre, mais je crois que tout ça doit ressembler au sommet, la promesse tenue à l'enfant qui trépigne en chacun de nous.
Le silence grince sous les pas pointus des crampons, le silence et la neige sont la même chose la nuit et tes pas brisent les deux.
Éprouver de l'émerveillement est une qualité scientifique essentielle, parce qu'elle incite à découvrir.
S'apercevoir que l'infini existe est déjà un début d'entente entre la toute petite taille de la créature humaine et l'univers.
Pour moi, l'alpinisme est un voyage de surface, un échange entre deux épidermes, le rocher et les phalanges des doigts. L'alpinisme, c'est l'air libre. Quand je dois partir de nuit pour gagner du temps, je me sens comme au temps où je sortais pour arriver à l'usine à six heures, avec la première équipe (p. 116).
La chance ne change pas les hommes, mais elle les démasque. (Proverbe népalais)
Tu sais qu'il n'y a même pas une seule photo d'Hillary sur l'Everest lors de cette première ascension de 1953 ? Hillary avait un appareil et il a photographié Tenzing sur fond de profil montagneux, mais il n'a pas demandé à Tenzing de le prendre en photo. Ce n'est pas curieux, ça ? Hillary était là-haut au nom de la collectivité, il n'était qu'un représentant de l'espèce humaine. J'ignore s'il a eu la tentation de passer l'objectif à Tenzing. Je sais qu'il ne l'a pas fait et pour moi ce déclic raté est le plus beau de tous, un signe d'humilité qui donne la priorité à l'exploit, non pas à celui qui l'accomplit. Ce grand échalas osseux néo-zélandais d'un mètre quatre-vingt-douze ne s'est pas fait prendre au sommet de l'Everest. C'est pour moi une leçon.
Si tu ne sais pas si tu peux te fier à un ami, invite-le en montagne. (Vladimir Vissotski, auteur-compositeur russe)
Les montagnes vieillissent, les éboulis à la base des parois sont les débris d'un corps qui s'écorche et s'émiette. Quand nous les remontons avec peine, quand nous nous jetons sur elles en descente, nous passons sur leur temps écoulé, détaché. Les éboulis sont un fond de clepsydre.
La guerre était une haine de pères contre fils, envoyés à la mort contre des fils d'autres malheureux pères.