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Citations sur Sur la trace de Nives (58)

En bas dans les villes, les mots sont de l'air vicié, ils sortent de la bouche à tort et à travers , ils ne portent pas à conséquence. En bas ils sont gaspillés dans le brouhaha de la politique, de la publicité
de l'économie qui disent des mots sans devoir les faire, sans poids. Ici, en haut, nous les gardons dans la bouche, ils coûtent énergie et chaleur, nous utilisons les mots nécessaires, et ce que nous disons nous le faisons ensuite .Ici, les mots vont de pair avec les faits, ils font couple.
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Nous sommes les escargots des sommets.
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Tu sais qu'il n'y a même pas une seule photo d'Hillary sur l'Everest lors de cette première ascension de 1953 ? Hillary avait un appareil et il a photographié Tenzing sur fond de profil montagneux, mais il n'a pas demandé à Tenzing de le prendre en photo. Ce n'est pas curieux, ça ? Hillary était là-haut au nom de la collectivité, il n'était qu'un représentant de l'espèce humaine. J'ignore s'il a eu la tentation de passer l'objectif à Tenzing. Je sais qu'il ne l'a pas fait et pour moi ce déclic raté est le plus beau de tous, un signe d'humilité qui donne la priorité à l'exploit, non pas à celui qui l'accomplit. Ce grand échalas osseux néo-zélandais d'un mètre quatre-vingt douze ne s'est pas fait prendre en photo au sommet de l'Everest.
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Je n'aime pas éclater de joie sur les sommets. Tu sais qu'il n'y a même pas une seule photo d'Hillary sur l'Everest lors de cette première ascension de 1953 ? Hillary avait un appareil et il a photographié Tenzing sur fond de profil montagneux, mais il n'a pas demandé à Tenzing de le prendre en photo. Ce n'est pas curieux, ça ? Hillary était là-haut au nom de la collectivité, il n'était qu'un représentant de l'espèce humaine. J'ignore s'il a eu la tentation de passer l'objectif à Tenzing. Je sais qu'il ne l'a pas fait et pour moi ce déclic raté est le plus beau de tous, un signe d'humilité qui donne la priorité à l'exploit, non pas à celui qui l'accomplit. Ce grand échalas osseux néo-zélandais d'un mètre quatre-vingt douze ne s'est pas fait prendre en photo au sommet de l'Everest. C'est pour moi une leçon.
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Il y eut des hommes qui affrontèrent les pires intempéries sans équipement, sans défense. J'ai eu pour ami un poète yougoslave, Ante Zemljar, commandant dans la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Après la victoire, Tito rompit avec Staline et de nombreux communistes yougoslaves furent incarcérés, soupçonnés d'amitié avec la Russie. Parmi ces milliers, Ante passa cinq années dans la pire des colonies pénitentiaires, l'Île nue, Goli Otok, à casser des pierres et à se faire casser les os par les gardiens. Dix pour cent des prisonniers mourut sous les coups, au début de ces années 1950.

Même là-bas, Ante a réussi à écrire des poèmes, sur le papier des sacs de ciment, avec un fusain, puis il les cachait. Il était interdit d'écrire. La poésie lui servit de cuirasse, de fête, de réserve d'énergie. Si elle n'est pas ça, la poésie n'est rien. Elle a été la plus forte machine de résistance du vingtième siècle pour ceux qui n'avaient foi en aucun Dieu. Dans un de ses poèmes de prisonnier sur l'île damnée, il a placé le mot "Himalaya". Quand le matin le gardien lui faisait parcourir le couloir avec le seau des excréments et qu'il crie derrière lui : "Bandit, vite", en le bourrant de coups, Ante a écrit :

Je me vante parce que j'oublie le gardien
("Vite ! Vite !")
courage, me dis-je, j'oublie le gardien
("Vite ! Vite !")
la plus grande victoire est d'oublier le gardien,
je me vante effrontément
("Vite ! Vite !").
Le couloir, c'est l'Himalaya
avant qu'Alexandre l'entrevît,
c'est l'Atlantique avant Colomb,
que de siècles de voyage pour le traverser
et moi je l'ai franchi
et j'ai oublié le gardien dans le couloir
("Vite ! Vite, bandit !")
et moi je l'ai oublié,
je suis le voyageur et le timonier courageux
avec le seau à travers le couloir
je dois forcément me louer de ma découverte,
plus grande que la vôtre, alpinistes,
plus grande que la vôtre, marins,
je lance un regard :
la courbe du couloir tourne au-dessus de l'Himalaya,
je suis Alexandre qui se montre là-haut,
aussitôt après voilà au contraire San Salvadore,
je suis arrivé.

Il y eut des hommes qui réussirent à passer des jours et des années dans ces expéditions d'un mur à l'autre, dans la pression écrasante des centimètres, dormant sur de méchantes tables, les coudes emboîtés dans ceux de leur compagnon de cellule. Et ils ont ainsi voyagé en doublant le cap du jour avec la secrète fierté d'être des alpinistes et des marins, rappelant en eux-mêmes les énergies de ces autres entreprises, tandis qu'ils se baissaient sous les coups et s'agrippaient à la vie avec des bouts de poésie pour ne pas se laisser arracher du sol. Ante Zemljar est mort l'année 04 du siècle en cours et une autre fenêtre s'est fermée pour moi. J'ai fait le maçon et je sais qu'il est beau d'ouvrir une brèche, même illégale, dans un mur, pour y faire une fenêtre. Et je sais que murer une fenêtre, en éteindre la lumière, est un deuil. La perte d'Ante Zemljar est une fenêtre murée. J'y ai mis la dernière main avec un grossier crépi pour ne pas la cacher, pour rappeler que là se trouvait une ouverture au sud et que derrière il y avait une pièce et un homme.
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Une grande partie de l’Écriture sainte est alpiniste.
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Dans mes écritures, je suis débiteur de voix, je les écoute dans la partie interne de mon oreille, dans les osselets du labyrinthe où je retrouve aussi les personnes absentes. Les membres d'une assemblée du passé, les lointains, se rencontrent en un point de mon oreille .
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En montagne on meurt, en volontaire certes, envoyés par personne, chacun est un envoyé de soi-même et on meurt, même les meilleurs, les plus rapides, les plus forts. Et donc je pense que mes histoires sont aussi les leurs, que je les rapporte et les retiens et lorsque je remue les lèvres, les leurs remuent également et, tout en parlant, je suis saisi par un effet choral, prise par le vertige de raconter, je souffre de vide sous les mots, je ne sais pas comment dire.
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incipit
Notre monde repose sur les épaules de l'autre. Sur des enfants au travail,sur des plantations et des matières premières payées bon marché:des épaules d'inconnus portent notre poids,obèse de disproportions de richesses.
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Porteurs

Notre monde repose sur les épaules de l'autre. Sur des enfants au travail, sur des plantations et des matières premières payées bon marché : des épaules d'inconnus portent notre poids, obèse de disproportion de richesses. Je l'ai vu.
Dans les ascensions qui durent bien des jours vers les camps de base des hautes altitudes, des hommes et aussi des femmes et des enfants portent notre poids dans des hottes tressées. Tables, chaises, vaisselle, tentes, cuisinières, combustibles cordes, matériel d'escalade, nourriture pour plusieurs semaines, en somme un village pour vivre là où il n'y a rien.
Ils portent notre poids pour le prix moyen de trois cents roupies népalaises par jour, moins de quatre euros. Les hottes pèsent quarante kilos, mais certains en portent de plus lourdes. Les étapes sont longues, elles fatiguent le voyageur avec son petit sac à dos et le minimum nécessaire.
Des porteurs de tout notre confort marchent avec des tongs ou bien pieds nus sur des pentes qui manquent d'oxygène, la température baissant. La nuit, ils campent en plein air autour d'un feu, ils font cuire du riz et des légumes cueillis dans les parages, tant que quelque chose sort de terre. Au Népal, la végétation monte jusqu'à trois mille cinq cents mètres.
Nous autres, nous dormons dans une tente avec un repas chaud cuisiné par eux.
Ils portent notre poids et ne perdent pas un gramme. Il ne manque pas un mouchoir au bagage remis en fin d'étape.
Ils ne sont pas plus faits pour l'altitude que nous, la nuit je les entends tousser. Ce sont souvent des paysans des basses vallées de rizières. Nous avançons péniblement en silence, eux ne renoncent pas à se parler, à raconter, tout en marchant.
Nous habillés de couches de technologie légère, aérée, chaude, coupe-vent, et cetera, eux avec des vêtements usés, des pulls en laine archiélimés : ils portent notre poids et sourient cent plus que le plus extraverti de nos joyeux compères.
Ils nous préparent des pâtes avec l'eau de la neige, ils nous ont même apporté des oeufs ici, à cinq mille mètres. Sans eux, nous ne serions ni agiles, ni athlétiques, ni riches. Ils disparaissent en fin de transport, ils se dispersent dans les vallées, juste à temps pour le travail du riz et de l'orge. (p. 11-12)
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