Citations sur Bruit de fond (77)
Les cabinets médicaux me dépriment encore plus que les hôpitaux, à cause de l’atmosphère d’attente négative qu’ils dégagent et du patient qui s’en va après avoir reçu une bonne nouvelle. Il serre la main aseptisée du médecin, en riant à gorge déployée, riant à tout ce que lui dit le praticien. Son rire est tonitruant, rempli de vitalité et de vulgarité. Cet homme-là ignore les autres patients d’une manière ostentatoire tandis qu’il traverse la salle d’attente, en riant aux éclats. Il en fait plus partie d’eux, il renie leur inquiétude hebdomadaire, leur crainte ridicule de la mort.
La sueur coule sur ma poitrine. Le radio-réveil indique trois heures cinquante et une. A de tels moments, les chiffres sont toujours impairs, étranges. Qu’est-ce que cela signifie ? La mort est-elle un numéro impair ?
Pour Murray, il est possible d'être pris de nostalgie pour un lieu dans lequel on se trouve.
Univers des maisons à un étage de la rue principale. Espace simple, rationnel, actif sans être agité. Parfum d'avant la guerre avec quelques vestiges de l'architecture de cette époque dans les façades : corniches en cuivre et fenêtres à petits carreaux ; frise avec amphores au-dessus de l'entrée principale du Prisunic.
Cela me fait penser au charme des ruines.
- Le style efface la violence.
Si un homme de l’âge de pierre te demandait ce qu’est une nucléoprotéine, que lui dirais-tu ? Comment fait-on du papier carbone ? Qu’est-ce que le verre ? Si tu te réveillais demain au Moyen Âge et qu’il y ait une épidémie terrifiante, que pourrais-tu faire pour l’arrêter, étant donné ce que tu sais sur les progrès de la médecine et les découvertes concernant les maladies ? Nous sommes presque au XXIe siècle, tu as lu des centaines de livres et de magazines, tu as vu d’innombrables émissions de télévision sur la science et sur la médecine, et que pourrais-tu dire aux gens de fondamental, d’essentiel qui puisse sauver un million et demi de personnes ?
Regardez comme tout est bien éclairé. L’endroit est isolé, il se suffit à lui-même. Le temps a disparu. Il y a encore une raison qui me fait penser au Tibet. Mourir est un art au Tibet. Un prêtre entre dans la pièce, s’assied, dit à la famille en larmes de sortir et demande qu’on mette les scellés. Portes et fenêtres sont scellées. Il a à s’occuper des choses sérieuses. Chants, sens secret des chiffres, horoscopes, dévotions. Ici, nous ne mourrons pas. Nous faisons des courses. Mais la différence est moins grande que vous ne pensez.
J’ai l’impression que sa soumission à nos désirs et à nos exigences est une arme secrète qu’il utilise pour intensifier les reproches qu’il a envie de nous faire.
- La peur est la conscience de soi à un niveau plus élevé ?
- Exactement, Jack.
Le système est absolument invisible, ce qui le rend encore plus impresssionnant, plus difficile, plus inabordable. Mais nous sommes d'accord, du moins en ce moment. Réseau, circuits, énergie, harmonie.
Le flot ne s’arrête jamais […]. Mots, images, chiffres, faits, graphiques, statistiques, points, ondes, particules, taches. Seule une catastrophe peut attirer notre attention. Nous les désirons, nous en avons besoin, nous dépendons d’elles. Tant, bien entendu, qu’elles arrivent ailleurs.