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Critique de bobfutur


Actes Sud se décide enfin à traduire le deuxième livre ( 1972 ) d'un des plus grands « oubliés du Nobel » ( vague appellation à vocation commerciale ).
Bon… mais tout le monde s'en fout.
On voit bien que vous ne faites pas partie des dingues ayant mandaté plusieurs envoyés spéciaux aux Amériques afin de mettre la main sur sa version originale… de guerre lasse… la maison arlésienne ayant déjà tergiversé avant d'éditer son tout premier, « Americana », affublé d'une quatrième de couverture frisant l'indigence, preuve qu'elle ne l'avait manifestement pas bien compris…
On parle davantage du nouveau Bret Easton Ellis, bien qu'il n'ait rien écrit de bien valable depuis près de vingt ans… au moins on continue d'entendre parler de lui, simplement parce qu'il adore donner son avis, même quand personne ne lui demande.
( Vous pensez peut-être que j'y vais un peu fort… mais voyez un peu les bêtises qu'il a pu sortir sur ses confrères… dont une charge que personne n'a encore bien comprise contre David Foster Wallace et ses lecteurs… )
Alors je babille, je frétille, et on n'a encore rien dit sur ce livre… normal, venant d'un de ses plus grands admirateurs…

Son dernier livre en date, « Le Silence » a quasiment déçu tout le monde ( sauf Bret Easton Ellis… ), résultat d'une oeuvre ayant basculé avec le temps vers une épure trop affirmée, intériorisant ce concept de « Point Omega » comme abîme de complexité, d'où la trame romanesque ne pourrait que s'étioler avant de disparaitre complètement… comme ses lecteurs…
On trouvera toujours, dans la presse branchouille spécialisée, une personne pour proclamer « The Body Artist » comme son meilleur livre, confirmant que la multiplication des avis induit mécaniquement l'originalité ou l'anti-conformisme comme seules valeurs…
Et l'on espère qu'à l'aune du bilan, le grand Don saura à nouveau nous sortir un grand livre, de la trempe de ses classiques ; en attendant, il nous reste à découvrir celui-ci, en y ajoutant son unique livre sous pseudonyme, « Amazons », ou l'histoire de la première femme à jouer dans la ligue nationale de hockey sur glace, publié en 1980 par Cleo Birdwell, dont l'intrigue à présent pourrait intéresser le plus grand nombre, énième manifestation de prescience de ce géant de la littérature.
Actes Sud ayant dépassé sa peur du football américain, pourquoi ne pas en faire de même avec cette patinoire…?

Car c'était sûrement cela le problème, la crainte d'un livre qui ne toucherait que les connaisseurs d'un des sports les plus exclusifs à la culture étasunienne… Il y a bien eu quelques précédents, notamment avec le baseball, toile de fond plus ou moins présente de quelques romans à succès ( dont l'ignoble « L'art du jeu » de Chad Harbach ), donnant lieu à d'obligatoires lexiques, voire à de fantaisistes traductions lorsque le jargon n'est pas retranscrit en V.O…
Ici, le traducteur s'en sort honorablement ( Francis Kerline, en charge déjà de Will Self, Franzen, Lethem, etc. ) préférant laisser tel quel ce vocabulaire. On s'inquiètera au passage de ce qu'est devenue Marianne Véron, elle qui avait brillamment traduit toute son oeuvre jusqu'à « Zero K », et dont nous n'avons plus de nouvelles depuis sa non-traduction du « Silence » ( confié à Sabrina Duncan, soupçonnée d'être un pseudonyme… Drôle de Dames… et puis rien d'autre… ), et dont le peu d'informations glané sur un site à tendance « point médian » nous parle surtout de son travail sur Doris Lessing… forcément…
C'est pourtant elle qui avait traduit, pour la revue « Desports » des Editions du Sous-Sol, la nouvelle « Stratégie de Match », variation d'un des chapitres du présent roman… Si quelqu'un a de ses nouvelles…
Bref, un autre petit moment de solitude… Ils sont décidément trop nombreux…

Et puis, vous l'aurez compris, le football n'est ici que prétexte à faire de la littérature.
Don réussi à nouveau ce qui m'avait tant enchanté dans « Americana », « Bruit de Fond » ou « L'Etoile de Ratner » : composer un roman empilant de manière rigoureusement simultanée le sérieux et sa parodie ; rarement les deux ne cohabitent ; ici ils existent en même temps, sans s'annuler ni se déprécier.
Il se sert à nouveau beaucoup des dialogues, laissant ceux-ci former une image pour chaque personnage, plutôt qu'essayer de nous les représenter. Ceux-ci font encore penser à des individus atteints d'un vague syndrome type Asperger, tant ils semblent chacun évoluer dans les conversations de manière parallèle.

On y retrouvera les thèmes de prédilection de l'auteur, brillant de la spontanéité du second roman, où le héros Gary Harkness serait une évolution logique de l'inoubliable David Bell de son premier livre, la névrose s'y développant…

On s'y engagera gaiement, surtout après avoir aimé arpenter une bonne partie de ses romans.
Ce n'est pourtant pas un livre à réserver à ses seuls adeptes — comme pourraient l'être certains de ses romans ainsi que sa production théâtrale — sa fraîcheur ébouriffée et son humour de guerre froide en faisant un livre dont la sortie tardive, à défaut d'être saluée comme un événement (brrrr), vient combler un certain vide.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu l'envie de remercier cet éditeur.
Merci Actes Sud.
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