Avant toute chose, il faut savoir qu'il s'agit là : 1/ d'un dictionnaire, donc pas d'une biographie chronologique ; 2/ d'un dictionnaire amoureux, c'est-à-dire que l'auteur – dumasien depuis sa jeunesse et fort enthousiaste – s'y raconte autant qu'il raconte SON Dumas.
Mais le très regretté
Alain Decaux, historien de son état, connaît son sujet sur le bout des doigts. Ajoutons à cela qu'il a toujours eu un sens aigu de la narration – voir, pour les plus de vingt ans, ses émissions de jadis, lesquelles nous transportaient là où il le voulait. On obtient alors un mélange savoureux d'événements, de portraits qui, tous ensemble, racontent ce titan de la littérature française que fut
Alexandre Dumas.
Fidèle à son sens de l'anecdote, Decaux nous gratifie de quelques-unes, comme celle du vote pour savoir si oui ou non le fils Dumas – auteur, entre autres, de l'exceptionnelle Dame aux camélias – entrera à l'Académie française, sachant qu'il s'est attiré le courroux de son membre le plus éminent pour avoir raillé les femmes communardes. Et Hugo, qui a finalement voté en sa faveur, de lui lancer : « J'ai voté pour ton père » (son grand ami). du Hugo tout craché !
Émaillé d'extraits des Mémoires de Dumas, de sa correspondance, de son oeuvre, ce parcours atypique, dont le désordre chronologique déroute de prime abord, devient vite un voyage trépident. Voyage qui nous fait dire à propos de cette existence ce que Napoléon – aperçu deux fois à Villers-Cotterêts par le jeune Dumas : en partance pour Waterloo et de retour – disait de la sienne : « Quel roman que cette vie ! »
Dans ce dictionnaire amoureux, ce sont bien tous les Dumas qui s'entremêlent : le dramaturge, le romancier, le journaliste, l'ami fidèle et généreux des artistes – et même des protagonistes de l'Histoire – tel Garibaldi –, l'amant, le père, le voyageur, etc.
On s'y rend compte combien Dumas a dévoré la vie presque jusqu'au bout ; ce bout qui se trouve à Puys, en Normandie, près de Dieppe, le soir du 5 décembre, tandis que la France s'effondre sous les coups de la Prusse, comme si la grande Histoire – à laquelle Dumas participera quelquefois activement, notamment lors des Trois Glorieuses (en juillet 1830), à Paris – tenait à s'inviter dans le dernier souffle de ce géant. Géant qui, peut-être, en a retrouvé un autre là-haut, imaginé par lui et mort du côté de Belle-Île-en-Mer…Porthos.
Mélanie Waldor, l'un de ces nombreux amours, écrira au fils du défunt – chez qui il avait déclaré être venu mourir – ceci : « S'il est un homme ayant toujours été bon et charitable, c'est bien certainement ton père. Son génie seul a égalé sa grande bienveillance et son désir continuel d'obliger les autres. »
Petit bémol, et contrairement à l'engouement d'
Alain Decaux, qu'il eût été préférable de laisser Dumas à Villers-Cotterêts, sa ville natale, plutôt que de le précipiter dans un caveau impersonnel du Panthéon !