Comme nous le montre
Christophe Gaultier dés la magnifique couverture du volume 1 de
Robinson Crusoé, la mer avale les hommes. Et parmi ceux-ci il en est un qu'elle prend visiblement plaisir à croquer et regurgiter chaque fois que le pauvre diable pose un pied sur une embarcation :
Robinson Crusoé.
Dans le petit préambule qui sert d'introduction à cet album,
Christophe Gaultier confie que "c'est la deuxième fois qu' (il) adapte
Robinson Crusoé, la première, (il) devait avoir douze ans, (...). C'est ce livre qui fit naitre (ses) premiers émois de lecteur de bande dessinée". Alors, comme ici on aime bien faire les choses, je me suis dit quant à moi que la seconde fois que je lirai le roman de Defoe, je le ferai juste avant d'entâmer son adaptation par
Christophe Gaultier.
Et une chose frappe alors, non pas de manière brêve et soudaine mais bel et bien dans la longueur et éclaboussant chaque page, c'est justement l'adaptation. Car ici, adapter revient à s'imprégner de l'esprit de l'oeuvre de l'illustre anglais et de la contraindre avec talent à accepter sans travestissements insensés, de se mettre en planches afin que notre auteur puisse satisfaire avec talent ses appetits d'ébéniste en crayon, plume et encre, tout cela à partir du materiel brut de ces grandes grumes de pure aventure que figure l'oeuvre de
Daniel Defoe.
Aussi Gaultier taille-t-il dans le récit et pratique-t-il aisément la parabole, délaissant une fuite d'un esclavagiste maure à Sallé, pour inventer un libertinage de circonstance dans le giron d'une grosse catin londonienne. Mais plus que le récit, ses points et ses virgules, c'est l'esprit d'aventure que véhicule et symbolise le roman de Defoe que Gaultier souhaite faire partager. Tâche qu'il accomplit d'ailleurs fort bien tant il flotte une atmosphère magnifique sur cet album, de celles qui n'omettent pas que le lecteur a forcemment déjà pris le large en compagnie d'Isaac le pirate et mis les toiles au temps des grandes épopées hollywoodiennes. Ainsi ne s'offusque-t-on pas qu'un grand roman serve de terreau fertil à une oeuvre moderne, même si pour se faire, il a bien fallut tamiser le compost initial.
Reste à noter que pour ses premiers pas d'auteur complet,
Christophe Gaultier a doublement choisi, d'abord avec "Casquette Motul" et maintenant avec
Robinson Crusoé, de revenir chasser sur les terres oniriques de sa propres enfance. A croire vraiment, que lorsqu'ils rêvent éveillés, il importe peu d'aller coucher les enfants de bonne heure.