Méfiez vous des impressions premières. Après avoir lu quelques pages de
L'enfant réparé, le mot nombrilisme me vient à l'esprit. Quelques dizaines de pages plus loin, l'auteur parle enfin d'un autre personnage, son frère, deux trois mots sur lui pour rapidement ramener le sujet à sa personne, ce qu'il m'a dit, ce qu'il m'a fait, sans aucune explication bien sûr sur le pourquoi de ce qu'il m' a dit et fait. Enfin pour parachever le tout, je note une phrase, l'auteur venant de rencontrer une femme : j'avais aimé son désir de moi.
Un livre étant un tout, l'avancée en lecture, me fait comprendre et donc voir les choses autrement. Il s'agit de l'histoire d'un homme à l'enfance meurtrie. Dixit
Grégoire Delacourt, écrire fut salutaire et oeuvre de soin.
Parenthèse, écrire pour se soigner est ce une bonne chose, pour l'auteur, pour ses lecteurs ? Réponse ambiguë, l'auteur écrit ce qu'il veut et le lecteur apprécie à sa convenance.
L'enfant réparé est donc un récit autobiographique. Celle d'un enfant abusé ce qu'il ignorait. L'auteur présente également son oeuvre comme une trajectoire l'ayant mené à ce dernier livre salvateur, livre vérité, livre réparateur d'où le titre d'enfant réparé.
Les précédents livres que cite abondamment
Grégoire Delacourt étaient tels les cailloux semés afin de retrouver un chemin menant à
l'enfant réparé. Et de fait, un éclairage nouveau permettra de comprendre autrement et plus justement les écrits antérieurs. Ainsi et par exemple le livre intitulé le père, dialogue entre un père et un prêtre, le prêtre ayant abusé de l'enfant du père. le père semble faire preuve d'une indulgence incompréhensible envers le prêtre. On comprend mieux lorsque le propre père de l'auteur se dévoile derrière le prêtre, en habit noir comme ceux du dit père juriste.
L'écriture est professionnelle, les chapitres sont courts, inutiles de se perdre en tergiversations, la clarté n'est pas toujours là, reflet du déni de l'oubli et du vouloir taire dans lesquels, un temps s'est réfugié
Grégoire Delacourt.
Sur le même sujet, parallèle avec
Christine Angot et son le voyage dans l'est, où les agressions sexuelles paternelles étaient clairement énoncées ainsi que ses conséquences en parties décrites, ou encore
Héritage et milieu de
Vigdis Hjorth qui s'attachait aux réactions familiales allant jusqu'au procès, ici, les difficultés à franchir les portes de l'oubli s'expriment.
Conséquences du non dit, une mère qui protège son fils en l'éloignant ce que celui ci interprète comme un abandon et un manque d'amour, un père qui s'exclut de lui même afin de ne pas céder à la récidive, comment l'enfant l'a t il compris ?
Dire les choses, c'est à dire poser les problèmes, est ce suffisant ?
Non. C'est un premier temps nécessaire comme préalable à trouver des solutions.
Réfléchir, aller chercher plus en amont encore des éléments de compréhension, afin de voir et pouvoir être autrement.
Beau livre à mi chemin d'un parcours réparateur.