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EAN : 9782709665339
256 pages
J.-C. Lattès (20/02/2019)
3.93/5   688 notes
Résumé :
« Mon Père c’est, d’une certaine manière, l’éternelle histoire du père et du fils et donc du bien et du mal. Souvenons-nous d’Abraham.
Je voulais depuis longtemps écrire le mal qu’on fait à un enfant, qui oblige le père à s’interroger sur sa propre éducation. Ainsi, lorsque Édouard découvre celui qui a violenté son fils et le retrouve, a-t-il le droit de franchir les frontières de cette justice qui fait peu de cas des enfants fracassés ? Et quand on sait que... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (210) Voir plus Ajouter une critique
3,93

sur 688 notes
Mon Père - Grégoire Delacourt - Éditions le livre de poche - Lu en avril 2020.

C'est complètement retournée que j'ai fermé hier soir la dernière page du livre Mon Père de Grégoire Delacourt.

Nous passons de chapitre en chapitre de l'enfance d'Édouard, père de Benjamin à l'enfance de Benjamin lui-même et du père au père, ecclésiaste.

Après 138 critiques déjà postées sur Babelio, que puis-je ajouter de plus à tant d'horreurs décrites dans ce livre, ce petit Benjamin, fils d’Édouard et Nathalie, l'innocence, la candeur, la confiance qu'un gamin peut avoir dans les adultes qui va voir sa vie basculer dans l'enfer.

Mais avant d'en arriver là, l'auteur nous parle de l' enfance d'Édouard, de son père boucher qui lui apprend à manier les couteaux bien plus qu'il ne peut lui communiquer d'amour et de tendresse, qui a honte de ses mains de boucher incrustées du sang des animaux, de sa mère qui travaille au presbytère, une femme très pieuse, qui ne jure que par Dieu et tout ce qui tourne autour. Édouard dira "Sans la chaleur de ses mains, ma mère avait froid" "Plus tard, j'ai pensé qu'un père qui n'étreint pas ne façonne pas et qu'on en conserve pour toujours une infirmité. Une sorte d'inachèvement" page 32.

Venons-en à Benjamin, enfant né d'une union presque forcée, ayant été conçu dans "l'illégalité", Édouard et Nathalie doivent se marier. Et puis, Nathalie s'en va, premier déchirement pour ce petit garçon. Sa maman l'emmènera avec elle à 200 km de son père.
Et puis, un jour, Benjamin est envoyé en colonie de vacances, et c'est là que son enfer va commencer avec ce père ecclésiaste qui sous couvert de l'amitié va soumettre Benjamin à l'insoutenable. Benjamin qui envoie une carte à son père "viens me chercher", mais le papa n'a pas compris, n'a pas imaginé ça, n'a pas pris au sérieux l'appel au secours de l'enfant.
A son retour, l'enfant dépérit, ne rit plus, à des douleurs au ventre, de la fièvre, des maux de tête, ne mange plus bien, mais ne dit rien, ses parents ont beau l'interroger, il se tait.

Jusqu'au jour où il entre à l'hôpital et que les médecins découvrent la vérité.

"Il est des silences qui se brisent trop tard" - page 111

Le papa de Benjamin n'aura de cesse que de retrouver ce prêtre qui a abusé de la confiance de l'enfant avant d'abuser de son corps. C'est un cri, un long cri de rage, un cri de révolte, un cri de honte. Il ne croit pas en la justice. "Pourquoi n'avons-nous rien vu, Nathalie ? Pourquoi ?" page 152.

Vous l'aurez compris, ce n'est pas facile à lire, mais l'auteur a dû avoir encore plus difficile à mettre noir sur blanc ce vécu pour briser le silence qui se fait autour des abus d'enfants par certains hommes d'église en qui les enfants devraient avoir toute confiance. le silence de l'Église elle-même jusqu'il n'y a pas longtemps.

Ce que j'ai moins aimé, mais j'ai bien compris la démarche, c'est le parallèle que l'auteur fait chaque fois avec Abraham à qui Dieu demande de sacrifier son fils Isaac, et dont le geste fût arrêté par un ange (ancien testament). Il compare le silence d'Isaac qui n'a jamais demandé à son père pourquoi, le silence de ceux qui savaient (les serviteurs) et qui se sont tus et n'ont pas bougé. Est-ce que la vie d'un enfant compte si peu ? Que l'auteur nous explique cette comparaison, oui, mais y revenir jusqu'à la fin du livre, c'est juste un peu trop.

Un livre que j'ai lu avec le cœur chaviré du début à la fin, mais il fallait que je le lise.
La préface est absolument splendide, je vais la mettre en citation. Elle dit bien mieux que je ne pourrais le faire pourquoi l'auteur a écrit ce livre.




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Si Mon Père n'était qu'un roman, qu'une histoire inventée de toutes pièces, je n'aurai probablement pas un océan de douleur salée dans les profondeurs de mes yeux noyés. Car il s'agit de l'histoire de trop nombreux enfants arrachés à la vie, à leur enfance et à la promesse.

Notre Père qui est aux cieux,
Ne nous soumet pas à la tentation,
mais délivre nous du mal.

Grégoire Delacourt signe un roman magistral sur les dérives perverses ecclésiastiques mais il signe surtout un portrait glaçant des rouages du silence. Mon père est un roman-tiroirs où grouille, tels des milliers de vers, toute la misère du monde.

On ne met pas au monde un enfant pour le plonger dans l'horreur, non, on aspire pour lui à lui montrer combien le monde est beau, bon et juste. On va l'aimer du mieux que l'on peut cet enfant. On va l'aimer pour qu'il grandisse bien, pour qu'il s'épanouisse, pour qu'il soit heureux. Voilà le rôle d'un père. Édouard c'est ainsi qu'il prend à coeur son rôle de père auprès du petit Benjamin, dix ans.
Si les parents peuvent sauver un enfant par l'amour écrira Delacourt, un enfant ne sauve pas ses parents par l'amour. Parce que l'enfant est arrivé avant qu'Edouard et Nathalie ne soient un couple, parce que Nathalie est volage et passionnelle, le couple ne tient pas. Dans ce divorce sans histoire, le petit Benjamin se met à changer. Insomnies, cauchemars, problèmes alimentaires,... On imagine que l'enfant réagit mal au divorce. Car bien évidemment, qui peut imaginer le pire ? le pire est insoupçonnable. On n'en veut pas, on ne le voit pas, on ne l'entend pas, on ne l'imagine même pas.

Parce que la confiance est là, parce que l'enfant se montre fragile, différent, réceptif à l'amitié, parce que l'enfant est insouciant, parce que la peau d'un enfant est chrysalide, douce, qu'un enfant est « séduisant et désirant », Mon Père use, touche, abuse et saccage.
À vomir.

Le silence est omniprésent. Taire l'horreur. Taire ce qu'un enfant ne peut comprendre.
« Le silence est un assassin qui ne dénonce pas.
Le silence est le seul refuge des enfants quand ceux qui devaient inconditionnellement vous aimer vous ont trahi. »

Pas un mot de trop.
Comme une histoire vraie qui fait mal, c'est cela Mon Père. Horriblement mal pour tous ces enfants sacrifiés au nom de la jouissance d'hommes de dieu qui sous la joute de lois de chasteté, cherchent le plaisir dans les peaux jeunes.

Un roman fort, qui trouverait sa place sur les planches d'un théâtre tant les scènes entre Édouard et le Père sont intenses et bouleversantes dans un huit-clos insoutenable.

Grégoire Delacourt expliquera dans une interview qu'il lui a fallu du temps pour mûrir ce roman, qu'il était là Mon père, mais qu'il n'était pas prêt. Élevé dans la foi de Dieu et les préceptes chrétiens, il a vu enfant, les jeux auxquels s'adonnent les prêtres. Il a vu cet enfant revenir de la chambre du prêtre et pleurer sous sa couverture. Et lui priait que son tour n'arrive pas.

Un roman nécessaire pour mettre toute la lumière sur ces immondices au sein des églises.
Un roman qui ne prétend pas guérir mais qui rappelle que trop d'enfants seront à jamais damnés du paradis.
Un roman où Dieu, je l'espère, pleure des larmes de sang de voir le monde de dégénérés qu'est devenu son paradis.

Amen.

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C'est plein de colère et de rage qu'Édouard pénètre dans le silence sépulcral de l'église. Bascule le bénitier, fracasse la Mère du Christ contre le mur, lance les vases, renverse les chaises, démembre les prie-Dieu, arrache les pages d'un missel, brise un vitrail. Une haine tournée vers l'église, la religion. Entendant tout ce raffut, un prêtre affolé bondit vers lui et lui demande les raisons de son geste. Ce à quoi Édouard, repensant à son fils, Benjamin, lui demande aussi pourquoi ? Pourquoi avoir fait ça à son fils ? Pourquoi l'avoir violé ? Pourquoi lui ? le père de famille veut des réponses. Là. Maintenant. Ne veut aucune zone d'ombre. Des réponses, Édouard en aura... Aussi cruelles, violentes et inimaginables soient-elles...

Grégoire Delacourt nous plonge dans un huis-clos aussi terrifiant qu'impensable. Durant 3 jours se confrontent le père et le prêtre qui a violé son fils. Parce qu'Édouard veut tout savoir, tout comprendre, quitte à se montrer violent, le prêtre n'aura d'autre choix que de se confesser. Ce roman paraît alors qu'un nouveau scandale de pédophilie éclabousse l'église catholique et que sort sur les écrans le film de François Ozon, "Grâce à Dieu'. Non seulement Grégoire Delacourt parle de pédophilie, aussi crûment et bestialement soit-elle, il aborde également divers thèmes tels que la vengeance, le pardon, la lâcheté humaine, la justice. Il entrecoupe, également, les confessions du prêtre avec les souvenirs d'Édouard. Souvenirs de son enfance au sein d'une famille très croyante et souvenirs des moments emplis de joie avec son fils. "Mon père" est un cri du coeur d'un papa qui n'a rien vu venir, un cri de révolte, d'indignation, d'horreur et de colère.
Percutant, étouffant et bouleversant...

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Que dire qui n'ait déjà été dit à propos de ce roman (?) d'une force incroyable porté par une écriture maîtrisée à l'extrême, des phrases percutantes , violentes , effilées comme la lame d'un scalpel , un vocabulaire riche , précis, sans concession .Pour moi , Grégoire Delacourt montre dans ce court ouvrage , toute l'étendue de son immense talent et nous avons besoin de ce type de récit pour nous ouvrir définitivement les yeux sur ces horreurs qui , enfin , en défrayant de plus en plus l'actualité, touchent les consciences et semblent (!) quelque peu les réveiller .Oui , ces atrocités existent , oui les bourreaux sont protégés par des Institutions plus soucieuses de ne pas ébranler les murs qui les soutiennent et de conserver leur pouvoir que de rendre leur dignité aux victimes dont ils ont , et pour toujours , gâché la vie.... grâce à la cécité de la plupart d'entre nous....
Au - delà , je retiens , dans la préface, la remarque de " la dame de Vannes " qui n'a pas souhaité, et c'est son droit , affronter la difficulté humaine de ce livre .Cette dame , c'est toi , c'est moi , c'est nous....Et , oui , c'est comme ça et pourtant , il faudra bien l'affronter cette réalité et tant mieux si elle nous choque .Ça fait partie de la Connaissance . Ne rien vouloir savoir ....Ne se mêler de rien ....
J'ai adoré le conte " Lucas " . Ancien enseignant , ayant côtoyé des jeunes toute ma vie , j'ai fait partie de ces gens dont le métier consistait d'abord à " gagner la confiance des enfants " pour faciliter les apprentissages" et pas pour les soumettre à de telles horreurs....Il n'y a pas que les prêtres, les instits ou les profs ......Le monde est violent et le manque de communication de plus en plus fréquent , jusque dans les familles parfois fragilisées par les difficultés et aléas de la vie ...
Une anecdote pour terminer .Dans le village de mon enfance , nous allions tous au catéchisme, nous faisions tous notre Communion....Notre curé était un brave homme à la " main leste " face à nos facéties...nombreuses et pas toujours très " malines " .
Le dimanche , après la messe , il passait au bar " prendre " un ou deux... pastis " avec les " hommes ", montait sur sa moto et allait manger " le poulet dominical " chez sa maîtresse que tout le monde connaissait et aimait bien...( il se disait même qu'il avait permis à la démographie du village de ne pas s'effondrer....) . Pas très moral tout ça ? D'accord , mais quand même moins traumatisant que " Mon Père " , non ? Les enfants , notre curé , il les respectait , les histoires de grands , c'est autre chose , non ?
A ma connaissance , il n'a jamais été " déplacé " .Vous imaginez la réaction des paroissiens ....et paroissiennes....si tel avait été le cas....
Merci à Grégoire Delacourt de nous aider à ne plus jamais dire " je ne savais pas " , on l'a trop entendue cette phrase ...Moi , j'dis ça , j'dis rien , mais ...je n'en pense pas moins.....
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C'est volontairement que j'ai choisi de découvrir cet auteur avec « Mon Père » de Grégoire DELACOURT. En effet, son dernier opus «l'enfant réparé », y fait suite dans le passage du silence à la vérité.

J'arrive après de nombreuses belles critiques de mes amis Babélio.

Je cherche ici à exprimer mes ressentis.

Au cours de ma lecture, je suis passée par de nombreuses émotions et me suis interrogée sur l'origine de ce roman, qui ressemble à une confession, à un drame vécu dans la vraie vie.

Page après page, mon coeur s'est serré toujours plus. Je m'en suis arrachée des pétales de larmes.

Grégoire DELACOURT a les mots justes qui vous mouchent, qui vous bousculent et vous font sortir de votre zone de confort.

Je n'en suis pas remise.

Un cri de douleur pour dire l'indicible dans la vie de ce jeune couple séparé, rattrapé par son destin.

L'histoire d'un père, Edouard, qui cherche à comprendre son fils Benjamin 11 ans, qui n'est plus le même depuis qu'il est allé en colonie de vacances avec la paroisse.

Pourtant, il lui a envoyé une carte postale avec une seule phrase : viens me chercher. Edouard n'a pas compris le message.

L'auteur fait un parallèle biblique avec Abraham qui obéit à Dieu en acceptant le sacrifice de son fils Isaac, sur le bûcher pieds et poings liés. Il en fait une autre lecture tout à fait adaptée aux circonstances dans lesquelles il se trouve.
« Je suis seul dans ma douleur
Benjamin, frère d'Isaac, est seul dans son silence ?
Les fils sont des égarés »

Son fils est mutique, mal dans sa peau, mais son corps finit par manifester des signes inquiétants.

Il est hospitalisé et les meurtrissures sont là.

Edouard sait et réalise maintenant.

Il va aller retrouver le curé Préaumont, pédophile et lui régler son compte.

Une fureur sauvage habite Edouard, il va saccager l'église. Ce face à face avec le curé abuseur, tourne en un moment de vérité. Il va le faire passer aux aveux, le torturer de ses abominations et le briser.

Il s'est fait justice lui-même pour que son enfant puisse être reconnu comme victime et entamer un travail de réparation.

« je veux te demander pardon de n'avoir pas su te protéger mais je crains que tu ne sois plus capable de pardon. Plus capable de rendre un bien pour un mal. C'est quelque chose dont le poinçon de ton abuseur t'a aussi amputé. En cela nos vies attentées, nous sommes toi et moi semblables désormais. Nos coeurs se sont retournés tout à fait. Nous avons arrêté de croire aux Eglises, à la mansuétude et à la bonté de nos frères humains. Nous croyons désormais à un châtiment, et cela tant que l'amour sera plus vulnérable que le mal. Et le mal, croyez-nous, vous qui connaissez maintenant notre histoire, prolifère à une vitesse vertigineuse, il n'est pas rare qu'un dépravé en remplace un autre qui en remplace un autre ainsi de suite pour l'éternité car ils sont comme du chiendent ».

Ensuite, j'ai lu "l'enfant réparé", mais il est encore trop tôt pour en dire un mot, mon émotion est encore trop vive.
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critiques presse (4)
LaPresse
23 avril 2019
Chose certaine, les fidèles de Grégoire Delacourt risquent d'être déstabilisés par la violence contenue dans chaque page de ce roman qu'on reçoit comme un grand cri de rage.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeJournaldeQuebec
01 avril 2019
Un conseil ? Ne jamais éveiller la colère d’un écrivain, car on ne sait jamais de quelle façon elle pourrait se traduire. Lorsqu’il était jeune, Grégoire Delacourt a par exemple été envoyé dans un pensionnat catholique dans lequel il a vu des choses qui ne lui ont pas plu. Pas plu du tout. Près d’un demi-siècle plus tard, il signe ainsi le bouleversant Mon Père, un roman dénonçant haut et fort les viols d’enfants perpétrés par des prêtres pédophiles.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeSoir
01 avril 2019
Grégoire Delacourt livre un roman vibrant autour des conséquences de la pédophilie dans l’Eglise.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeFigaro
07 mars 2019
Un tête-à-tête intense entre un père et le prêtre qui a violé son fils. Un livre choc.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (182) Voir plus Ajouter une citation
Préface - Mon Père.
En commençant l'écriture de ce livre, je savais que je m'attaquais à la face nord d'une montagne verglacée.
Il n'y aurait pas d'aimable mercière cette fois, pas d'amoureuse éperdue, pas plus que de petite fille qui apprendrait à pardonner à son papa de lui avoir tiré une balle de révolver dans la figure. Et surtout, pas de happy end.
Il n'y aurait que deux hommes. Un Père et un père. Un face à face. Un règlement de mots. Une boucherie à propos du désir de l'un et de l'interdit de l'autre. De frayeurs d'homme, en somme. Il y aurait mes peurs anciennes d'enfant lorsque l'ombre me couvrait de nuit et de larmes. Il y aurait mes angoisses de père plus tard - et cette infirmité de ne jamais pouvoir protéger tout à fait ceux qu'on aime. Il y aurait aussi ce que notre part humaine compte de plus cannibale et de plus désespéré.
Alors oui, lorsque, après avoir lu la brève quatrième de couverture, cette dame a reposé Mon Père sur la haute pile derssée devant moi au salon du livre de Vannes et qu'elle m'a dit "je ne le prends pas, c'est trop dur", j'ai su que j'étais parvenu au sommet de ma montagne, là où l'on est forcé de regarder en bas, regarder loin ; là où, sans avoir besoin de cligner des yeux, l'on voit tout - la cime des arbres comme les noirceurs qu'ils tentent de masquer, et dans la plaine les hommes qui fuient et au seuil des maisons les femmes qui pleurent. Ainsi, ce qui semblait être "dur" à ma visiteuse de Vannes, c'était de voir. Et donc de savoir. Voir et savoir le mal fait à nos enfants, nos faiblesses à les défendre, l'appétit des ogres. Je crois que tôt ou tard il faut montrer, il faut nommer, car l'imagination est sans fin lorsqu'elle se hasarde du côté du féroce. Je crois aussi, qu'en ces temps où la pensée est réglementée et, aux heures sombres du monde, la parole suspectée, il est du devoir de l'art de retrouver son rôle d'empêcheur de vivre en rond, de pousser les murs, de cogner, d'évoquer "cette sinistre nouvelle de ce qu'un homme a pu faire d'un autre homme". Il faut retrouver cette liberté essentielle qui consiste à parler de tout, à montrer tout, cette joie de donner la parole à ceux qui ne l'ont plus car leurs mots en eux sont restés enfouis, car les mots en eux ont été émiettés, et s'ils arrivent parfois, oh rarement, que quelques-uns parviennent enfin à leurs lèvres, ils ne sont pas cueillis, pas recueillis. Qui croit, qui entend un enfant qui dit "papa m'a fait du mal" ? Ou grand-père ? Mon grand frère ? Monsieur le curé ? Qui peut croire qu'un protecteur a pu devenir un bourreau ? Un effroi ?
Écrire, c'est écouter le monde, les vents chauds, les vents doux, mais aussi les tempêtes et les ouragans. C'est nommer pour empêcher l'oubli. C'est dire pour donner une vie.
Écrire, c'est enfin se dénuder pour habiller l'autre .
Voilà, chère lectrice vannetaise, ce que j'aurais voulu vous dire lorsque vous avez reposé Mon Père et que vous vous êtes éloignée, comme on s'écarte du chagrin d'un homme, ou d'une pierre qui brûle. Et vous dire merci, à vous qui avez osé ce livre.
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Blasphème ! Blasphème ! Je devrais te laver la langue à la paille de fer. Je t'interdis de dire de telles horreurs, Édouard. C'est pire qu'un péché. C'est une profanation. Agenouille-toi. Implore Son pardon. Comment peux-tu parler ainsi ? Prêter le flanc aux impies, aux apostats qui veulent la chute de notre Église. Il y a déjà assez de fétidités sur Terre pour que tu en rajoutes avec tes mensonges. Comment peux-tu imaginer une seule seconde que l'abbé qui m'a accompagnée lorsque ton père se mourait, qui a été là pour moi ensuite, qui est devenu un ami, qui s'est occupé de Benjamin au catéchisme, qui a pris soin de tant d'autres petits, un homme pieux, délicat, et tellement cultivé, comment peux-tu l'accuser de telles immondices ? Les enfants racontent souvent n'importe quoi pour se rendre intéressants.
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Il n'y a pas de retour en arrière dans la vie. Pas de bouton qui permet de rembobiner les images : éloigner un couteau de la gorge d'un fils et le rengainer dans son fourreau, pas plus qu'on ne peut remonter sur un plongeoir par la voie des airs et s'y retrouver à nouveau sec, les bras en croix. On ne peut qu'avancer. On ne peut que tomber.
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Enfant, j'avais de Dieu une image aimable. Une idée presque amusante. Il était bonhomme - je trouvais rassurantes les deux qualités contenues dans ce nom - Il flottait dans le ciel, assis sur un gros nuage, des fleurs poussaient parfois dans sa barbe, mais surtout, il était disponible à tout moment. On pouvait lui parler quand on le souhaitait, lui avouer nos fautes - bien qu'il les connaisse avant même qu'on les commette. (...) J'aimais aussi l'idée qu'il pardonnait tout dès lors qu'on le lui demandait. Ce qui, je l'avoue, était fort pratique.
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Je suis une larme sans fin. Je pense avec nausée que leurs corps souillés ne valent pas les ulcères ou les taons, la grêle ou la peste, un animal volé ou une vierge séduite, car les Écritures ne leur consacrent aucun chapitre. Ils ne sont pas attendus au paradis. Ils sont juste jetés au silence.
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Extrait du livre audio « La Liste 2 mes envies » de Grégoire Delacourt lu par Odile Cohen. Parution numérique le 17 avril 2024.
https://www.audiolib.fr/livre/la-liste-2-mes-envies-9791035416515/
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