Pourquoi chercher de ce côté - la peinture - qui est comme interdit, puisque les mots ne lui sont rien ? Pourquoi enfreindre la règle du silence, si la peinture est bien, comme la nommait Poussin, l'art des "choses muettes" ? Qu'espérer obtenir de l'appropriation moins d'un domaine que d'une manière d'organiser les formes et les couleurs ? "Il faut s'excuser de parler peinture" disait Valéry, mais il semble que l'écrivain moderne, au sens où l'entendait Baudelaire, n'ait pu s'empêcher d'en parler, car ce qu'il cherche, en définitive, c'est un pouvoir pour saisir le monde et l'ordonner, pour étayer l'univers qu'il ajoute au macrocosme - son univers, ce que personne avant lui n'avait vu, ou du moins n'avait su traduire.
Ce que nous avons ressenti, le peintre nous le fait voir, et cela sans les mots qui sont sont si souvent contraires. Comme nous voudrions que toujours ils s'emparent de la chose qu'ils désignent, qu'en les utilisant nous disposions des formes et des couleurs, que nous les puissions révéler, en exprimer le mystère. (...) Nous devons tout apprendre de la peinture, parce qu'elle accède à l'objet - quel qu'il soit - d'emblée, sans l'ambiguïté du langage des mots, en obligeant à une intelligence du regard et de la main. Peut-être le peintre, par la coïncidence d'un métier et d'un geste de capture, est-il en mesure de s'emparer de l'indicible, de cela même que nous nommons, faute de le définir, la poésie -, ce centre lumineux, cet état d'amplitude, vers quoi tend le poème ? (avant-propos de Philippe Delaveau, p. 5)
Festival Voix Vives 2016
Entre mer et ciel : Philippe Delaveau
Images et montage : Thibault Grasset - ITC Production
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