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3,46

sur 118 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
* Critique chiante et larmoyante *

--> Comme ça vous êtes prévenus tout de suite, ca ne va pas rigoler sur la critique à Zeitnot.

le Naufrage, c'est le naufrage d'un bateau de migrants le 24 novembre 2021 au large de Calais. 27 morts 2 rescapés. Ce n'est pas de la fiction, c'est la réalité. C'est un fait divers, comme on en lit souvent, d'ailleurs plus en Méditerranée du côté de Lampedusa que du côté de Wimereux.
Ces migrants ont appelé à l'aide plusieurs fois. Les secours français ont attendu qu'ils passent dans les eaux anglaises et n'ont envoyé aucun bateau. Sont morts 20 hommes, 6 femmes, une fillette.

Vincent Delecroix dans Naufrage nous met d'abord dans la peau du monstre ordinaire. Dans la peau de cette femme qui a dit "Tu ne seras pas sauvé", lors de son interrogatoire par la gendarmerie, avec un récit en "je" qui fait froid dans le dos.
" Je ne t'ai pas demandé de partir. C'est toi qui l'a voulu. Si tu ne veux pas te mouiller, il ne fallait pas embarquer mon coco".
Elle, c'est l'opératrice du CROSS à Calais, celle qui aurait pu envoyer les secours et qui n'a rien fait. Est-elle responsable de ce désastre ?
Ce canot de migrants, ce n'est pas un canot d'aventuriers qui un jour décident de partir à l'aventure selon un moyen de fortune. Ce sont des dizaines de canots qui partent comme ça pratiquement tous les jours pour emmener hommes, femmes, enfants vers un avenir qu'ils croient meilleur.
Notre opératrice du CROSS, celle qui n'a pas sauvé, combien en a-t-elle sauvé avant ?
L'habitude, la répétition fait baisser l'urgence. Là où l'on voit des humains lors des premiers sauvetages, à la fin il ne reste que des numéros... Encore eux, sur leurs bateaux à la con. A peine sauvés, déjà rembarqués sur d'autres bateaux de la mort.
Avez-vous vu, il y a quelques semaines, en Méditerranée. Plus de 5000 migrants sont arrivés sur l'ile de Lampedusa en 1 jour. Ils n'y sont pas arrivés via Costa Croisière ! 5000 arrivés, et combien de perdus ?
Est-ce vraiment la faute d'une opératrice du CROSS si les 27 sont morts, ou aurait-il été possible d'arrêter ce massacre à la base ?
Que font nos gouvernements ? Pas grand chose. Chez moi en Belgique, La secrétaire d'Etat à la Migration a décidé que les hommes de plus de 18 ans dormiraient dehors en hiver pour laisser la place dans les centres d'asile aux femmes et aux enfants. J'ai un gamin de 20 ans et un de 17, je ne peux pas les imaginer dormir dehors dans les rues de Bruxelles par -10. Les autres politiciens ont eu à coeur de montrer du doigt la secrétaire d'Etat... nous sommes bientôt en période électorale. Mais sinon, rien. Pourtant entre les bureaux inoccupés, les logements inoccupés et les hôtels pas remplis, il y a de quoi faire. Comme d'habitude, on va attendre qu'il y ait des morts de froid avant d'agir.

Deuxième partie de l'histoire, nous sommes dans la peau des migrants. Dans la peau de celui qui appelle l'opératrice, de celui qui voit le désastre et la mort de ses compagnons d'infortune. de ces 29 personnes montées à bord d'un bateau donné par un passeur. Passeur qui empoche le peu d'argent qu'ont ces malheureux pour les faire monter à bord d'embarcations en sachant très bien qu'un seul sur 5 atteindra les côtes. Là où il y a de la demande, il y a l'offre. L'Angleterre, l'El Dorado, si proche et si loin à la fois.

Naufrage, c'est se poser sur les dysfonctionnements de notre monde. C'est s'interroger sur la responsabilité collective qui sous-tend derrière la responsabilité individuelle.
Naufrage, c'est une bouteille à la mer pour décider ceux qui peuvent agir. Pour rendre leur humanité aux invisibles.


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Un livre qui dérange
Je comprends qu'il soit noté moyennement car il prend le contrepied du « bon sens » commun
Vincent Delecroix est un philosophe qui écrit une fiction ( il insiste sur ce point) à partir d'un vrai fait divers :le naufrage dans la Manche d'un bateau de migrants: 27 morts
Une instruction est en cours parce que les naufragés auraient appelé de nombreuses fois sans être secourus
Un bouc émissaire tout trouvé : l' opératrice du Cross ( sauvetage en mer, militaire)
Elle est interrogée pour l' enquête
Se sent-elle coupable ? Pas du tout. J' ai fait mon travail, point final
Avez-vous de l'empathie pour les migrants ? Aucune , ce n' est pas mon rôle
Avez-vous un avis sur la politique d'immigration ? Même réponse.Je n'ai aucun avis
Tout le monde voudrait qu'elle craque , qu'elle présente ses excuses , verse quelques larmes. Tout le monde voudrait de l' émotion et aussi un peu de culpabilité.
Bref, la réaction «  normale » qu'on présente en 3 minutes au journal télévisé avant de passé «  sans transition «  à un sujet plus futile
Elle reste stoïque et contre attaque. Savez vous combien de bateaux de migrants traversent chaque nuit par temps calme?
Pourquoi en choisir un plutôt qu'un autre?
Je n'ai pas à savoir si je sauve un salaud ou un vrai réfugié politique ou un brillant intellectuel
Ce livre implacable pose la question de la responsabilité individuelle ou collective
Ce n'est pas l' opératrice qui fixe les règles ou délimite les périmètres d' intervention
J'entends d'ici les remarques habituelles : elle n'a pas de coeur ou, plus, violent, c'est un monstre
Vincent Delecroix voit tout cela en philosophe et ne prend pas parti
Il soulève simplement les bonnes questions
Ce livre m'a semblé très juste
Quand vous êtes dans l'action ( pour moi, il y a quelques années ,l'humanitaire , les guerres, la famine, les camps de réfugiés), on vous demande d' être efficace
Quand vous voyez chaque matin arriver mille personnes au bout du rouleau, pour certaines mourantes, vous n'avez pas à avoir de l'empathie, pas le temps de savoir pourquoi elle sont là, qui elles sont , d' où elles viennent
Votre rôle , à ce moment précis, est d'en sauver le plus possible tout en sachant qu'il aura des morts
À posteriori, il est facile de refaire l'histoire et surtout d'accuser
Notre époque veut des coupables , ici une opératrice militaire, ailleurs un policier ou un gendarme, pourquoi pas un pompier ou un médecin du
Samu
Vincent Delecroix dérange beaucoup de monde parce qu'il nous montre la vérité crue, pas celle qu' on veut nous faire ingurgiter à longueur de journée à travers tous nos écrans
Un livre salutaire et intelligent
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Je ne m'attarderai pas sur l'aspect littéraire de ce Naufrage qui, bien qu'écrit brillamment, use d'une prose qui ne me touche pas vraiment, trop emphatique, trop ambitieuse, usant de trop de didascalies, de trop de digressions, parenthèses, et d'une ponctuation qui m'a semblée hasardeuse.
Reste le propos, posé là sur ma table, comme un monstre avide, un gouffre abyssal par les questions qu'il me pose, claquant comme une gifle bien envoyée, rougeoyant comme une braise gourmande de brasier.
Au départ, un fait réel. Une nuit d'hiver sur la Manche, un canot de migrants a noyé ses 27 passagers après 14 appels au CROSS, centre militaire de secours en mer français. L'opératrice n'a rien fait, si ce n'est s'agacer au fil des appels en leur rappelant que les secours arrivaient. Secours qu'elle n'avait pas prévenus.
Trois parties distinctes découpent le roman. La première est un huis-clos entre une capitaine de gendarmerie et l'officier marinière soupçonnée de non-assistance à personnes en danger. Ce dialogue est ubuesque et glaçant, déroutant et mériterait plusieurs lectures. A l'incrédulité de la gendarme, la jeune militaire ne renvoie qu'un néant d'empathie. Non, elle n'a pas d'états d'âme ni d'avis sur ce que recouvre le Drame des migrants, cette Tragédie de l'exil qui nourrit inlassablement les grilles de nos médias. Elle n'est pas payée pour ça.
La première intention est de s'offusquer, de saborder cette nana insensible qui traite son job comme on vendrait des petits pois.
C'est vrai, c'est la première sensation qui m'est venue. En voix off, Vincent Delecroix nous fait écouter tout ce que pense cette jeune femme. Que si "Dieu s'amuse à créer des migrants a la chaîne poursuite les noyer comme des chatons", elle n'est pas responsable. Que des rafiots comme celui là, c'est quarante par nuit qui prennent la mer avec à leur bord toute la misère du monde et l'espoir d'un ailleurs plus miséricordieux, et que tout ça, c'est beaucoup trop lourd pour flotter.
Insensiblement, on commence à se sentir mal, à reconnaître que ce Drame, cette Tragédie, nous aussi, nous la visionnons avec une certaine insouciance depuis nos canapés ou entre potage et fromage. On commence à réaliser que ces morts par milliers tout le temps et partout sont peut-être bien le tribut à payer pour que tourne la grande roue du monde sans trop de grippages.
Oui, de moins en moins insensiblement, on réalise qu'on fait partie de la grande farce, de cette humanité déguisée, toute occupée à faire en sorte que le décor ne change pas trop.
Le second acte du roman relate le naufrage. La peur, le froid, les cris, l'eau glacée qui s'immisce, les suppliques, l'abandon, et puis les abysses...
En dernière partie, un monologue de l'officier marinière, comme une excuse de trop. La vie difficile, le père de sa fille partie, cette mer qu'elle hait de toute son âme et qui lui renvoie sans fin les gémissements de ces hordes de noyés sans bonne conscience ni saine compassion.
Alors, on se sent minable d'entretenir peu ou prou le système. Et tiens, pour un peu, on adopterait bien un chaton...
Une lecture âpre et violente qui convie le lecteur à la barre d'un tribunal peu ordinaire où l'accusé n'est autre que ce que nous appelons avec familiarité notre Humanité.
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" On aurait voulu que je dise : Tu ne mourras pas, je te sauverai. Mais moi j'ai dit : T'entends pas. Tu ne seras pas sauvé. Je ne t'ai pas demandé de partir."

En novembre 2021, le naufrage d'un bateau de migrants dans la Manche a causé la mort de vingt-sept des vingt-neuf personnes embarquées. Malgré leurs nombreux appels à l'aide, le CROSS, centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage, n'a pas envoyé de secours. Fait aggravant, une opératrice, officier de marine, a tenu des propos très déplacés vis à vis des migrants cette nuit-là, propos qui ont été enregistrés.

Dans cette fiction inspirée d'un fait réel, Vincent Delecroix se met dans la tête d'une opératrice chargée de surveiller le trafic maritime et de coordonner les secours si nécessaire. Son métier c'est d'aider chalutiers, cargos, plaisanciers et migrants en danger. La nuit du drame elle a reçu quatorze appels désespérés d'un des naufragés.
Vincent Delecroix imagine que cette femme est convoquée dans le bureau de la gendarmerie maritime qui veut entendre sa version des faits, entendre de sa bouche la façon dont elle a vécu cette dramatique nuit. La question est d'établir s'il y a eu défaillance, erreur de jugement avant une éventuelle inculpation pour non-assistance à personne en danger.
Le roman est un long monologue de cette opératrice face à une capitaine de gendarmerie qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau, qui lui ressemble tellement que peut-être est-ce à elle-même, à sa conscience, qu'elle s'adresse dans ce huis-clos glaçant. Ce qui frappe c'est le détachement de cette opératrice, son absence d'empathie, certains de ses propos d'un grand cynisme mettent vraiment mal à l'aise. Elle revendique le fait qu'elle n'est pas engagée dans une ONG et ne défend aucune cause, qu'elle n'a à avoir ni convictions, ni états d'âme dans un métier qui demande juste qu'elle soit efficace " mon métier, ce n'est pas de m'intéresser à la vie de ces gens ni de m'émouvoir de leur souffrance, prétendue ou réelle, c'est de les sortir de la baille si nécessaire."
Hormis un court passage très fort dans lequel l'auteur raconte le naufrage de façon remarquablement distanciée sans jamais tomber dans le pathos, le roman est constitué entièrement de ce monologue.
Est-on face à une défaillance humaine ou à un mal plus profond qui ferait de l'opératrice un monstre ? Quelle est sa responsabilité dans le drame ? Ce roman dur et très dérangeant pose de multiples questions dont celles de la responsabilité collective et individuelle, de l'inaction, de l'indifférence en décrivant, sans jamais porter de jugement moral, l'inhumanité banale d'une femme qui n'est pourtant pas un monstre. L'indifférence de cette femme nous renvoie à notre propre indifférence collective face au drame des migrants. Un roman puissant et nécessaire, porté par une plume très littéraire.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Roman philosophique issu d'un drame réel, qui pose la question de la culpabilité personnelle et collective. Écrit à la première personne, à la façon de la Chute de Camus. Très bon candidat au Goncourt.
Un livre pour méditer, nos paroles faciles dans notre canapé à commenter l'actualité. Je le recommande vivement
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J'ai lu ce livre il y a quelques mois et j'y pense encore. Il m'habite, il me hante. Bien que nous sommes devant une oeuvre de fiction, ces hommes et ces femmes nous semblent rapidement aussi réels que le fait divers qui a inspiré cet ouvrage.

On y reconnait l'inaction de nos politiciens, l'inaction collective, mais aussi la nôtre, et c'est là que ces voix, les visages de ces vingt-sept naufragés que nous avons imaginés en lisant ce livre, réapparaissent, nous rappelant notre culpabilité ; non pas devant ces migrants spécifiques, mais face à tous les autres naufragés de nos sociétés. Car nous en voyons, des naufrages, quotidiennement, celui d'un sans-abri au coin de la rue ou d'un voisin anonyme. Cette opératrice, elle n'a rien fait, elle l'a répété à plusieurs reprises : « Tu ne seras pas sauvé », mais la question reste : est-ce vraiment que de sa faute ?

C'est un texte qui provoque le sentiment de révolte et de colère, envers nous-mêmes et les autres, et qui porte à réfléchir sur la responsabilité collective face aux grandes tragédies modernes.
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Incroyable roman que ce Naufrage de #vincentdelecroix.
Incroyable leçon d'humilité, mise en abyme de l'individualité forcenée dans une société pétrie d'injustices.

L'auteur s'empare d'un fait réel glaçant, le naufrage en mer de la Manche de 27 migrants, une nuit de novembre, quelque part entre les eaux territoriales françaises et les eaux anglaises. Malgré 15 appels au secours au CROSS, unité de la Marine Nationale en charge des secours en mer, ils seront perdus corps et âmes sans qu'aucun secours ne leur soit dépêché.

Le choix est fait de se concentrer sur l'opératrice (fictive), qui a reçu les appels et n'a pas pu, pas voulu, on ne sait pas, envoyer un patrouilleur les secourir. En préambule, l'auteur cite cette phrase de Pascal: "Vous êtes embarqués ". Dans le fragment du discours I, dont cette phrase est issue, Pascal dit aussi: "Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix car vous n'en savez rien".

Pris dans les pensées circulaires, tumultueuses et sans fin de l'opératrice, qui fait face à une capitaine de gendarmerie, puis spectateur impuissant du drame, puis accusés, nous aussi, de l'indifférence générale, voilà le lecteur confronté à une question qui va bien au-delà de cet événement : à partir de quoi, de quand, de quels mots devient on inhumain?

Parce qu'il est bien facile, bien trop aisé de déléguer notre humanité à ceux de nos semblables qui en ont fait leur métier : aux infirmières, aux pompiers, aux sauveteurs en mer, aux flics. Bien confortable d'attendre d'eux qu'ils sauvent, puisque c'est la normalité et que personne n'en parle jamais. Mais s'il advient qu'ils ne sauvent pas, une fois, alors c'est toute notre humanité qui est remise en question. le jugement est immédiat, dans le manquement d'une personne, nous avons tous trop à perdre.

Qui reconnaîtrait l'épuisement de l'infirmier ou du médecin qui n'a pas vu, dans la cohue des urgences, le besoin vital de celui-là ? Qui comprendrait la lassitude face à des drames sans cesse renouvelés, comme si chaque don de soi était un goutte d'eau ?

Et qu'est ce qu'on fait, nous, assis dans nos canapés et si prompts à jeter la pierre ?

A lire par honnêteté, au nom de l'humanité.
Lien : https://www.instagram.com/tu..
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