[...] ... - "Ah ! vous m'avez sauvée, cher ... cher !
- Moi, je vous ai sauvée ? J'en serais bien fâché ! Non, j'ai voulu épargner à ce cheval une chute dans laquelle il aurait pu se briser un membre. Mais vous, Vittoria Farmente ... vous, que m'importe ?"
Elle attachait sur lui des yeux hagards, stupéfaits, qui rencontraient un regard de sourde colère, de lourd mépris.
- " ... Ah ! vous avez eu peur ? Mais vous n'avez pas tremblé quand, lâchement, vous avez semé la calomnie contre l'honneur d'une femme ... de ma femme !
- Quoi ? Que ... que voulez-vous dire ?" bégaya la comtesse.
- "Ne cherchez pas à mentir ... Vous savez qu'avec moi, c'est inutile. Mais je vous chasse de ma demeure, entendez-vous ? Cet après-midi même, vous partirez et prenez garde que je n'entende plus parler de vous !
- Walter ... c'est abominable ! Walter !"
Elle tendait vers lui une main suppliante.
- "... Me traiter ainsi, moi qui vous aime ... vous qui m'avez aimée ..."
Un rire sarcastique s'échappa des lèvres de Walter.
- "Ah ! oui, je vous ai aimée ! ... Tout juste ce que vous méritiez, comtesse Farmente. Et quand au mépris dont vous êtes digne, la dose s'en augmente quelque peu aujourd'hui, voilà tout !"
Vittoria, les mains crispées sur les rênes, le regardait avec une sorte d'épouvante. Sa voix tremblante tenta de protester encore :
- "C'est atroce ! C'est ...
- Assez !" interrompit durement Walter. "Vous avez essayé de ternir la réputation d'une femme innocente, par basse jalousie, d'une femme dont vous n'êtes pas digne de baiser la trace des pas. Je vous en punis comme vous le méritez ... Et estimez-vous heureuse d'en être quitte de cette manière car un homme, à votre place, aurait déjà fait connaissance avec ceci."
D'un geste violent, il leva sa cravache. ... [...]
[...] ... - "Faustina n'est pas ma sœur ?
- Non, mais votre cousine, et ma sœur à moi.
- Que signifie cela ?" murmura Orietta, visiblement abasourdie.
Puis, voyant que Walter lui avançait un fauteuil, elle objecta :
- "Il faut que j'aille reporter le chien chez lady Rose ... Puis, je pourrais dire à Faustina de venir, puisqu'elle aussi est intéressée à ...
- C'est inutile, j'aurai tout à l'heure un entretien avec elle. Quant à ce chien, gardez-le. J'ai, il est vrai, peu de sympathie pour cette sorte de bestiole ; mais résisterai très facilement au désir d'étrangler celle-ci, tout ogre que je sois à vos yeux."
Ces mots furent dits avec une gaieté légèrement moqueuse. Orietta s'assit en tenant le chien sur ses genoux, et lord Shesbury prit place dans le fauteuil voisin. Alors, en atténuant les torts de son père, en laissant de côté l'abandon de donna Beatrice, il fit le récit du mariage de lord Cecil Falsdone et de la singulière situation faite aux deux cousines par la faute de la nourrice.
Orietta l'écoutait sans interrompre. Sa vive surprise, son émotion profonde, se manifestaient seulement par le regard attaché sur lord Walter. Quand il eut achevé, elle murmura :
- "Quelle étrange chose ! ... quelle étrange chose !"
Puis elle demanda, avec de l'anxiété dans la voix :
- "Mon père ne vous a pas dit qu'il serait heureux de me voir, my lord ?
- Non, Orietta. Votre père est un misanthrope ... un homme qui a beaucoup souffert et s'est complu dans cette souffrance. Maintenant, il ne pense qu'à la mort assez proche et ne désire plus rien en ce monde.
- Cependant, il devrait trouver une consolation à voir sa fille près de lui dans ses derniers jours ... Et, moi, je n'ai que lui ..."
Elle luttait contre les larmes. Elle ne voulait pas laisser paraître toute sa pénible émotion devant lord Shesbury.
- "Que lui ? Que dites-vous là ? Faustina et moi ne comptons-nous pas, Orietta ? ..." [...]