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366 pages
Paul Ollendorf, Éditeur (14/04/1881)
4/5   1 notes
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Le Père de Martial » fut le principal succès commercial de son auteur, Albert Delpit, qui défraya la chronique durant la première moitié des années 1880, période qui marque le début de ce que l'on appelle la « Belle-Époque » et qui incarna le renouveau d'un certain art de vivre à la française sous l'ombre protectrice et apaisante d'une IIIème République bâtie pour durer.
Albert Delpit, frère du journaliste et écrivain Édouard Delpit, dont il ne semble pourtant pas avoir été très proche, est issu d'un milieu à la fois colonial et monarchiste. Tous deux sont les fils d'un entrepreneur en tabac ayant fait fortune aux États-Unis, à la Nouvelle-Orléans, durant les dernières années du Second Empire. Bien que les deux jeunes gens soient nés et aient grandi en Amérique, c'est conjointement qu'ils décident de rentrer faire leur vie en France, afin d'y travailler dans la carrière des lettres. Malgré cette belle unité de vocation littéraire, qui ne fut sans doute pas appréciée par leur père, les deux jeunes garçons n'ont jamais collaboré en écriture. Ils ont tous deux débuté en poésie, sans grand succès. Édouard Delpit semble avoir été le premier à envisager une carrière plus alimentaire, qu'il mènera entre la Dordogne et l'Hérault, à la fois comme sous-préfet et comme journaliste, puis rédacteur-en-chef, de plusieurs journaux régionaux. Un excellent mariage avec une jeune fille de l'aristocratie l'aidera davantage encore à s'établir dans la future Occitanie, et à mener sa carrière littéraire de manière plus occasionnelle.
Au contraire, Albert Delpit a passé une grande partie de sa vie à Paris, y menant probablement une vie un peu bohème et désargentée. On ne lui connaît aucune liaison, il ne s'est jamais marié et n'a pas eu d'enfants. Son homosexualité est hautement probable, et explique sans doute la distance voulue par son frère, mais il sut sans doute se montrer discret, car très vite, après quelques volumes de vers, il se dirigea vers une forme romanesque tournée vers les valeurs traditionnelles de la monarchie.
Albert Delpit atteint la maturité après une décennie de publications plutôt historiques et nostalgiques (il fréquenta Alexandre Dumas Père durant ses dernières années), avec « Le Père de Martial » (1881), dont il tira aussi une pièce de théâtre qui connût également un grand succès sur les planches parisiennes. Cette célébrité lui tourna quelque peu la tête, et il se fit remarquer en 1883 en provoquant en duel son confrère Alphonse Daudet, qu'il accusait publiquement de médiocrité littéraire, et de plagier maladroitement Châteaubriand et Charles Dickens. En toute objectivité, ces accusations n'étaient pas justifiées, et tenaient vraisemblablement de la jalousie pure. le duel était un duel au premier sang, qu'Albert Delpit, peu adroit physiquement, perdit en quelques minutes.
Ce ridicule duel fut durablement nuisible à sa réputation, d'autant plus qu'il avait défié un écrivain qui, comme lui, s'adressait le plus souvent à un lectorat conservateur, bonapartiste ou monarchiste. Néanmoins, il ne cessa jamais d'écrire et de publier durant les dix dernières années de sa vie, avant d'être découvert mort chez lui en 1893, à seulement 43 ans. Les causes de sa mort n'ont jamais été révélées, ce qui suggère probablement une maladie vénérienne, un suicide ou quelque chose d'un minimum indigne.
La figure émergeante de ce paladin de la monarchie en plein âge d'or républicain fut pourtant un coup d'éclat exceptionnel, alors que la France visait à faire table rase du passé. C'est qu'Albert Delpit avait un réel talent littéraire, où perlait une ironie perfide qui n'est pas sans évoquer celle dont fera preuve Marcel Proust trente ans plus tard, et surtout une préoccupation psychologique et même philosophique encore relativement rare dans les années 1880, même si ça ne suffit pas à donner à son oeuvre une très grande profondeur. Albert Delpit étant avant tout un auteur de mélodrames nostalgiques en quête d'émotions.
L'action du « Père de Martial » se déroule presque entièrement dans la petite ville de Cambo-Les-Bains, dans le pays basque, à l'extrême pointe sud-ouest de l'hexagone, une petite ville où Albert Delpit semble effectivement avoir résidé un temps et qu'il décrit avec minutie dans son roman.
Nous suivons l'arrivée d'un jeune soldat parisien volontaire, Jean de Born, par le train de Paris, et qui descend à Combo, accompagné d'une lettre de recommandation, pour y rencontrer une célébrité locale, l'écrivain et homme de lettres Pierre Cambry, afin que ce dernier le fasse passer en Espagne, afin qu'il puisse rejoindre l'armée carliste.
Quelques mots sur le carlisme, bien qu'ici il ne joue qu'un rôle très accessoire : le carlisme est un mouvement politique né en Espagne en 1833, alors que la mort du roi Ferdinand VII, affilié aux Bourbons, venait de mettre sur le trône sa fille Isabelle, après que le défunt roi ait abrogé de son vivant la traditionnelle « loi salique », interdisant aux femmes de régner.
Or, Ferdinand VII avait un frère cadet qui entendait bien récupérer le trône de gré ou de force, et s'autoproclama véritable roi d'Espagne sous le nom de Charles V. Il s'ensuivit une guerre civile, dite « Guerre de Succession » entre le prétendant Charles V et sa nièce, la reine dite usurpatrice Isabelle II, qui n'en gagna cependant pas moins la guerre et régna jusqu'en 1868.
Les partisans du prétendant Charles V (« Carlos V » en espagnol) se nommèrent eux-mêmes les « carlistes », et malgré leur défaite en 1839 en tant qu'armée, ils se réorganisèrent en tant que force politique absolutiste et légitimiste, et perdurèrent jusqu'en 1969, où le prétendant légitimiste Juan Carlos obtint du dictateur militaire Franco un statut honorifique de « prince d'Espagne » qui le désignait comme successeur au dictateur après sa mort. Juan Carlos devint alors l'unique espoir de tous les monarchistes espagnols, les carlistes comme les autres, jusqu'en 1975 où, après la mort de Franco, Juan Carlos entama une transition démocratique calquée sur le modèle britannique, c'est-à-dire vers une monarchie parlementaire, régnante mais pas gouvernante, ce qui était le meilleur moyen de mettre fin à plus d'un siècle et demi de guerre fratricide entre cousins Bourbons. En France, il s'en fallut de peu que nous n'entrions dans le conflit, puisque jusque en 1830, nous étions revenus à une monarchie dirigée par les Bourbons de France. Mais la révolution de 1830 plaça sur le trône Louis-Philippe, issu de la branche d'Orléans, qui échangea sa désignation en échange d'un modèle parlementaire un peu plus rigide qu'en Angleterre, mais qui en terminait une bonne fois pour toutes avec la monarchie de droit divin, et avec les Bourbons, dont la branche française s'est d'ailleurs éteinte quelques décennies plus tard.
Un Orléaniste sur le trône n'allait certes pas se préoccuper d'un conflit espagnol qui opposait deux cousinages Bourbons, lesquels par ailleurs ne le regardaient pas autrement que comme un usurpateur. Aussi, la France se tint à bonne distance de ce conflit. Mais pour les légitimistes français, ceux qui étaient nostalgiques de la Restauration et de l'Ancien Régime, le souhait et le soutien d'une victoire des carlistes en Espagne pouvait déboucher sur l'éventualité d'un retour au pouvoir d'une monarchie absolutiste et traditionnaliste dont on ne pouvait que rêver qu'elle fasse des émules en France. Évidemment, rien de tout ça n'est arrivé, mais il n'en est pas moins vrai qu'un certain nombre de rejetons enflammés des grandes familles légitimistes s'en allèrent rejoindre illégalement les troupes carlistes, en dépit des ordres de Louis-Philippe qui ordonna que l'on arrête tous ces velléitaires aux postes-frontières.
Voilà pourquoi le jeune Jean de Gorn, décidé à combattre aux côtés des carlistes au nom de l'absolutisme royal, s'est adressé à un écrivain légitimiste installé dans une petite ville basque située à moins d'une dizaine de kilomètres de la frontière espagnole, afin de pouvoir y migrer en cachette via un réseau de passeurs.
Néanmoins, Jean de Gorn, fasciné par Pierre Cambry, va s'attarder à Cambo bien plus longtemps que prévu. Pierre Cambry, en effet, n'est pas seulement un écrivain légitimiste, c'est une sorte de philosophe pyrénéen prônant un art de vivre élitiste fondamentalement basé sur un mode de vie vertueux, mais hédoniste et humaniste, hérité du bon sens rural des Pyrénées. Homme de lettres reconnu et vivant dans une grande aisance matérielle, prosélyte charismatique, grand amoureux de ses montagnes et de son pays basque, Pierre Cambry a fait de sa vie une réussite exemplaire, qu'ont couronné un mariage d'amour, toujours aussi passionné au bout de vingt ans, avec l'adorable et dévouée Thérèse Cambry, et la naissance d'un fils lui aussi beau et charismatique, Martial, qui d'ailleurs va bientôt épouser une jeune beauté locale, Espérance Jordan, avec laquelle il forme déjà un beau couple un peu trublion, qui n'hésite pas à enfermer dans un kiosque la détestable Bethsabée O'Doughby, voisine britannique un peu fofolle, qui s'est autoproclamée la duègne d'Espérance, afin d'aller flirter un peu plus avant en toute intimité.
Cette existence heureuse, sans tâche, sans malheur, dans un cadre de vie idyllique est pour Pierre Cambry le reflet de ses convictions monarchistes, l'incarnation d'une élite touchée par la Grâce, aimé de la vie parce qu'il l'aime en retour. Jean de Gorn, pur parisien, ayant finalement peu d'expérience, vivant jusque là de préjugés contre la campagne, découvre alors la vie sublime de Pierre Cambry et toute la microsociété de notables bigarrée mais au final sympathique qui voisine avec le grand homme. Il va aussi intervenir pour défendre le général Mornier, qu'il a croisé dans le train en arrivant à Combo, vieux militaire outré qui peste contre son neveu, lequel lui a extorqué une donation entre-vif avant de le chasser de chez lui. En réalité, le jeune Auguste n'est qu'un niaiseux instrumentalisé par sa mère, la soeur du général, la redoutable Euphémie Dortet, veuve dévote et harpie aux griffes longues, qui rêve de déposséder toute sa famille de ses biens, afin de financer pour son bambin un mariage noble – stratégie qui se terminera en intrigues de notariats contrecarrées et bien inutiles, car entre-temps, le timoré Auguste se sera déniaisé avec une fille de ferme, et ne voudra plus en connaître d'autres.
On notera là aussi qu'il n'y a, dans cette microsociété légitimiste – donc en théorie catholique –, que des fausses dévotes et des hypocrites dont la foi est seulement un masque servant à dissimuler leur rapacité. Cet anticléricalisme ostentatoire est particulièrement insolite dans un roman ouvertement élégiaque sur la monarchie légitimiste.
Mais la véritable intrigue de ce roman, c'est en réalité un vaudeville qui va mettre à mal pour un temps les projets de mariage entre Martial et Espérance. Homme d'affaires inspiré mais souvent imprudent, M. Jordan se retrouve au bord de la faillite. Bien entendu, cela ne compromet nullement le mariage d'Espérance, car les Cambry sont suffisamment riches pour ne rien attendre de l'argent des autres, et pour savoir par expérience qu'un véritable mariage d'amour se passe allègrement de dot.
Seulement voilà, il y a la question de l'honneur, ce cache-misère des classes supérieures qui va ici générer bien des drames. M. Jordan peut se résoudre à la ruine mais pas au déshonneur, et il se propose donc de se brûler la cervelle… à moins qu'Espérance ne sauve sa vie ses affaires en épousant un vieux et riche baron, associé de son père, M. de Hautmont, qui est prêt à renflouer totalement les affaires de Jordan, pourvu qu'on cède à son caprice, épouser la belle Espérance qu'il a aperçue à plusieurs reprises et qu'il veut pour lui en couronnement de sa carrière. Qu'Espérance soit déjà engagée avec un jeune homme l'indiffère : c'est le privilège des vieillards que de prétendre être aimés pour leur argent, et ce sera une victoire personnelle que d'en gifler les sentiments purs d'un beau jeune homme.
Prisonnière du devoir envers son père, dont elle ne peut se résoudre à porter, au nom de son bonheur, la responsabilité du suicide, Espérance rompt avec Martial et accepte la mort dans l'âme d'épouser M. de Hautmont. Mais Martial, furieux, refuse de se séparer d'Espérance, et envoie ses témoins à M. de Hautmont pour un duel à mort.
C'est alors que Thérèse Cambry sent sa fraison défaillir, car en réalité, elle porte en elle depuis vingt ans un lourd secret : Martial est le fruit d'une infidélité, il n'est pas le fils de Pierre, mais celui, imprévu, d'un baronnet de passage, amateur de jeunes filles, et auquel elle n'a pas su résister, lors d'une journée où Pierre était absent. Or, ce baronnet d'il y a vingt ans n'est autre que M. de Hautmont qui, sans le savoir, vient de voler la femme de son fils, et se prépare à le tuer lors d'un duel qu'il est certain de remporter, en bretteur habile, face à un jeune homme auquel la haine et la rage feront commettre bien des maladresses. Thérèse s'arrange pour rencontrer secrètement le baron et lui apprendre la vérité sur Martial, mais le baron ne croit pas Thérèse, il suppose qu'elle invente ce conte pour l'amener à épargner son fils.
Tout semble perdu pour Martial. Un seul homme pourrait convaincre le baron : Pierre Cambry lui-même, mais il faudrait lui révéler le terrible secret de la naissance de Martial, et tout ce que cela implique dans l'effondrement de ce bonheur parfait dont l'écrivain a fait sa pierre de voûte idéologique, un bonheur parfait construit en réalité sur un mensonge inexcusable, et dont son couple ne survivra qu'en apparence…   
En dépit de ses partis pris et de ses nécessaires archaïsmes moraux, « Le Père de Martial » est un excellent roman qui n'a pas démérité l'accueil chaleureux que lui a fait le public. Malgré cette naïveté hautaine propre à tous les auteurs monarchistes, Albert Delpit signe une intrigue peu originale, mais labyrinthique et habilement sans issue, servie par des personnages réalistes et attachants, et par des dialogues adroits et ironiques d'une grande qualité. Tout au plus reprochera-t-on à l'auteur d'être souvent un peu prévisible dans son intrigue, dans le sens où il lui semble logique que des personnages académiques traversent une épreuve elle aussi très académique.
En dehors de son caractère divertissant et de sa qualité littéraire, il n'est pas foncièrement évident d'affirmer ce qu'Albert Delpit a voulu signifier au travers de son roman : il y a certes une misogynie amère et méprisante qui est ouvertement entretenue (les femmes, de par leur manque de rigueur ou d'honnêteté, sont la source de problèmes dont elles ne mesurent jamais les conséquencesq), et qui est typique d'un auteur homosexuel de cette époque. Mais cette misogynie prend aussi symboliquement position pour la cause carliste et la défense de la loi salique.
Il semble cependant transparaître l'idée générale que les Royaumes de France et d'Espagne se porteraient mieux s'ils se tenaient loin des préoccupations du Royaume des Cieux, et donc de la morale religieuse, qui s'éloigne trop tragiquement du bon sens provincial – voire rural – et traite un peu trop les femmes en égales pour s'assurer de leur dévotion, ce qui les inciterait, selon lui, à faire du mal là où tout va bien.
Enfin, malgré son raffinement littéraire et son idéologie élitiste, Albert Delpit ne cache pas son attachement aux valeurs traditionnellement nobiliaires du courage, du sacrifice, de la guerre identitaire, et des problèmes d'honneur que l'on règle par le meurtre ou le suicide, soit autant de vertus essentiellement masculines, mais dont l'universalité intemporelle nous apparaît aujourd'hui plus que discutable, même s'il serait hélas illusoire, en ce triste début de XXIème siècle, de la juger totalement dépassée.
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Madame veuve Euphémie Dortet, un des types les plus curieux de la province. Elle a cinquante ans. Elle est maigre comme une grande chèvre. Son visage blanc, où se mêlent des tons de cire jaune, est bizarrement éclairé par des yeux bruns qui seraient beaux avec plus d'éclat. Ils ne brillent que de cette froide lumière qui luit sans échauffer. Certains êtres naissent avec des instincts dominateurs. Ceux-là tyrannisent leur famille aussi allégrement que Cambyse tyrannisait la Perse.
Euphémie est un Cambyse en chambre. Elle débuta jeune dans l'emploi des despotes. Elle commença par terroriser son père et sa mère. Restée orpheline, elle fut élevée par le colonel, alors capitaine d'infanterie. Elle mit bientôt un grappin solide sur ce frère de beaucoup plus âgé qu'elle. Dès sa huitième année, elle s'accoutuma à lui dicter ses volontés. Car elle eut, même enfant, plus de volontés que de caprices. Ce fut un grand dommage de voir obéir au doigt et à l'œil ce solide militaire, qu'aimaient également ses chefs et ses camarades. Devenue jeune fille, elle lui défendit d'aller en promenade ou en soirée sans elle. Dans le monde on se serait moqué : au régiment, on eut pitié. Il se forma une sorte de petite conspiration pour marier Euphémie.
- Sacrebleu ! s'écria un matin le colonel, il faut qu'en un mois on me trouve un crétin pour épouser cette péronnelle ! Ou je flanque le corps d'officiers aux arrêts !
Le corps d'officiers organisa une battue aux imbéciles. Un M. Dortet, fabricant de drap du côté de Roubaix, tomba dans le piège au moment où on s'y attendait le moins. On le prit au lasso comme un cheval sauvage des prairies. En quinze jours, l'affaire fut bâclée. Le malheureux fabricant de drap n'eut pas le temps de se reconnaltre. On raconte qu'il alla de la soirée de contrat à la mairie et de la mairie à l'église, sans prononcer une parole. En sortant de l'église, il dit : "Ouf !". Il était trop tard. Une fois mariée, Euphémie se fit dévote. Un tyran qui est femme, c'est déjà joli : quand la femme est dévote, c'est complet.
On se demande souvent pourquoi ces créatures-là tiennent tant à se marier : c'est bien simple ! Tout uniment afin d'avoir l'occasion de faire enrager plus de monde. Le mariage, c'est leur carrière ! Elles ont à tourmenter, d'abord leur mari, ensuite leurs enfants. Source d'ineffables joies !
Euphémie n'eut pas de chance. M. Dortet ne dura pas longtemps. Les organisations solides tiennent bon pendant dix ou douze ans. Mais le fabricant de drap souffrait d'une maladie de cœur. En dix-huit mois, son compte fut réglé. Il mourut, ne laissant qu'un fils. Euphémie n'avait plus qu'une victime. Auguste paya pour tout le monde. Il grandit, élevé comme un séminariste, et n'ayant d'autre récréation que de dessiner des sujets de piété.
Sur ces entrefaites, le colonel prit sa retraite et vint demeurer à Bayonne auprès de sa sœur. Son neveu avait alors seize ans. Jusqu'à sa majorité, celui-ci eut un peu de répit. Madame Dortet semblait prendre à tâche de l'abandonner complètement à la direction de son oncle. Si bien que le vieillard s'éprit d'une tendresse maternelle pour ce grand dadais. Quand la poire fut mûre, madame Dortet gratta tout doucement pour la faire tomber. Elle mit en avant l'avenir de son fils, la nécessité pour lui de disposer d'un gros capital afin de conclure un "riche mariage".
Simple comme une ablette, le colonel fut attendri par cette pensée d'une famille nouvelle. Il signa une donation de tous ses biens meubles et immeubles, estimés six cent mille francs, moyennant une rente de vingt mille. Brillante opération ! Le lendemain, Euphémie redevenait insupportable. Le malheureux vieillard connut les agréments d'un enfer anticipé ! Tant et si bien qu'un mois plus tard, il partait pour Paris, triste, lassé, écœuré, exaspéré. Mais il n'osait trahir cette exaspération contre sa sœur que par des invectives répétées contre son neveu. C'était injuste, mais au moins ça ne sortait pas de la famille !
À Bayonne, on ne plaignit guère Auguste, retombé en esclavage comme un nègre marron. La sympathie générale se porta sur le colonel, lors qu'on le vit dépouillé prestement. D'aucuns, cependant, admirèrent Euphémie : la besogne était si joliment faite ! On ne lui tint pas longtemps rigueur. Rien ne dure dans les petites villes, où le rapprochement inévitable des rencontres quotidiennes use toutes les rancunes. Les haines seules y sont tenaces. Et puis, les Euphémie Dortet sont nombreuses en province ! De même que l'herbe y croît vite dans les cours des maisons abandonnees ou sur le trottoir des rues désertes, elles poussent à foison dans l'ennui des journées longues.
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Un peu avant midi, la cloche sonna le déjeuner. Il fallait se håter, car de toutes parts, de Cambo, d'Ustaritz, de Bayonne, les invités ne tarderaient pas à arriver pour les fiançailles. Le dernier coup tintait encore lorsque Espérance entra, escortée du colonel.
- Où donc est miss Bethsabée ? demanda Pierre.
- Elle a la migraine, répliqua mademoiselle Jordan, un peu embarrassée.
- Hum ! Une migraine de kiosque !
Madame Cambry fit les présentations en règle.
Le colonel eut un petit grognement en retrouvant Jean de Born; mais il devait s'humaniser bien vite. Seule, Espérance restait triste. Elle sourit à peine en entendant un paradoxe que développait M. de Born avec un certain aplomb.
- Comment ! lui demandait Thérèse, vous osez soutenir que la nature est une invention bête !
- Certainement, madame. Je suis franc, moi. Je dis tout haut ce que les autres pensent tout bas. La nature, la campagne... C'est insupportable ! On marche dans une allée ? Immédiatement, on avale une foule d'insectes invisibles à l'œil nu. On s'asseoit sur l'herbe ? Bon. On attrape un rhumatisme. On veut contempler un beau crépuscule, spectacle généralement vanté par messieurs les paysagistes ? Aussitôt, une voix amie vous crie prudemment : "Prenez garde au serein !". Si j'aime la chaleur, et que je sorte à midi : "Vous allez avoir la migraine !" Si j'aime la fraicheur et que je sorte à neuf heures du soir : "Fuyez l'humidité !". Comme la campagne est ridicule à côté du bitume qui ne salit pas les pieds, des arbres en zinc où il n'y a pas d'insectes, et de la lumière électrique qui ne donne jamais de coups de soleil !
- Ma foi, dit gaiement M. Cambry, c'est la première fois qu'on ose affirmer si carrément que la campagne est haïssable.
- Aussi haïssable qu'Auguste ! appuya le colonel de sa voix cassante.
- Par grâce, monsieur Cambry, s'écria Jean, ce qu'est-ce que c'est qu'Auguste, neveu bizarre dontre lequel M. Mornier nourrit une haine si farouche ?
- Taisez-vous, Cambry, répliqua le vieillard, C'est moi qui vais répondre. Figurez-vous, mоnsieur, qu'Auguste me dorlotait, me flattait, m'enguirlandait : "Mon bon oncle, combien je suis heureux que vous demeuriez avec moi", "Mon bon oncle, je veux entourer vos vieux jours de tendresse et de respect !"... Ah ! Il s'en souciait bien de mes vieux jours ! Il me racontait qu'il lui fallait un gros capital pour se marier richement. Bref, j'ai été assez bête pour faire à ce garçon, moyennant une rente, la donation entre-vifs de tous mes biens, meubles et immeubles. Et le lendemain...
- Le lendemain, on s'est fâché avec vous ? Mais c'est la vie, cela.
- Mon dernier parent qui me chasse de chez lui !... Et je l'aimais, cet Auguste... Oui, je l'aimais comme un fils ! Quand on n'est plus qu'une vieille culotte de peau, on n'accepte pas aisément l'idée de mourir seul, tout seul, comme un chien. Moquez-vous de moi, si vous voulez. Je suis malheureux. Oh ! Bien malheureux, allez !
Il pleurait presque. Sur ce visage parcheminé par le temps, et tanné par les nuits de bivacs, on lisait une douleur vraie. Et l'émotion des vieillards est plus remuante que celle des homme mûrs, parce qu'elle est plus rare. Jean eut le remords de toutes ses plaisanteries passées. Il tendit la main à M. Mornier :
- Pardonnez-moi, monsieur. Vous avez été dupė ? Vous avez souffert ? Eh ! Mon Dieu, c'est un peu le lot de tout le monde, ici-bas.
Le déjeuner s'achevait. Pierre Cambry vint à Jean.
- Notre ami se trompe, dit-il. Son neveu n'est qu'un imbécile. C'est sa sœur, la mère d'Auguste, qui est coupable de tout. Imaginez-vous que le colonel tremble comme une feuille devant elle. Si jamais vous rencontrez madame veuve Euphémie Dortet, étudiez-la; elle en vaut la peine. C'est un type très curieux. D'ailleurs, quoi de plus intéressant pour un Parisien que les mœurs de province ? Vous assisterez tout à l'heure à notre fète. Regardez de vos deux yeux, écoutez de vos deux oreilles. Vous ne vous plaindrez pas de voir et d'entendre.
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Personne ne se doutait que cette scène n'était que le prélude du drame. Une question de vie et de mort allait se trancher au milieu de ces jolies femmes, de ces hommes en toilettes et de ces corbeilles de fleurs embaumées. N'est-ce pas toujours ainsi d'ailleurs ? La vieille légende montre à gauche le masque qui rit et à droite le masque qui pleure. Elle cherche maintenant à s'accommoder avec les goûts hâtifs de la société d'aujourd'hui. Elle met les deux masques l'un derrière l'autre. Si bien que l'humanité rit et pleure en même temps !
M. de Hautmont prit le bras de Pierre sous le prétexte de lui montrer les aménagements introduits dans la villa. Ils commencèrent par se promener à travers les salons. Ensuite, le duc conduisit son hôte au jardin. M. Cambry attendait. Martial venait d'avoir une réparation publique. Lui, le mari de Thérèse, il voulait la sienne. Jacques entraîna le député derrière les arbres, près de la grille, à deux pas du boulevard. Là, personne ne les entendrait. Et d'une voix très basse :
- Monsieur, dit-il, j'ai bien réfléchi à notre situation commune. Vous avez raison. Un de nous deux est de trop. Malheureusement nous ne pouvons pas nous battre en duel. Je vous ai expliqué pourquoi. Il faut donc qu'un événement se produise, qui supprime, ou vous l'offensé, ou moi l'offenseur.
Il se tut une minute. Un profond silence les enveloppait. Il était onze heures du soir environ. Bayonne dormait. Le boulevard, entièrement désert, s'allongeait derrière eux. Les avenues s'étiraient dans la nuit avec leur double rangée de réverbères semblables à des lucioles tremblotantes. Dans la villa, on commençait à danser. On voyait passer des groupes de jolies femmes bien mises, ravissantes dans leur élégante souplesse. De temps à autre arrivaient des bouffées de musique cadencée, alternant avec des bouffées de parfums.
- Laissons le hasard prononcer entre nous, continua le duc. C'est encore ce qu'il y a de plus digne de nous deux.
Et, après une pause de quelques secondes :
- Jouez-vous le whist ?
M. Cambry fit un geste d'étonnement. Jacques ajouta :
- Oui ? Fort bien. Tout à l'heure, nous entrerons dans la salle de jeu. Je vous proposerai une partie de whist. Et celui de nous deux qui tirera la carte la plus basse... Eh bien, celui-là fera dans la vie, comme au whist... Il fera le mort !
- J'accepte, monsieur, dit simplement Pierre.
- Veuillez remarquer, monsieur, tous les avantages de l'expédient que je vous propose. D'abord, comme point de départ, une partie de cartes : donc rien que de très naturel. Ils sont bien malins, les provinciaux ! Je les défie de soupçonner quelque chose. Ensuite, il n'est pas question du coup de pistolet banal qu'on se tire dans la tête, n'est-il pas vrai ? Allons donc ! Vous et moi n'accepterions pas un pareil dénouement. Voyez-vous, M. Pierre Cambry ou le duc de Hautmont mis en faits-divers ! Sans compter les suppositions et les racontars. Au contraire, nous usons d'un moyen très simple. Si vous perdez, je n'ai pas de conseils à vous donner : un accident, une chute dans les Pyrénées, vous n'avez que l'embarras du choix. Si c'est moi...
Il soupira légèrement.
- Comment ai-je vécu, après tout ? En inutile. Eh bien, je finirai utilement... peut-être ! Les Carlistes sont à quelques heures. Je m'engage dans leur armée avec mon ami Jean de Born. Et d'ici quinze jours, une balle ou un éclat d'obus aura réglé mon compte. Au besoin, j'aiderai les Espagnols !
- C'est convenu, monsieur, dit Pierre Cambry.
Qui sait si bien des drames dans la vie n'ont pas un dénouement pareil ? On se promène en Suisse ou ailleurs. Le pied glisse... Un homme de moins; une tombe de plus ! L'oubli se fait vite. Les vivants ne vont pas demander aux morts leur secret. L'humanité est trop pressée !
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La grille s'ouvrait, large, et, un à un, les paysans entraient. Se rappelant les conseils de son hôte, Jean de Born regardait. La poésie de ces mœurs et de ces costumes pittoresques le gagnait à son insu : les homme coiffés d'un béret bleu, habillés d'une courte veste rouge, dont le ton vif tranchait sur le gilet blanc et la culotte de velours noir. Tous portaient à la main ce gros bâton noueux qu'ils appellent un "makila". Les femmes, en jupe courte, de couleur voyante, laissaient pendre dans le dos leurs cheveux coiffés en longues tresses. Ils se rangeaient au hasard, sous les arbres, le long des allées, venant rendre un hommage fièrement respectueux à celui qu'ils mettaient si haut. Jean remarquait l'allure heureuse de tous ces gens, à qui l'étrangeté du costume donnait quelque chose de si bizarre. Ceux-ci, bruns, maigres, cuivrés par le soleil; celles-là, bien faites, jolies, se tenant droites, et tendant leurs hanches fermement cambrées. On subit toujours l'influence du milieu où l'on pense. Peut-être, à Paris, eût-il trouvé que ces libres montagnards ressemblaient à des paysans d'opéra-comique. Là-bas, devant ces campagnes vertes, ruisselantes de lumière chaude, sous ce ciel bleu, avec ces énormes Pyrénées comme horizon, Jean ne s'étonnait de rien, pas même du groupe des bourgeoises qui étalaient leurs toilettes prétentieuses à côté de ces costumes chatoyants.
Il y avait là M. Marescot, l'entreposeur des tabacs, "avec sa dame". M. Marescot, gros, court, apoplectique, toujours prêt à crever de pléthore; sa dame, au contraire, longue, mince, vaporeuse, avec des airs penchés. Elle toussait de temps en temps pour faire croire qu'elle souffrait de la poitrine. Le lieutenant de gendarmerie, M. Bec, appelait M. Marescot "le saucisson à pattes", et madame Marescot "le saule qui tousse". M. Bec, grand, bel homme, haut en couleur, dont les moustaches victorieuses traînaient, - hélas ! - bien des cœurs pendus à leurs crocs mastiqués ! Notamment celui de madame de Viredieu : Albertine Léonore ("A. L." comme chiffre; on disait complaisamment : "À Elle !" parce qu'elle avait des passions...) de Viredieu, petite, fluette, souriante, grassouillette; toujours en mouvement, toujours de bonne humeur: connaissant tout, s'occupant de tout, racontant tout, jugeant tout; pas plus de fiel qu'une caille, mais pas plus de cervelle qu'un poulet; parlant avec une volubilité étrange du président du tribunal qui souffrait de la goutte; de la bonne du sous-préfet qui avait des bontés pour l'ordonnance du général; du docteur Toutaliot que sa femme trompait; de M. Ramier qui trompait sa femme; de l'évêque en discussion avec son grand-vicaire, et du pharmacien qui volait ses pratiques... Si bien, qu'après l'avoir entendue, on était hébété, stupéfié, éreinté, et qu'on mêlait toutes les histoires ensemble. On ne savait plus, en la quittant, si ce n'était pas le docteur qui souffrait de la goutte, l'évêque qui trompait sa femme, madame Ramier qui avait des bontés pour le général dont l'ordonnance était trahi par la bonne du pharmacien pour le sous-préfet qui volait ses pratiques ! Madame de Viredieu adorait M. Bec, M. Bec se laissait adorer. C'est bien le moins quand on a de si belles moustaches !
À côté, les personnages officiels : le général commandant la subdivision, géné dans son uniforme neuf, près du sous-préfet qui avait très chaud. Sous-préfet issu on ne sait d'ou : mal peigné, mal lavé, et que le gouvernement de ce temps-là forçait de ménager tous les partis. Puis ceux-ci, puis ceux-là, puis les autres, puis tout le monde !
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Pierre Cambry parlait, tout en marchant, avec une simplicité si haute, que le cœur de Jean de Born en était remué. Le député reprit après un silence :
- Vous comprenez maintenant pourquoi je déteste Paris, comme me le reprochent mes collègues de la Chambre. C'est vrai : j'étouffe dans notre vie moderne, étriquée et conventionnelle. Les longues rues affairées m'ennuient. Les larges boulevards me paraissent étroits. Bien souvent, j'ai voulu donner ma démission et m'enfuir avec les miens dans ces prairies éternellement vertes. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que le devoir passe avant tout. Mais aussi, quand je redeviens libre, comme je sors vite de ma prison pour retrouver mes torrents, mes forêts et mes montagnes ! La rivière me chante si gaiement la bienvenue lorsque je parais au bout de l'allée de tilleuls ! Je vous confie cette faiblesse : j'ai la prétention de savoir me faire aimer des animaux et de la nature : entre nous, cela vaut mieux que de se faire aimer des hommes. Regardez combien ce paysage est beau, et dites si l'on n'a pas le droit d'être fier de ces amis-là !
C'était admirable, en effet. Les deux hommes s'arrêtaient à mi-pente d'un petit coteau, d'où, par une échappée gigantesque, on découvrait la vallée tout entière. En bas, la Nive courait sur un lit de cailloux jaunes, entre deux rives très hautes, couvertes de chênes épais, que les masses feuillues coloraient en bleu. Sur le coteau, un garçon de charrue, avec cette allure fière et un peu hautaine des Basques, piquait ses bœufs en chantant un "roumanz", et les ruminants lourds poursuivaient vaguement leur rêve commencé. À l'horizon, une pointe de clocher, pareille à un oiseau, s'envolait vers le ciel. Plus près, un champ de sarrasin rouge étalait ses tons crus à côté des luzernes et des maïs aux panaches blonds. Çà et là, des maisons étincelaient, toutes blanches, ainsi que des agates enchassées. L'odeur fraîche et pénétrante d'une matinée de juin imprégnait l'air du parfum âcre des foins mouillés, pendant que les bruits de la rivière semblaient une orchestration brodée sous la mélodie des oiseaux et le bruissement du vent d'ouest dans les feuilles. Très loin, debout comme des citadelles grises, les Pyrénées noyaient leurs cimes dans les nuées. Et, sur ce large paysage, des rayons de soleil plaqués au hasard sur les eaux, les maisons, les arbres, les champs et les montagnes, si hien qu'on eût dit des vagues d'or ou des cascades de lumière éblouissante.
Et Jean de Born regardait l'homme après avoir regardé le paysage : le portrait dans son cadre. L'un était digne de l'autre. Ce robuste montagnard, aux épaules larges, avait quelque chose de la montagne. Il était calme, et puissant comme elle. Les yeux noirs, profonds et semés d'éclairs, illuminaient la tête énergique et fière, déjà toute grise. Le teint brun, les lèvres rouges, les dents blanches, prêtaient au visage un aspect oriental; et les cheveux abondants, rejetés en arrière, ainsi qu'une crinière de lion, découvraient un noble front plein de pensées.
- Mais j'oublie que vous êtes un Parisien, dit Pierre tout à coup, et comme tel vous ne devez guère aimer la nature.
- Je l'avoue, répliqua Jean en se remettant à marcher. La nature ? Quelle invention bête ! Le plus beau paysage ne vaut pas un décor d'opéra.
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