L'automobile est tellement entrée dans nos vies, que depuis Barthes, elle est devenue un mythe. Et les mythes font naturellement partie de nos vies, voire de notre inconscient, au point que l'on n'y réfléchit plus guère. Pourtant, les deux auteurs démontrent qu'il y a eu pléthore d'études sur le sujet. Des études disparates toutefois, qui ne se concentrent que sur certains aspects, parfois à la limite de l'anecdotique, comme celle qui se concentrait sur les autocollants de pare-chocs.
Le but du livre est d'aborder toutes les facettes, et s'il montre les différents aspects de la voiture en relation avec ses utilisateurs, il a l'intérêt d'aborder également les intérêts des autres parties prenantes: les constructeurs, évidemment, les compagnies pétrolières, les assurances, ainsi que les décideurs politiques, et n'oublions pas les publicitaires (il n'est que de constater le nombre de pubs pour des bagnoles dans les magazines). Il faudrait parler aussi des hôteliers, et plus généralement de tous les services dépendants de la mobilité. Bref, tout un écosystème.
Le paysage sociologique qui s'en dégage montre une certaine complexité. Il y eut une époque où la Mercedes dénonçait le médecin ou l'avocat, ce n'est plus le cas aujourd'hui: certains riches adoptent des modèles modestes pour se fondre dans la masse, et, à l'inverse, des gens aux revenus modestes (des hommes, évidement) investissent tout dans un véhicule rutilant, amoureusement bichonné. Il en est de même pour les couleurs, la tendance est à l'uniformisation, et le gris domine...
Favorisant la mobilité, image même de la liberté, la voiture a profondément modifié la société. Capacité d'aller habiter plus loin des centre-ville bruyants, pollués, où de plus, se loger coûte cher; de trouver un travail plus rémunérateur, même s'il faut passer plus de temps pour aller bosser; et aussi, d'élargir son champ d'action, par exemple, pouvoir rencontrer son futur conjoint dans une zone bien plus grande que son petit village... Bien entendu, tous ces avantages se paient. Pollution, accidents, étalement urbain, désertification des centre-ville, artificialisation des sols,...
En bons sociologues, les auteurs procèdent à une description neutre de ce phénomène de société qu'est la voiture. Ils font appel à de nombreuses sources externes pour en dresser une analyse complète: usages de la voiture, liens entre voiture et mode de vie, violence routière, budget, innovation (voiture électrique), diffusion envers les femmes, ou selon les générations,... Seule la conclusion se risque à un constat et un souhait: la crise énergétique/climatique fait que le futur de la voiture est à débattre. Or, cela implique une réflexion profonde sur nos sociétés, dont le mode de vie est intrinsèquement lié à l'automobile. Malheureusement, à l'heure actuelle, cette discussion semble impossible...
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Ils offrent, dans un petit livre dense et bien construit, un aperçu d’un siècle de sociologie sur l’automobile, essentiellement en France et aux États-Unis.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
... plus les conducteurs sont nombreux, plus il est intéressant d'être conducteur. En effet, l'automobile accroît significativement l'accès de ses usagers à toutes sortes d'équipements. En revanche, pour ceux qui ne le sont pas, le nombre de lieux accessibles en un temps équivalent non seulement est moins grand, mais en outre, il décroît lorsque le nombre des automobilistes augmente.