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sur 401 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ça arrive une fois tous les cinq ans, tous les dix ans, parfois ça n'arrive jamais : l'impression d'être complètement en phase avec un texte, d'en saisir toutes les nuances, toutes les allusions, de se sentir absolument sur la même longueur d'onde, d'avoir fait soi-même l'expérience de ce qui est dit. Alors, un phénomène étrange a lieu, une espèce de stupéfaction teintée d'émerveillement, d'exultation et en même temps, l'émotion est telle que l'on achève la lecture à la fois empli des mots de l'autre et comme vidé de soi-même…
Singulière expérience que j'ai bien du mal à formuler en réalité...
Quoi qu'il en soit, on s'en trouve soudain réduit au silence. D'abord les mots ne viennent pas. C'est bien normal, on vient de les lire. Et l'on n'a plus qu'à se taire maintenant que tout est dit. Et puis, parler de l'oeuvre revient tellement à parler de soi que cela paraît presque impudique.
Que vais-je vous dire alors ? Par quoi commencer ? Où se cacher pour n'être pas trouvée, pas découverte, pas trahie ?
« L'éternel fiancé » commence par une déclaration d'amour : « Je t'aime parce que tu as les yeux ronds » avoue le petit Étienne à la narratrice enfant. Elle refuse ces mots. Qu'il se les garde ! Il est si laid, lui, avec ses cheveux de travers…
Et le temps passe. Les années collège, le lycée. Et Étienne que l'on recroise, qui est devenu très beau et qui a déclaré sa flamme à une autre. Étienne est pris. Pas son frère. Alors pourquoi pas son frère ? Il ressemble certainement un peu à Étienne, le frère… Peut-être pourra-t-on ainsi se rapprocher de celui qu'on a renoncé à ne plus aimer… Et la vie continue, le mariage, les enfants. Et un jour, tiens, bonjour Étienne, qu'est-ce que tu deviens ? Trente ans ont passé, on vacille, il parle, longtemps, on l'écoute raconter des choses terribles, extraordinaires et l'on se dit qu'elle est bien banale cette vie qui est la nôtre à côté de l'autre, la merveilleuse, la passionnante et folle de celui que l'on n'a jamais oublié. Que faire de mieux que de se projeter dans cette autre vie, s'absenter de soi, être double, se perdre encore un peu plus… Il y a des blancs ? Qu'à cela ne tienne… Comme une romancière, on va remplir les vides, les creux, inventer ce que l'on ne sait pas de l'autre, se créer un autre monde, une deuxième existence virtuelle, se projeter ailleurs, vivre par procuration. On y arrive bien, on est très forte dans ce domaine, c'est un peu notre spécialité de créer, d'imaginer.
« Je ne dis rien de la sensation de plus en plus présente d'avoir une double vie. Celle qui m'appartient et dans laquelle je me déplace sans joie, et l'autre dont je ne fais pas partie et qui, néanmoins, me passionne. Une vie à laquelle je ne peux rien retrancher ni ajouter, que je ne puis ni améliorer ni empirer, dont les personnages ne pensent rien de moi, dans laquelle il n'y a aucun enjeu ni aucun risque. Cette autre vie qui m'aspire et ne sera jamais ratée ni accomplie. »
Réflexion mélancolique sur le temps qui passe, sur ce qui a eu lieu ou pas, « L'éternel fiancé » m'apparaît aussi comme une métaphore de la littérature dans le sens où celle-ci, par le pouvoir des mots, de la fiction, permet d'accéder à des vies qui ne sont pas les nôtres, de les investir, de s'y voir vivre. Pourquoi se limiter à être soi quand on peut être un autre ?
« Être soi, quelle solution décevante, un résultat piteux, surtout lorsqu'on le compare à la beauté de l'équation que pose toute existence. »
La littérature pour aider à supporter…
La littérature, peut-être, pour trouver le courage…
« Le courage, me dis-je, le courage qu'il faut à chacun pour accomplir cette expérience brève et dénuée de signification, sans la possibilité de reprendre pour corriger, de faire mieux ou autrement. le courage qu'il faut pour supporter qu'il ne reste rien. »
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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"Dans la vie, tu dois te taper chaque seconde. Il n'y a pas d'ellipse qui t'amène deux heures, une semaine ou cinq ans plus tard."

Et à la lecture de ce roman, je la remercie, la vie de me donner à savourer chaque seconde de ce texte dont je ne voudrais pour rien au monde sauter la moindre saveur. Je lis Agnès Desarthe depuis très longtemps et je ne m'attendais pas à ça. Je l'aime pour son univers, sa fantaisie, son élégance à s'emparer de sujets importants, parfois graves en parvenant à les traiter avec une légèreté intense ou une intensité légère mais toujours d'une plume précise. Je l'aime pour son intérêt aux autres, son envie de raconter de vraies histoires, son intelligence raffinée. C'est peut-être grâce à toutes ces qualités qu'elle parvient à me transmettre avec ce roman, que l'on sent pourtant très proche d'elle, des sensations et des émotions qui touchent à l'universel et me touchent moi au plus profond.

Ce texte magnifique est empreint d'une mélancolie à la profondeur inédite qui laisse peu de place au sourire d'habitude tellement bienvenu chez les lecteurs d'Agnès Desarthe. Il nous parle du temps ou plutôt non, il incarne le temps. Ce texte a la même dimension magique que les fameuses robes demandées à sa marraine par la future Peau d'âne, couleur de lune, couleur de soleil et couleur de temps. On n'imagine pas représenter la couleur du temps, et pourtant, c'est ce que parvient à faire Agnès Desarthe à travers le fil invisible qui relie la narratrice à son éternel fiancé depuis cette scène inaugurale où le petit Etienne, à 4 ans, lui déclare son amour dans la salle des mariages de la mairie. Leurs vies parallèles se croiseront à quelques reprises, autant de repères pour mesurer ce qui passe, s'échappe, tous ces carrefours porteurs de choix, ces instants qui filent et disparaissent, impossibles à rattraper même en se retournant. Les scènes s'égrènent, au rythme des notes d'une bande-son musicale dont la présence s'incarne autant que celle des personnages, et l'émotion gagne face à cette lutte acharnée contre l'oubli.

La beauté de ce livre... L'écho qu'il a trouvé en moi, peut-être parce que l'auteure et moi sommes nées la même année, et que ce texte traduit un état d'esprit, des sensations qui me sont familières à ce stade de mon parcours sur Terre. Aussi parce que nombre des références culturelles parsemées au fil des pages me sont si familières. Il n'y a cependant rien de cartésien dans la forme qui pourra en déstabiliser certains, mais les autres, ceux qui percevront toute la finesse et l'intelligence de ce chaos organisé vivront une expérience qui dépasse celle de la simple relation avec un texte. Une sorte d'osmose spatio-temporelle, née de l'inventivité d'une romancière passionnée par les mots et l'imaginaire qu'ils véhiculent. du grand art, tout simplement.

"Le courage, me dis-je, le courage qu'il faut à chacun pour accomplir cette expérience brève et dénuée de signification, sans la possibilité de reprendre pour corriger, de faire mieux ou autrement. le courage pour supporter qu'il ne reste rien. On ne va nulle part et on y va très vite."
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Tout commence quand ce petit garçon d'une autre école qu'elle lui dit, lors d'un concert de Noël qu'il souhaite l'épouser et qu'il l'aime car elle a les yeux ronds...Et, elle,de lui répondre qu'elle ne l'aime pas car il a les cheveux de travers...
Depuis ses 4 ans, Étienne semble donc être le fil rouge de sa vie somme toute assez normale vivant par procuration les expériences tumultueuses de son éternel fiancé, se demandant incessamment si son existence aurait été différente si elle lui avait dit oui...
Une très belle histoire, des personnages attachants, une grande réflexion sur l'effet papillon, les choix que l'on doit faire à tout instant et leur impact...


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« C'est si bon d'être semblable, d'être conforme. Pourquoi devrait-on jouer au malin avec la vie ? ». Cette question que se pose la narratrice au mitan du roman, toute son existence y répond, avec beaucoup de fantaisie souvent, plus gravement parfois quand elle remet en cause le déroulement linéaire du temps, célébrant justement les écarts, l'anticonformisme, les chemins de traverse, les pieds-de-nez adressés à l'attendu, l'incongruité quelquefois des éternels retours. Au début du récit, alors qu'ils assistent à la Mairie à un concert de Noël avec leurs classes de maternelle, la narratrice, une petite fille de quatre ans, répond à la singulière déclaration d'amour – « Je t'aime, parce que tu as les yeux ronds » - d'un garçon inconnu par une fin de non-recevoir plutôt brutale – « Je ne t'aime pas. Parce que tu as les cheveux de travers ». Mais la scène a eu lieu sous le lustre imposant de la salle des mariages, et notre héroïne prend conscience d'emblée qu'elle est à tout jamais liée à cet autre enfant, qu'ils sont désormais comme « officiellement fiancés », et que, si, comme dans une répétition musicale, on pouvait tout reprendre à la première mesure, alors, en répliquant différemment à l'aveu du garçon, c'est une autre histoire qui s'écrirait… Ce garçon, Etienne, elle le retrouve à l'entrée au lycée, membre comme elle de l'orchestre scolaire, adolescent timide transformé par l'amour flamboyant de l'incandescente Antonia, désormais obnubilé par sa recherche de la « transe ». Elle le croisera, encore, des années plus tard, errant désespéré dans une rue de Paris, portant dans ses bras Rita, le bébé de sa compagne décédée. Et, enfin, six ans encore après, en gigolo discret, gagnant sa vie auprès de quelques vieilles femmes en mal de relations sexuelles… Autant peut-être d'occasions manquées, même si elle-même aura vécu toutes les vicissitudes de l'amour, décevant la passion de Vincent, son ami d'adolescence, pour vivre un temps avec Martin, le frère d'Etienne, puis rencontrer Yves, avec qui, elle se mariera, avant de le quitter, puis de le retrouver…Rythmé par les rencontres entre elle et Etienne, « l'éternel fiancé » jamais étreint, mais aussi par les différentes expériences musicales qu'elle aura connues, du quatuor familial qu'elle composait avec des deux soeurs et son père, dans l'enfance, à ses recherches sur un prestigieux chef d'orchestre contemporain, en passant par les mois d'apprentissage, entre cours et orchestre, au lycée, le récit déroute autant qu'il enchante par sa structure discontinue, ses sauts narratifs d'une scène pleine d'émotions à une autre, selon une logique que semble résumer au mieux cette leçon d'esthétique – voire d'éthique ? – d'Antonia la magicienne à son amant Etienne : « L'espace est partout, m'expliquait-elle. Entre l'inspiration et l'expiration, il y a de l'espace, entre deux clignements de paupières, il y a de l'espace, entre deux mots, entre deux lettres, entre deux sons. Rien n'est collé. Rien n'est continu. Et quand tu coupes, recoupe et coupe encore ! Entre deux de mes cheveux, il y a autant d'air que dans le ciel au-dessus de ta tête »… Agnès Desarthe n'excelle jamais tant que dans cette évocation des moments forts de l'existence, chargeant d'érotisme une scène de rencontre amoureuse, racontant avec un humour féroce la visite d'une exposition d'art contemporain, teintant de légèreté et d'allégresse la journée de la petite Rita avec son arrière-grand-mère, mélangeant les couleurs de la joie et de la mélancolie pour décrire le temps d'un mariage ou d'un enterrement, distillant tout au long du texte les charmes de son écriture. Pour nous inviter, là, nous aussi « au centre » de son roman, à accompagner sa narratrice dans sa conscience de la fluidité du temps, de la fugacité des choses : « Je suis au centre. À gauche, mon passé, à droite mon avenir, et moi, au milieu, au présent, à l'invivable présent. Ce temps que la musique ignore »… Oui, on ne s'en lasse pas de sa flûte de conteuse, on la suivra encore bien loin, Agnès Desarthe l'ensorceleuse !
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Juste un "je t'aime".
Trois mots que l'on ne dit pas ou alors pas au bon moment. Trois mots qui auraient pu changer une vie. Si à quatre ans, la narratrice de ce roman avait répondu "je t'aime" à Etienne sous les lustres de la salle des mariages, peut-être que tout aurait été différent. Mais elle a répondu "je ne t'aime pas" concluant pourtant dans sa tête des fiançailles éternelles.
Étienne réapparaît quelques fois. Il ne se souvient pas d'elle, ou vaguement, lui raconte cependant des bribes de sa vie. Antonia, Rita, Marie-Louise, ses clientes aussi. Des femmes qui ne sont pas elle, elle qui l'aime. Qui voudrait entrer dans sa vie comme il est entré dans la sienne.

Il y a d'autres "je t'aime" non-exprimés dans ce roman. Mais ils pulsent à travers la musique qui lie la narratrice à ses parents et à ses soeurs. Pas besoin de se dire "je t'aime" quand on joue en quatuor, que l'on respire ensemble, que l'on devient un tout pour porter la mélodie. Ils sont dans les regards qu'elle pose sur sa petite soeur, le jour de son mariage, sur sa mère, si belle, sur sa grande soeur, qui se lie si facilement aux autres. Sur son père qui ne la voit plus.

Des morceaux de vie, racontées avec une grande élégance et un fil rouge qui nous retient, nous fait espérer, un peu. C'est la manière dont je résumerai ce roman qui m'a profondément touché. J'ai retrouvé la mélancolie douce que j'aime tant, celle dans laquelle on se perd, souvenirs d'enfance, amours inventées, perdues, mémoire qui flanche, gestes quotidiens qui révèlent tout un monde. Il y a quelque chose de Vincent Delerm. Il y a quelque chose d'Anne Sylvestre.

Certaines scènes, certaines réflexions touchent particulièrement juste. le sentiment, enfant que sa famille est un tout que rien ne viendra jamais troubler. le moment furtif et prégnant où l'on comprend que nos parents vieillissent même si une partie de soi s'y refuse. Les sacs mille fois repliés, cachés dans l'armoire, au cas où. Au cas où. Une pause sur un escalier pour se dire quelques mots trop longtemps enfouis. Ce qu'on peut cacher à tous sauf à ses soeurs. Faire avec soi, sans ellipses possibles, sans retours possibles.
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Quelle révélation !
C'est le premier livre d'Agnès Desarthe que je lis et ce n'est sûrement pas le dernier. Quel plaisir de suivre les trajectoires de nos deux héros qui se sont connus à l'école à l'âge de quatre ans !
Il lui dit qu'il l'aime parce qu'elle a les yeux ronds et elle lui répond qu'elle ne l'aime pas parce qu'il a les cheveux de travers. Mais un sortilège est jeté et leurs destins sont liés car ils se trouvent sous un lustre de cristal dans la salle des mariages pendant un concert de Noël.
Ils vont se croiser subrepticement à différents moments de leur vie, se raconter plus ou moins, et se manquer à chaque fois. Ils sont liés mais leurs histoires sont parallèles. Etienne, dont la vie est mouvementée et tragique, ne se souvient pas de son nom à elle.
La narratrice dont la vie est plus lisse, plus normée s'invente, au travers de ses rencontres avec Etienne, une vie différente, fantasmée.
A son contact, elle se dissout et se révèle en même temps.
Ce sont beaucoup de souvenirs d'enfance qui nous sont offerts par Agnès Desarthe avec une réflexion intense sur la mémoire et le temps qui passe, les aléas de la vie et les bifurcations inopinées.
Il y a sûrement des éléments autobiographiques dans les saisissants portraits des membres de la famille de la narratrice qu'Agnès Desarthe nous propose, et notamment une magnifique description de la mère qui quitte son mari après avoir passé sa vie à plier et ranger des sacs en plastique.
Omniprésente dans le roman, la musique évoquée comme une métaphore de sensations dans le temps et l'espace, rythme les accords et désaccords des personnages.
L'éternel fiancé est un très beau livre, plein de poésie et de petites touches humoristiques, qui aborde de grandes questions existentielles.
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Tout commence dans ce roman dans une salle des mariages, affublée d'un énorme lustre. C'est là qu'à quatre ans, lors d'un concert de Noël, Etienne se retourne et déclare son amour à notre narratrice, quatre ans également : « parce que tu as les yeux ronds ». La petite fille lui réplique : « Je ne t'aime pas. Parce que tu as les cheveux de travers ». Cette première déclaration signe le sceau pour elle d'éternelles fiançailles avec ce garçon qu'elle aura l'occasion de croiser à plusieurs reprises dans sa vie. Lui l'aura aussi vite oubliée. C'est en effet, entre autres, de mémoire dont nous parle Agnès Desarthe dans son roman, de ce que l'on choisit d'oublier et de ce dont on se souvient. Mais il est aussi question du temps qui passe, et de cette fameuse roue qui ne tourne pas de la même manière pour tout le monde. J'ai été très impressionnée par la différence d'intérêt de chacun des protagonistes les uns envers les autres. Est-ce donc ainsi dans la vie ? Oui, certainement. Tandis qu'Etienne est une préoccupation récurrente pour la jeune femme, qu'elle sort même avec son frère dans l'espoir de le croiser. Etienne ne pense plus depuis longtemps à cette petite fille, dont les yeux étaient si ronds. Il tombe amoureux d'une autre, une qui va l'emporter dans un tourbillon, et décéder brutalement en donnant naissance à leur fille. C'est avec son élégance habituelle que Agnès Desarthe nous raconte dans son roman, la vie, avec ses injustices, ces rencontres qui ne se font pas, ces amours non partagées, ces choix que l'on fait et dont on regarde parfois les conséquences avec étonnement. J'y ai vu surtout, je crois, les marques fortes du temps qui passe… C'est un roman que j'ai beaucoup aimé mais que je n'ai pas pu dévorer, tant j'ai eu envie de rester dans l'histoire de ces deux protagonistes, avec l'envie sans doute de changer leur destin.
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Tout commence dans la salle des mariages. En rang par deux, les enfants de l'école maternelle se tiennent la main. Ils assistent à un concert de Noël. Un petit garçon aux cheveux de travers se retourne vers une petite fille aux yeux ronds et lui dit qu'il l'aime. Elle non. À cause de la beauté de la musique, à cause de la salle des mariages, elle songe qu'ils sont à présent fiancés. Ce garçon lui appartient pour toujours. Liés à jamais, au gré du temps qui s'écoule, ces deux là vont se croiser, se recroiser puis se croiser à nouveau sans pour autant se rencontrer. Symphonie d'un rendez-vous manqué qui sera jouée et rejouée durant toute la vie d'une femme.

L'éternel fiancé est l'incarnation du temps qui passe. Au gré de leurs rencontres toujours impromptues, Étienne et Elle grandissent, vieillissent, aiment, désaiment, goûtent au bonheur, éprouvent. La vie, tout simplement. Voilà, Agnès Desarthe aborde toutes les thématiques qui composent une vie. La famille, l'éducation, l'amour, le couple, le travail, l'amitié, la parentalité, la déchéance, le deuil. le tout aurait pu être d'une banalité ennuyeuse, mais il n'en n'est rien. Il faut bien reconnaître que la plume de l'auteure et la dimension poétique de la narration transforment l'ordinaire en extraordinaire. Il suffit de se remémorer la scène de la rencontre entre Étienne et Antonia, la naissance de Rita, le départ de la mère de la narratrice pour s'en rendre compte. le récit ponctué de touches tantôt mélancoliques, tantôt poétiques, m'a renvoyé à l'univers d'Amélie Poulain pour la narratrice et à celui de Forrest Gump pour Étienne.

L'éternel fiancé oscille entre conte et partition musicale. Il stimule notre imaginaire, combine harmonieusement les mots, les arpèges, les silences. Quant aux personnages, ils sont tous divinement incarnés, véritables chefs d'orchestre de leur vie. L'ensemble forme une mélodie à la fois légère et profonde qui m'a émerveillée. Un conseil, partez à la recherche du temps perdu avec L'éternel fiancé.

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L'enfance, quand elle est heureuse, est souvent enjolivée, sublimée par nos souvenirs d'adultes. La déclaration d'amour d'un petit garçon à une petite fille, nous dit Agnès Desarthe, à un moment précis et dans un cadre propice, peut cristalliser l'ensemble des actes de la future femme qu'elle deviendra, tel un marqueur du temps. Avec une qualité narrative très pointue, l'auteur orchestre une symphonie fascinante où chaque phrase est à sa place, magnifiant le rôle de la mémoire dans nos vies, mais aussi celui de la musique, omniprésente. On ne peut adhérer à ce récit flamboyant, à cet enchevêtrement de voix et de choses du passé, qu'en acceptant le filigrane d'émotions intenses et bouleversantes qui le traverse. Un Roman très juste, avec un grand R, empreint d'un caractère universel.
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De certains footballeurs, les plus doués, les commentateurs sportifs soufflent admiratifs : "il n'est pas ennuyé avec le ballon." Eh bien vous savez quoi, c'est exactement ce qu'on se dit en lisant Agnès Desarthe - en ayant au préalable (cela va de soi) remplacé le mot "ballon" par celui de "plume" ou de "clavier".

"Elle n'est pas ennuyée avec la plume". Quel brio. Quel talent. Jamais rien qui ne pèse, ni le bonheur ni son avers, il y a des sauts et des gambades, quelque chose d'un charme à la Verlaine, menacé, qui tombe puis se relève, virevoltant. Tout file, s'ajuste, se décompose, se recompose : c'est une vie, ce sont des vies dont on saisit des instants, joyeux et mélancoliques, avec pour fil rouge une narratrice (très) douée et "son éternel fiancé" qui à quatre ans en était tombé amoureux parce qu'elle avait "des yeux ronds".

Agnès Desarthe est l'auteure d'une oeuvre importante, dont plus de trente livres pour enfants, qui sont des précis de composition et un fantastique atelier d'écriture. On la sent dans l'Éternel fiancé au faîte de son art : une liberté totale pour nouer les intrigues, attirer l'attention sur un détail (qui ne l'est pas) ou une situation (qui se retourne comme par magie), composer des personnages originaux et profonds et proposer des moments de vie comme autant de vignettes multicolores, enlevées, sucrées-salées, douces-amères.

Un bonheur parfait.
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