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3,7

sur 513 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Traquer la vie d'un Lituanien anodin du siècle dernier sans avoir de lien tangible avec lui, sur simple évocation de sa personne dans un roman (les promesses de l'aube de Gary), et dont on n'est pas seulement sûr qu'il ait vraiment existé, voilà une inaccessible étoile. Désérable le dit lui même : "... c'est peut-être cela et rien de plus, être écrivain : fermer les yeux pour les garder grands ouverts, n'avoir ni dieu ni maître et nulle autre servitude que la page à écrire, se soustraire au monde pour lui imposer sa propre illusion".
Cette impossible quête est touchante quand on sait pourquoi Gary en a lui-même parlé, de ce petit bonhomme juif à la redingote grise, souvent comparé à une souris, à l'existence si banale et si difficile à retracer. Un (in)certain Piekielny était donc voisin d'enfance à Vilnius du petit Roman Kacew (futur Romain Gary). Il désirait que Roman se souvienne de lui quand il serait célèbre, en évoquant son existence devant les grands de ce monde qu'il ne manquerait pas de rencontrer, sa mère (à Roman) en était certaine. Ça, c'est ce qui est raconté dans les promesses. Un peu mince, non, pour se lancer dans l'écriture d'un récit sur Piekielny ?
Cela donne pourtant un roman riche, qui tourne (surtout) autour :
- d'un fantôme (Piekielny), et Désérable imagine, extrapole ou suppute plus qu'il n'en sait réellement à son sujet
- un écrivain célèbre, Romain Gary, dont les frasques, les excentricités, la bio et les citations assurent la voûte du récit
- un autre écrivain, François-Henry Désérable, noyé sous les piles de livres de Gary ou Gogol entre autres, perdu dans les errements labyrinthiques de son enquête, écartelé dans la recherche de vérité des écrits de Gary, ce caméléon aux identités multiples
- des digressions, des anecdotes aléatoires, de l'humour, une narration débridée et un doux parfum de littérature

J'ai beaucoup aimé.
Voilà un roman qui touche au coeur de l'existence, sa fragilité et son évanescence, surtout si on s'appelle Piekielny, étendard de la tragédie juive en Lituanie.
Mais ce qui est peut-être le plus beau, c'est qu'un siècle plus tard on continue à en entendre parler de ce petit bonhomme gris, dans un monde noyé d'indifférence. Son voeu, qu'il soit fictif ou réel, est finalement exaucé, et pourrait même l'être au-delà de toute espérance si Désérable décroche la timbale (comme son mentor).
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Qui est M. Piekielny ?

Un personnage qui apparaît dans la biographie romancée de Romain Gary au Chapitre VII de la Promesse.

Un jour, les circonstances amènent l'auteur F.-H. Désérable sur les traces de Gary, à Vilnius, devant l'appartement où il a passé son enfance. Son voisin, M. Pielielny, à priori insignifiant, va pourtant grandir à travers la promesse de Gary enfant. Lorsqu'il sera célèbre, il prononcera son nom devant les plus grands hommes du monde.

« Au 16è de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny... »

Ce personnage a-t-il réellement existé, peut-on imaginer sa vie son métier, ses passions, sa mort.

Son nom ne sert-il qu'à désigner tous les Juifs de Lituanie ?

M. Piekielny donnerait alors le pouvoir de la parole à ceux qui ont subi la barbarie, dans le ghetto de Vilnius en 1941.

Quelle est la part de fiction dans la Promesse de l'aube ?

Gary a-t-il été marqué par ses lectures de Gogol, tout comme F.-H. Désérable l'a été par celles de Gary ?

Comment un auteur trouve-t-il le sujet de son roman ?

Roman sur le travail de l'écrivain, sur les pas qui le mènent vers l'inspiration, roman sur Gary et son M. Piekielny. Ceux qui ont lu Romain Gary s'y retrouveront sans doute mieux. Sinon, Un certain M. Piekielny les invitera à le découvrir.

J'aimerais un jour que J.-H. nous raconte l'histoire romancée de ce personnage à peine dessiné dans la Promesse de l'aube, et dont l'auteur nous offre ici quelques pistes, pour lui donner toutes les couleurs qu'il mérite. L'homme au violon silencieux m'a plu.

Je remercie Babelio et les Éditions Gallimard de m'avoir permis de lire ce roman en avant-première.
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La promesse de l'aube, découvert sur le tard, m'avait enthousiasmé et donné envie de plonger plus profondément dans l'oeuvre de son auteur, Romain Gary, en attendant que l'adaptation cinématographique achevée et diffusée me fournisse l'occasion de revivre cette belle parenthèse en confrontant mon imaginaire à l'incarnation des personnages, voulue et dirigée par le réalisateur. Quand Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable a atterri sur ma pile à lire, je me suis réjoui du moment où il arriverait en haut, parce que le saisir signifierait peut-être une nouvelle promesse, la poursuite du chemin entamé en compagnie de Romain Gary, la rencontre d'un écrivain, qui m'était inconnu jusque-là et que sa biographie situe à l'aube de sa carrière littéraire. Ma préhension fut ferme, goulue, j'ai croqué à pleines dents les premières lignes de ce livre comme dans une pomme bien verte, espérant de son jus qu'il contienne les saveurs et l'émotion du chef-d'oeuvre, que la prise d'importance de ce personnage secondaire, qui s'échappait des quelques pages de la promesse de l'aube révélerait le mystère qui le fit côtoyer les grands de ce monde, en fidèle et intangible compagnon de Romain Gary. J'apprécie rarement les séries dérivées, qui cherchent à capitaliser sur le succès d'un opus original et qui trop souvent n'apportent rien d'autre que de la rentabilité au producteur. En littérature, le roman-feuilleton du 19e fut en quelque sorte le précurseur du genre, l'exploitation grandiose qu'en fit Balzac dans La Comédie Humaine demeure à ce jour inégalée sans que cela décourage les auteurs contemporains de renoncer au procédé. Dans sa catégorie, JK Rowling a gratifié les fans de sa saga Harry Potter d'un essaimage d'animaux fantastiques qui tient en 54 pages, mais accouche d'une trilogie sur grand écran ; la poule aux oeufs d'or participe sûrement de cette ménagerie chimérique…
Ce roman ne m'a pas déçu ! Cette recherche d'un temps perdu, celui de Vilnius quand la ville lituanienne s'appelait encore Wilno et que Romain Gary vivait au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka m'a procuré énormément de plaisir. L'amateur d'Histoire guidé par la plume de François-Henri Désérable, souvent brillante même si elle s'égare parfois, formant des hypothèses supputant de la destinée de M. Piekielny après le départ de Roman Kacew de l'immeuble a enrichi ses connaissances des ravages de la peste brune, puis rouge qui réduisirent "la Jérusalem de Lituanie" à des ghettos, des traces sur les murs, des sépultures et des souvenirs de survivants ou de descendants. Ces évènements tragiques du passé lituanien, les exécutions massives d'une balle derrière la nuque et les horreurs qui se déroulèrent en ces lieux ne subsistaient que de manière parcellaire dans un recoin de mon cerveau, et, tandis que les bras se tendent à nouveau dans certaines parties de la planète, l'évocation de cette noirceur oubliée a agi comme un aiguillon rappelant l'importance du devoir de mémoire.
Mais, ce que j'ai le plus apprécié, c'est qu'en embarquant dans sa quête, François-Henri Désérable emmène en réalité le lecteur sur les traces de Romain Gary, de son oeuvre, de sa vie, de ses amours, de sa carrière de diplomate, des rencontres avec les personnages qui forgèrent le destin de l'après-guerre, de ses interventions publiques fameuses, de tous ces moments durant lesquels il s'acquitta de la promesse faite à un être humain, notre voisin de palier, un monsieur tout le monde s'élevant de sa condition ordinaire pour atteindre une dimension spirituelle et frôler l'éternité grâce à une seule phrase : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka à Wilno habitait un certain M. Piekielny.
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Je ne connaissais pas François-Henri Désérable. Je l'ai découvert sur le site de Babelio et j'ai beaucoup aimé!
Quelle idée originale! Mettre les pas du lecteur dans les pas de Romain Gary, revivre ces grands moments inoubliables de "La Promesse de l'Aube"!
Le prétexte : vérifier l'authenticité de l'existence de Monsieur PIEKIELNY qui deviendra le fil rouge de toute la narration : existence réelle ou chimérique? A mes yeux pas grande importance. Je retiendrai que la petite souris de Wilno représente le symbole de tous ces pauvres juifs qui voulurent vivre en paix mais furent tous exterminés même si parfois, la caricature n'est pas très loin mais FHD n'a que trente ans (le violon, les liasses de zlotys sous l'édredon).

A l'occasion du mariage d'un ami à Minsk, FHD va se trouver bloqué à Vilnius sans argent suite au vol de son portefeuille. Il va ainsi se retrouver dans l'impossibilité de prendre sa correspondance pour Minsk. Dans l'attente d'un virement de ses parents, il va errer dans la ville et tomber rue Jono-Basanavicius (ex rue Grande-Pohulanka"), devant la plaque commérant le domicile de Roman Kacew. C'est alors que va lui revenir en mémoire la phrase de la Promesse de l'Aube "au 16, de la rue Grande-Pohulanka à Wilno habitait un certain Monsieur PIEKIELNY".

J'ai aimé ces aller-retours entre passé, présent, jalonnés d'humour, d'enthousiasme mais aussi de grands moments d'émotion. La façon dont FHD dénoue tous les artifices que Romain Gary a créés pour aussitôt replonger le lecteur dans ses propres fantasmes, sa propre vision de la façon dont il envisage la scène comme celle qui met en présence Romain Gary et JFK.
Ce garçon, passionné par son mentor, a effectué un travail sérieux de recherches sur le passé de Romain Gary; il m'a bluffée!

Je ne sais dans quelle famille est né FHD, si la transmission de la Shoah n'a été qu'intellectuelle, mais j'ai ressenti ce que ce garçon de 30 ans avait pu réaliser, confronté aux lieux où les atrocités, les massacres s'étaient produits : - l'effroi lorsqu'il se rend compte qu'il marche sur des pierres tombales juives qui ont servi à paver les rues ou - la révolte lorsqu'il écrit pour parler du père de Romain Gary "Son père est mort en 1943 dans la forêt de Ponar (ou Poneriai) à dix kilomètres de Wilno, des mains d'un petit fonctionnaire de la Shoah préposé aux balles dans la nuque au bord d'une fosse, serviteur zélé de ces escadrons qui dans la langue des nazis - celle de Schiller et de Goethe et des Lieder et de la Neuvième Symphonie - endossaient le nom dont l'écho inlassablement nous écorche la gueule et nous arrache le coeur : Einsatzgruppen" (page 164).

Je vous ai livré ma vision de ce roman qui reste un roman. Il faut se laisser promener, lâcher prise, alors naîtra le besoin impérieux de relire "La Promesse de l'Aube".

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La dérision peut-être une manière de clamer sa déconvenue. Les fervents de Romain Gary savent combien il en a fait usage pour dénoncer les situations, les comportements de ses semblables qui heurtaient sa sensibilité. Une sensibilité à fleur de peau, faite d'un humanisme sincère, qu'il séquestrait derrière le masque de la désillusion.

Ceux-là savent aussi les libertés que Romain Gary a pu prendre avec la vérité. Par défi quelques fois, ou par calcul, mais toujours au service de ses intentions philanthropiques.

Ceux-là encore connaissent le mystère qu'il a entretenu autour de sa prime jeunesse. Laissant poindre des hypothèses, offertes en jeu de pistes à la sagacité de son auditoire. L'une d'elle est suggérée par la mention d'un certain M. Piekielny dans La promesse de l'aube. Romain Gary nous dit que ce dernier aurait été son voisin et oreille attentive de ses premières interrogations sur la vie, alors qu'il n'était encore que Roman Kacew, au 16 de la rue Grande-Pohulanka à Vilnius, Wilmo à l'époque.

En tirant le fil de cet écheveau, François-Henry Dédérable se met en scène lui-même et nous invite à franchir avec lui l'écran de fumée que diffusait volontiers Romain Gary autour de son enfance. Ce M. Piekielny dont Romain Gary affirmait s'être fait le devoir de raviver le souvenir à la face des grands de ce monde: la reine d'Angleterre, Kennedy, De Gaulle et d'autres. Mais pour quelle raison ?

La lecture de ses écrits nous apprend qu'avec Romain Gary rien n'est lancé au hasard. Rien n'est couché dans ses pages qui ne serve une cause. On sait aussi qu'il n'est point de mensonge lorsqu'on écrit un roman. Fût-il autobiographique, il reste roman. Au lecteur de faire la part des choses. François-Henry Désérable semble être de ceux à ne pas se satisfaire d'approximation. Il choisit cette porte d'entrée, ce M. Piekielny, pour accéder à l'univers de Romain Gary.

Alors authenticité ou mystification, ce mystérieux voisin ? L'enquête, car il s'agît bien de cela, fera la preuve que chez l'auteur de génie, une chose est bien réelle - et tous les procédés trouvent leur légitimité à le démonter : il n'est point d'insignifiance quand il s'agit de la personne humaine et nul ne peut se prévaloir de supériorité sur son semblable, fût-il le conquérant barbare qui s'est donné pour mission de nettoyer le monde de ceux qu'il a institués en sous-hommes.

L'idée de cet ouvrage est très originale et son exploitation à mon sens fort réussie. Bien entendu il y a le risque de restreindre son audience à qui se passionne pour le facétieux aux deux prix Goncourt, ce qui au demeurant promettrait déjà une belle diffusion. Mais, même s'il y a une forme de bio compatibilité entre le style de François-Henry Désérable et celui de Romain Gary, le talent du premier se suffira à lui-même pour trouver son public. C'est ma conviction, tant j'ai passé un bon moment avec cet ouvrage.
La trame nomade dans le temps et l'espace est bien construite. le style est enlevé, jamais ennuyeux, l'humour subtil, surtout quand François-Henri Désérable ose le parallèle avec sa propre vie. On pourrait dire que s'il a négligé l'avenir que sa mère projetait pour lui - cela ne vous rappelle rien ? – il est allé à bonne école avec le maître dont il a choisi d'explorer les vérités. Dont on sait depuis Marguerite Yourcenar qu'elles n'ont rien à voir avec l'exactitude.

Admirateur ou non de Romain Gary, tout le monde y trouvera son compte, j'en suis persuadé, même s'il est vrai qu'il est plus profitable d'avoir démasqué le trublion de la littérature sous tous ses pseudonymes. Mais peut-être même cet ouvrage donnera-t-il le goût à ceux qui ne connaîtraient pas encore Romain Gary de le découvrir, ce qui serait en soi une chance pour eux.

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard de m'avoir adressé cet ouvrage de la rentrée littéraire.
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Et si pour Noël vous vous laissiez tenter par Kube, une nouvelle façon de découvrir ses livres, excellente idée cadeau pour un lecteur avide dé découverte littéraire en tous genres. Kube, box de lecture personnalisée qui contient un livre choisi sur-mesure pour chaque lecteur, par un libraire indépendant, ainsi que des surprises.

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La libraire qui a choisi le roman pour nous a eu le nez creux, on a ainsi pu découvrir un roman dont on a beaucoup entendu parler sans l'avoir encore lu.Un certain Mr Pielkieny, de l'ancien hockeyeur François-Henri Désérable, nous plonge dans l'univers de Romain Gary et plus particulièrement La promesse de l'Aube .

Dans cette sorte d'enquête littéraire qui flirte avec l'auto fiction, le narrateur- François-Henri Désérable en personne- se lance à la recherche du M.Piekielny, voisin de Gary à Vilnius, sur lequel on trouve 3 lignes dans « La promesse de l'aube » suite sur le blog
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La promesse de l'autre
Devant la maison natale de Romain Gary à Vilnius, un jeune écrivain va tenter de retrouver la trace d'un certain M. Piekielny, voisin mystérieux de l'auteur de la promesse de l'aube.

«En mai 2014, des hasards me jetèrent rue Jono Basanavičiaus, à Vilnius, en Lituanie.» La première ligne de ce délicieux roman sert de fil rouge à l'histoire que François-henri Désérable va dérouler comme une pelote de laine dans laquelle on va adorer s'emmitoufler. Car l'auteur d'Évariste fait une fois de plus la démonstration de son talent à tricoter – et à détricoter – les histoires les fabuleuses.
Si je vous dis d'emblée que le narrateur n'en apprendra guère plus sur ce voisin de Romain Gary qui lui fait promettre de dire à toutes les célébrités qu'il rencontrera qu'«au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Vilno, habitait M. Piekielny» ne soyez pas déçu. Car l'enquête est en elle-même un passionnant chassé-croisé entre le vécu du narrateur, le fruit de ses lectures, les quelques rares documents et témoignages qu'il peut recueillir et une imagination fertile. Cette joyeuse exploration historico-littéraire est un petit bijou fantaisiste tout autant qu'un brillant hommage à la littérature et à l'un de ses représentants les plus doués dans l'art du camouflage : Romain Gary / Émile Ajar. En prenant le pas de son illustre aîné et en faisant rebondir les repères biographiques avec sa propre histoire, celle d'un hockeyeur pris par une soif de littérature sous le regard ébahi de sa mère, l'auteur fait exploser les codes de la biographie et de l'autofiction pour un feu d'artifice que n'aurait sans doute pas renié Roger Grenier, qui est aussi célébré ici (le hasard voudra que les belles lignes sur l'auteur et éditeur chez Gallimard parurent quelques jours avant sa mort).
En revisitant La promesse de l'aube dont, par parenthèse, l'adaptation cinématographique proposée par Eric Barbier vaut le détour, il se permet toutes les audaces et roule en permanence son lecteur dans la farine. Qui en redemande! Après tout, peu importe si ce monsieur Piekielny n'a existé que dans l'imagination de Romain Gary – à moins que ce ne soit dans celle de François-Henri Désérable : « Ce qui existe, ce qui commencera à exister peut-être un jour, si j'ai beaucoup de chance, ce sont mes livres, quelques romans, une oeuvre, si j'ose employer ce mot. Tout le reste n'est que littérature. »
L'essentiel est ici, par la magie du roman, de faire revivre un épisode historique dramatique, celui qui a vu disparaître quelques millions de Juifs d'Europe, dont le voisin de Romain Gary et d'offrir la plus belle des tribunes à notre devoir de mémoire.
S'il est passé fort injustement à côté des Prix littéraires de l'automne, il serait regrettable que vous passiez à côté de cette petite merveille!
Lien : https://collectiondelivres.w..
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J'ai fait quelque chose de pas bien. Beaucoup d'entre vous vont hurler ou esquisser une moue méprisante, voilà : j'ai bâclé La promesse de l'Aube pour lire le roman de François-Henri Désérable. Nommons-le FHD, ça lui donne un côté BHL.
J'ai ainsi sélectionné les chapitres essentiels me permettant d'appréhender « Un certain M. Piekielny » sans passer pour une ignare attardée. Oui, j'ai donné l'avantage à mon contemporain plutôt qu'à son prédécesseur —pourtant très moderne pour son époque— parce que le premier n'est pas encore mort et mérite d'entendre des éloges avant de décéder.
Lire Francois-Henri Désérable. J'avais des a priori, un nom pareil, un ancien livre titré pompeusement « Evariste », un grand père vénitien -la chance- quand même tout cela faisait prétentieux, ou alors j'étais impressionnée, ou jalouse, je craignais une lecture hermétique et un étalage de connaissances, j'avais des a priori donc, mais une certaine curiosité de découvrir la plume de cet auteur qui a le même âge que moi, car oui ça y est, je suis arrivée à cet âge-là, celui où l'on peut connaître des écrivains du même âge que soi et qui ont une page Wikipedia. Ce qui m'a décidé c'est d'avoir fait un selfie boomerang avec FHD. Tous les auteurs ne sont pas forcément adeptes du selfie boomerang et soudain FHD et son roman m'ont paru tout à fait accessibles.
C'est ainsi que dès le début, ce roman m'a paru tellement familier de mon époque, de mon quotidien, que lire la biographie, autobiographie de Gary/Désérable, y trouver tant d'anecdotes, sentiments ou lieux géographiques communs, c'était un peu comme si j'étais le maillon suivant de la chaîne, d'où cette chronique où je parle de moi en parlant de FHD qui parle de lui en parlant de Romain Gary.
FHD commence son roman par une scène que j'ai bien connue, celle où un jeune homme part en voyage dans les pays de l'Est pour un enterrement de vie de garçon. Comme FHD, il y a deux ans, mon cher et tendre non plus n'avait pas eu le choix, « parce que vois-tu mon amour, qu'y pouvons nous si le futur marié est amateur de patins et de crosses, s'il rêve d'assister aux championnats du monde, et s'ils ont lieu cette année en Biélorussie où les filles sont si belles et si blondes et si promptes à se dévêtir ? » bon, tout le monde ne finit pas à Vilnius devant la maison de Gary. C'est pourtant ce qui arrive au narrateur qui se remémore alors une phrase de la promesse de l'aube : « Au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M.Piekielny ». C'est à ce moment précis qu'il lance à la recherche de cette petite souris triste.
Parce qu'il a pressenti que je n'aurais pas lu La promesse de l'aube à temps, ou pour éviter tout handicap à son lectorat, FHD a pris un soin particulier à retranscrire tout ce que Gary a écrit sur Piekielny. Puis laissant ses pensées dériver et opérer des analogies logiques entre sa vie et celle de Gary, il entreprend de rassembler les rares pièces du puzzle Piekielny. Nous voici donc plongés entre Vilnius et Paris, entre Gary et Désérable.
FHD nous parle des études de Gary, celui-ci avait choisi droit, parce qu'il ne savait pas, pour faire plaisir à sa mère, alors qu'il va devenir un grand écrivain; cela nous renvoie à l'auteur, qui s'est également inscrit en fac, pour faire plaisir à sa mère, alors qu'il va devenir un grand écrivain; alors cela me renvoie à moi-même, qui me suis inscrite en fac, suis devenue dentiste, pour faire plaisir à ma mère, alors que je voudrais devenir une grande écrivaine. Gary n'a pas connu le succès tout de suite, comme FHD a essuyé vingt lettres de refus pour son premier manuscrit, comme j'en ai moi-même essuyé dix pour un premier roman que je viens d'envoyer (oui c'est un aveu, à prendre ou à laisser).
On a tous un Clément dans sa vie -comment ça pas vous?- on a tous été profondément marqué par le CPE, on a tous, à dix sept ans, détourné la phrase de Rimbaud, car oui on est trop sérieux quand on a 17 ans, et puis oui, on a tous trouvé que le titre du dernier FHD faisait penser à un certain monsieur Bikini.
Ce roman donc, en plus de nous faire partager la passion Gary, est un excellent jeu de miroirs entre l'auteur et son lecteur, une mise en abyme réjouissante, tout ça dans un style narratif drôlissime et aéré.
J'ai appris souvent, j'ai ri aux éclats parfois, mais j'ai vraiment lu. C'est bien moi qui ai lu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon imagination.

Lien : https://agathethebook.com/20..
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Un roman original, écrit par un admirateur de Romain Gary, qui permet à d'autres (comme moi) de le découvrir.
Autour de la vie de Gary, l'auteur esquisse une histoire, de la fiction entremêlée de réalité (vraie ou fausse ?) où il est difficile de faire la différence entre les deux mais après tout, à quoi bon ? Où s'arrête la réalité ? Où commence la fiction ?
Se laisser entraîner dans cet "essai" réussi et transformé, pour un très agréable moment de lecture.
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François-Henri Désérable fait partie de ces auteurs dont on se félicite qu'ils écrivent dans notre langue maternelle afin d'en mieux apprécier et savourer la prose. Et en plus, il maîtrise l'évocation du passé par ses phrases finement ciselées et ses mots judicieusement choisis. Ce M. Piekielny, mentionné dans le titre, origine d'une déclaration faite par Romain Gary dans son roman autobiographique La promesse de l'aube. Désérable s'interroge sur la réelle existence du personnage auquel Gary a promis une certaine immortalité auprès des grands de ce monde. « Mais si le paléontologiste, n'ayant en tout et pour tout que l'humérus et deux vertèbres, avait pu reconstituer le dinosaure, que ne pouvais-je en faire autant avec une souris? » S'ensuit une enquête qui amènera l'auteur à Vilnius sur les traces de ce Piekielny et, du même coup, sur celles de Romain Gary. Un roman brillant d'ingéniosité, de virtuosité, qui va au coeur de ce qu'est l'écriture et la littérature.
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