Suzuki peut parler du Zen dans la mesure où il garde intactes ses exigences non dialectiques. Pour interpréter le Zen, il faut partager l'esprit du dhyāna lui-même , à condition, pour ainsi dire, que l'exposition soit en quelque sorte une poursuite de l'acte de méditation . Et c'est l'impression qu'on a à chaque fois en lisant les ouvrages de Suzuki sur le Zen : il peut en parler parce que, pour l'essentiel, il en fait l'expérience.
L'une des principales caractéristiques du zen est qu'il ne néglige pas le style, voire qu'il l'exige. Puisque l'acte de méditation est libre de toute formalité, et qu'il se déroule en dehors de toutes les catégories naturelles, il possède les mêmes forces que celles qui ont créé la nature ; il retrace les voies par lesquelles la nature s'est formée à l'origine. On peut donc dire que le monde lumineux s'éveille dans la méditation et cherche à s'exprimer dans les formes d'un monde nouveau, un monde nouveau parce que originel. De là dérivent les différentes formes d'expression du Zen : la peinture, les Haïkus, la cérémonie du thé et le sentiment de la transparence de la nature.
À propos de la cérémonie du thé, Eisai (1141-1215) considéré comme le fondateur du Zen ( qu'il ramena de Chine où, très proche, il était connu sous le nom de Bouddhisme Chan), a consacré les dernières années de sa vie à rédige un livre essentiel: Mémoire sur l'entretien de la vie par la consommation du thé.
Suzuki nous aide à comprendre comment le flux de l'essence du Zen à travers la vie et son épanouissement comme expression d'une pureté identique à celle de la création originelle, ont façonné non seulement le style intérieur de la culture japonaise depuis le XIIe siècle, mais aussi une partie de l'expérience positive de la méditation.
Absorbé dans les fondements, mort aux classifications humaines, et pourtant source en lui-même en puisant à l'essence mystérieuse qui est la source de toute catégorie, l'ascète se meut dans le monde, créant en lui des relations qu'il éveille à chaque fois, les façonnant, parce que sa puissance de créativité est inépuisable. Tout ce qui le lie au monde est déposé au plus profond de sa nature ; en libérant sa nature il se libère à son tour de la nature pour qu'elle (la nature) lui revienne purifiée et devienne pour lui une aide, une inspiration.
Le livre de Suzuki pose ces problèmes et beaucoup d'autres. En conclusion, examinant l'influence du Zen sur l'esprit japonais, il a sondé la question de l'essence du Zen, une expérience intérieure qui travaille à la racine de la réalité.
Je termine avec un dialogue très fameux, devenu un koan:
« Un moine demanda à Zhaozhou: 'quel est le sens de la venue de l'Ouest du patriarche?
Zhaozhou répondit: 'Le cyprès dans le jardin.'”
(le patriarche, est Bodhidharma, le moine venu de l'Ouest, c'est à dire d'Inde, qui, selon la légende, aurait transmis l'enseignement du Chan/Zen en Chine;)
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