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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Veena est l'une des prostituées de la Ruelle, dans le bas-fond d'une ville située au Nord de l'Inde. Sa fille Chinti, aujourd'hui âgée de dix ans, est devenue la mascotte de tous les parias du quartier : les prostituées, mais aussi la petite communauté de hijras, ces transsexuels qui vivent en marge de la société indienne, avec un statut plus bas encore que celui des Intouchables. Aussi, lorsqu'un client de Veena, le puissant swami Shivnath qui se prend pour l'un des dieux du temple où il officie, kidnappe Shinti et l'emmène en pèlerinage à Bénarès pour couvrir ses appétits pédophiles, c'est tout le groupe de ces femmes méprisées, en tête desquelles Veena et Sadhana – Guru des hijras de la Ruelle –, qui s'élance sur ses traces pour récupérer Chinti et la venger.


Ce n'est sans doute pas un hasard si Ananda Devi a choisi de situer son roman dans l'Uttar Pradesh. Cet état, le plus peuplé et l'un des plus pauvres de l'Inde, est aujourd'hui dirigé par un moine hindou nationaliste à l'image extrémiste, déjà condamné pour incitation à la violence, qui n'hésite pas à se targuer de pouvoirs magiques acquis au travers de rituels et de la pratique du yoga. Au travers du personnage fictif de Shivnath, chef religieux amoral et mégalomane, usant sans vergogne d'un pouvoir sans limite assis sur les privilèges de la caste brahmane et sur la crédulité d'une population si misérable qu'il ne lui reste pour viatique que le sourire des dieux qu'on lui fait cyniquement miroiter, ce n'est, ni plus ni moins, ce que certains appellent la dystopie hindouiste de l'Uttar Pradesh que déplore et ridiculise cette histoire.


Aux antipodes du mirage clinquant des idoles et de la folie de leurs maîtres, grouille une population semblable à une « marée de chair », harassée par l'effort de survivre jour après jour, sur une terre aux allures de géhenne. Au plus noir de cet enfer, là où s'efface quasiment jusqu'à leur statut d'êtres humains, des parias subissent leur sort sans espoir : femmes vouées sans échappatoire à la prostitution, transsexuels rejetés dans un étrange mélange de crainte et de respect. Curieuse place qu'ont les hijras dans la société indienne : ni hommes ni femmes, elles sont désormais légalement reconnues dans le pays comme un troisième genre, mais, déclassées des structures sociales de base de la famille et des castes, elles se rassemblent en communautés hermétiques et soudées, encadrées par des règles fortes d'appartenance, dont un rituel d'intégration passant par une émasculation à vif, sans anesthésie.


De la violence faite aux femmes et de l'asservissement de leurs corps, à l'emprise spirituelle d'une population soumise à de dangereux chefs religieux, Ananda Devi nous dépeint une société indienne au foisonnement étouffant et d'une violence écrasante, qu'une étincelle semble pouvoir embraser dans d'incontrôlables mouvements de foule. Son récit aussi poétique qu'incisif nous livre une série de tableaux, tous plus hallucinants les uns que les autres, qu'il s'agisse du cauchemar des bas-fonds où l'on reste invisible jusque dans la mort, du gigantisme d'un pèlerinage semblable à une marée humaine, de la somptuosité qui pare les idoles dans les temples, ou de l'atmosphère crépusculaire des bûchers funéraires de Bénarès. Frappé d'un effroi mêlé de sidération, le lecteur sentira sa tendresse croître pour ces femmes encore capables de se révolter du fond de leur détresse, sinon pour elles-mêmes, pour le sort d'une enfant.


Un roman d'une grande puissance et d'une vraie poésie, où se dessine une Inde de contrastes, colorée, misérable et mystique, où s'il ne fait pas toujours bon être femme, il est sans doute encore pire de n'être ni femme, ni homme, et parfois, tout simplement un enfant.

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Veena est une prostituée comme tant d'autres qui vit dans « La Ruelle », dans un taudis. Elle a eu une fille dont elle ne voulait pas et pour nier son existence, vue l'absence d'avenir qui la guette, elle ne lui a même pas donné de nom.

A 9 ans, l'enfant qui a grandi tant bien que mal dans cet univers sordide, rabrouée par sa mère, mais un peu choyée quand même par les autres prostituées, observe derrière une fente, dans le réduit où elle est cachée pour ne pas susciter la convoitise de hommes, ce que ceux-ci font subir à sa mère, telle une fourmi, qui passe inaperçue. Elle décide de s'appeler Chinti, c'est-à-dire fourmi.

Dans la maison d'en face, vit Sadhana, jeune homme transgenre qui a dû fuir sa famille maltraitante (il est une honte pour eux !). Recueillie par d'autres « Hijra » comme elle, elle se fait émasculer… ce qui donne une scène terrible. Sadhana s'attache à la petite fille.

J'ai choisi de découvrir ce roman car l'Inde est un pays que j'aime malgré son système de castes, le statut qu'elle réserve aux femmes, des transgenres, ses inégalités depuis des lustres. Et, on ne peut pas dire que les choses se soient arrangées pour elles avec l'arrivée au pouvoir d'un intégriste hindouiste. J'aime ce pays dont je connais un peu quelques régions, mais je ne baigne pas dans l'angélisme à son sujet.

Ce roman m'a saisie aux tripes, j'ai ressenti la colère de Veena, et aimé sa transformation au cours des évènements, j'ai eu envie de trucider maintes fois ce religieux cinglé pédophile qu'est Shivnath… Les intégristes de tout poil me hérissent, ce n'est pas nouveau et on en trouve hélas dans toutes les religions. « La religion est l'opium du peuple » comme l'a dit si justement qui vous savez…

Le statut (enfin l'absence de statut) des Hijras m'a beaucoup touchée et notamment le personnage de Sadhana, sa vie, sa souffrance et sa capacité d'amour. On se sent proche, en tant que femme, de ce qu'elles vivent ainsi que les prostituées, tandis que résonne, comme un cri de guerre, le rire des déesses, joli titre soit dit en passant…

Ananda Devi décrit très bien la situation des femmes dans ce pays, avec une écriture imagée, on sent les odeurs, l'encens, les fruits autant que les ordures, on perçoit la ferveur lors du pèlerinage vers Bénarès et la purification dans le Gange et à côté ces pèlerins qui ne perdent jamais une occasion de profiter des prostituées. Où sont passées la dévotion ? La purification ?

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et la plume de son auteure dont je lirai probablement les autres livres si ma PAL me la permet.

#Leriredesdéesses #NetGalleyFrance
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Calcutta, les bas fonds. Une ruelle. Là où des prostituées accueillent des hommes de passages.
Veena, l'une de celles-ci, met au monde un enfant. C'est une fille. Veena hésite – mais non, elle va la garder, la cacher derrière une mince cloison pendant que les hommes se succèdent à côté. Cette fille n'a même pas de nom. Parfois, lassée par ses cris, Veena lui donne le sein. Mais pas d'amour : trop risqué de s'attacher.

La petite grandit malgré tout. Elle se baptise elle-même : ce sera « Chinti » ce qui signifie fourmi. Insignifiante, justement, Chinti grandit dans la rue. Quelques autres prostituées s'intéressent à elles, et l'accueillent à leurs côtés. Mais c'est surtout une « Hijra » qui va l'accueillir.
Sadhana – c'est son nom - va prendre la parole dans ce récit. C'est elle qui va raconter son histoire – des pages incroyables sur l'évènement de l'émasculation, effectuée à vif, sans anesthésie par exemple – et c'est elle qui va organiser la suite.

Car bien sûr, il y a un problème. Ce problème s'incarne dans un religieux – excellente critique de ces faux prêcheurs que le peuple suit benoitement – qui s'appelle Shivnath et qui fréquente Veena. Mais il s'en lasse très rapidement. Par contre il a aperçu Chinti, qui va alors vers ses 10 ans, et celle-ci l'attire irrésistiblement. Alors il va vouloir en faire « sa chose » et l'emporte avec lui, au grand dam de Veena et de toutes les femmes de la Ruelle – y compris Sadhana et ses amies Hijras qui vont jouer un rôle décisif dans cette histoire qui se déplace alors à Bénarès.

J'avoue avoir un peu de mal au début de cette lecture, devant le caractère caricatural des personnages – jusqu'à ce que je comprenne qu'il faut le comprendre comme un conte.

Un conte qui dénonce la domination masculine en Inde, où les femmes sont forcément inférieures. Ananda Devi vilipende le système où les prostituées sont la lie de la société et où on n'accorde aucune importance à celles qui disparaissent, un système où de pseudo religieux peuvent commettre le pire au nom de leur foi, où les transsexuels sont bafoués – dans ce roman Calcutta, les bas fonds. Une ruelle. Là où des prostituées accueillent des hommes de passages.
Veena, l'une de celles-ci, met au monde un enfant. C'est une fille. Veena hésite – mais non, elle va la garder, la cacher derrière une mince cloison pendant que les hommes se succèdent à côté. Cette fille n'a même pas de nom. Parfois, lassée par ses cris, Veena lui donne le sein. Mais pas d'amour : trop risqué de s'attacher.
La petite grandit malgré tout. Elle se baptise elle-même : ce sera « Chinti » ce qui signifie fourmi. Insignifiante, justement, Chinti grandit dans la rue. Quelques autres prostituées s'intéressent à elles, et l'accueillent à leurs côtés. Mais c'est surtout une « Hijra » qui va l'accueillir.
Sadhana – c'est son nom - va prendre la parole dans ce récit. C'est elle qui va raconter son histoire – des pages incroyables sur l'évènement de l'émasculation, effectuée à vif, sans anesthésie par exemple – et c'est elle qui va organiser la suite.
Car bien sûr, il y a un problème. Ce problème s'incarne dans un religieux – excellente critique de ces faux prêcheurs que le peuple suit benoitement – qui s'appelle Shivnath et qui fréquente Veena. Mais il s'en lasse très rapidement. Par contre il a aperçu Chinti, qui va alors vers ses 10 ans, et celle-ci l'attire irrésistiblement. Alors il va vouloir en faire « sa chose » et l'emporte avec lui, au grand dam de Veena et de toutes les femmes de la Ruelle – y compris Sadhana et ses amies Hijras qui vont jouer un rôle décisif dans cette histoire qui se déplace alors à Bénarès.
J'avoue avoir un peu de mal au début de cette lecture, devant le caractère caricatural des personnages – jusqu'à ce que je comprenne qu'il faut le comprendre comme un conte.
Un conte qui dénonce la domination masculine en Inde, où les femmes sont forcément inférieures. Ananda Devi vilipende le système où les prostituées sont la lie de la société et où on n'accorde aucune importance à celles qui disparaissent, un système où de pseudo religieux peuvent commettre le pire au nom de leur foi, où les transsexuels sont bafoués – dans ce roman Sadhana manque de peut mourir sous les coups d'un homme qui a découvert son émasculation.

Mais c'est pour toutes les femmes qu'Ananda Devi se bat : pour celles de Calcutta, qu'elle a rencontré à l'occasion de l'un de ses voyages, mais aussi toutes les femmes méprisées.
On peut penser aux femmes afghanes, qui sont aujourd'hui la proie des talibans, mais aussi à l'Occident, qui croit avoir réglé la question de la prostitution, mais où la pornographie révèle un monde sordide qui détruit les femmes des Pays de l'Est attirées par de pseudos bienfaiteurs (il y a quelques semaines un reportage du Journal « le Monde » sur le monde ignoble de la pornographie m'a fait frémir).

Ananda Devi pousse ce cri pour toutes ces femmes et elle a bien raison.

Si la fin onirique est un cri de vengeance pour toutes celles qui subissent la violence de ces sociétés inhumaines, Ananda Devi a raison de continuer le combat qu'elle mène depuis ses premiers écrits. On pense par moment à Arundhati Roy et son « Ministère du bonheur suprême » qui parle des transgenres : le combat pour la reconnaissance des droits des LGBT en particulier, et des femmes en général dans de nombreuses sociétés, est loin d'être terminé.
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Dans ce livre flamboyant , haletant ,l'auteure donne la parole à un groupe de prostituées indiennes , au coeur d'une ville au nord du pays .
La Ruelle semble un monde à part ,avec ses relents d'eau croupie, jamais évacuées , ses tas d'ordures accumulées .
Y vivent des femmes échouées- là , sorte de cloaque où elles vendent leur corps pour survivre , les hommes se succèdent , tous différents : bruits de bêtes en bataille qui dévorent entre autres Veena , toujours en colère, et de mauvaise humeur, elle, porte sa rage en bandoulière , mère de la petite Chinti , la fourmi, à l'intelligence fine, délaissée par sa mère , mal aimée , ignorant la tendresse , Kavita , née aveugle, abandonnée par sa famille , Gowri , amenée par son oncle, qui l'a violée durant toute une nuit ,Janice ,au visage fort laid , au corps magnifiquement indécent , Bholi ,amie de Chinti , que l'on croit idiote , mais qui ne l'est pas,…
La beauté de ces femmes ne dure jamais longtemps ,dans ces corps aux vêtements bariolés de jaune safran , se cachent des traces de boue .
Ils ne masquent pas ou très peu, malgré les mauvais parfums dont elles s'aspergent les relents de sperme mal nettoyé .
Veena est encore belle et elle cache sa petite fille âgée d'une dizaine d'années .
La petite apprend à se taire lorsque sa mère reçoit des hommes.
Les autres femmes protègent la fillette , surtout Sadahana ,hijra, femme transgenre rejetée par cette société pour être née dans un corps d'homme, qui décrit son émasculation , sa métamorphose dans la douleur .
Mais leurs destins basculeront le jour où Shivnath, , un soi - disant Sant - Homme , homme de foi perverti , corrompu, tombe amoureux de Chinti, désire sa chair fraîche et sa silhouette gracieuse .
L'auteure dénonce , dans ce roman, commencé comme une fiction sociale ,dans un pays où l'homme domine tout , la perversité de Shivnath , ce faux religieux , qui fait enlever l'enfant ,Veena , en mère courageuse et toutes les habitantes de la Ruelle décident de se révolter, ces femmes se métamorphosent en une armée furtive, elles vont tout tenter , pareil à un cri de guerre , de bouleversement , de révolte , enfin ! .
Le rire des prostituées tourne en grande dérision la vulgarité de leurs clients , ce qui leur a permis de tenir à distance la brutalité de leur quotidien .
L'auteure fouille avec talent les questions de notre temps: une ode aux femmes et au final , à la liberté , la révolte contre l'insoutenable, la place des femmes et des transsexuels , les folies de la foi, la religion ,l'amour et la colère .
Ce roman est aussi un cri d'amour universel et de reconnaissance à travers l'identité plurielle de Sadhana, hijra , bannie par la société , que l'épreuve de l'émasculation n' a pas réussi à briser .
L'écriture est magnifique , lyrique , chatoyante , musicale …. tranchante , semblable à un chant d'espoir et de révolte .
Un très beau livre qui dormait dans ma bibliothèque ….
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Mauricienne, avec des parents d'origine indienne, Ananda Devi écrit dans un français magnifique où poésie des images et crudité des mots (parfois) s'unissent pour déployer une langue parfaite pour un conte, tel le rire des déesses, qui n'oublie pas d'évoquer, avec un réalisme douloureux, la situation de deux communautés invisibles en Inde : les prostituées et les hijras. L'héroïne du roman, âgée de 10 ans, est née d'une mère qui vend son corps et son existence, misérable, ne laisse que peu d'espoir quant à son avenir, jusqu'à ce qu'elle soit sortie de la fange par un homme saint, néanmoins client des plaisirs tarifés. le livre d'Ananda Devi raconte une histoire de femmes dans un monde qui les traite sans égards, surtout si elles font commerce de leurs charmes ou représentent un troisième sexe, honteux aux yeux des bien-pensants. A sa manière, le rire des déesses, est aussi une sorte de thriller qui se pare de couleurs étranges et fantasmagoriques et dont le dénouement a lieu, symboliquement, à Bénarès, la ville des brasiers humains, là où le grand fleuve purifie. de plus en plus resserré narrativement, le livre agit comme un sortilège, où l'on tremble pour une fillette, où l'on applaudit des femmes solidaires, où l'on maudit des hommes hypocrites, dévoyés et lubriques. Les déesses riront encore et le Gange poursuivra son cours, indifférent à la dérisoire condition humaine.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset.
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Ce roman m'a offert une plongée en Inde. Dans une ville du nord du pays survivent une mère et sa fille dans la Ruelle, le quartier des prostituées.

Veena est une mère pleine de colère qui se désintéresse de sa fille, bouche inutile à nourrir. Chinti grandit comme elle peut derrière la cloison qui la sépare des activités de sa mère.

Mais à 10 ans, Chinti est une jolie petite fille qui commence à attirer le regard des hommes.

Pas loin, il y a la maison des hijras, ces femmes qui sont nés dans un corps d'homme.

Au milieu de ces femmes un homme, le méchant, propriétaire d'un des temple de la ville dont la concupiscence se drape d'aide aux plus démunis.

Je disais donc que j'ai aimé cette plongée dans l'Inde moderne où l'on brûle encore les corps, où les basses castes sont toujours à part.

Mais sous ce verni de coutume, les hommes sont toujours dominants, décrit comme ayant le sexe à la main comme les divinités qu'ils vénèrent.

J'ai aimé que l'auteure soit au plus près de ses personnages, notamment Bholi et ses barrettes papillons qui brillent.

Une fin un peu cousue de fil blanc qui m'a laissé dubitative après le grand final révolutionnaire.

Et puis Chinti petite fourmi, répété à l'envie, a fini par me lasser.

L'image que je retiendrai :

Celle des odeurs, des saveurs et des couleurs.
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Chanti n'a eu un prénom qu'à ses 9 ans. C'est elle qui l'a choisi. Elle vit avec sa mère dans un ruelle des prostituées en Inde. En évitant de lui donner un nom, sa mère, Veena, pensait qu'elle pourrait l'oublier.
Elle aura essayé toutes ces années en la laissant sans lui accorder d'importance et en la considérant comme une chose dérangeante. Seulement à partir de ses 9 ans, Chanti va être l'objet de l'affection des autres prostitués de la ruelle, leur rendant des services. Malheureusement en grandissant, elle va également attirer l'attention d'un client de sa mère, pourtant un homme saint. C'est à partir de ce moment que le coeur de sa mère va s'emballer, s'inquiéter, complètement démunie face à l'avenir qui attend sa fille mais qu'elle veut lui éviter.
L'histoire est racontée par Sandhana, un émasculé selon les anciens rites, Sandhana vit dans une maison de marginaux, des hijras mis à l'écart de la société et vit de la danse. Elle rencontre Chanti et s'y attache.
On est introduit dans les bas fonds de l'Inde parmi ces femmes qui ont échappé à un avortement sélectif mais abandonnée car avoir une fille c'est un fardeau pour la famille. Elles forment une sorte de famille, mais la rivalité existe malgré l'entraide favorisée par le désespoir qu'elles ont en commun.
Pour récupérer Chanti qui a cédé à l'attention et aux promesses d'abondance de cet homme saint, Chanti et Sandhana vont s'allier et mener bataille. Au vu de leur statut, elles devront faire preuve d'imagination pour ne pas aborder de front cet homme.
C'est une lecture perturbante, bouleversante mais lumineuse et humain. Au fond de cette ruelle avec ces femmes dans le désespoir qui n'ont eu aucun choix à faire, l'auteure allie des personnages improbables guidés par leur amour et leur détermination à sauver une petite fille, lui épargner le même sort, lui offrir un autre avenir.
Cette petite fille devient une cause pour ces femmes déshumanisées, juste considérées comme de la chair.
C'est un dépaysement malheureux mais une magnifique rencontre avec ces personnages.
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J'ai choisi cette lecture parce qu'elle a reçu un Prix des lycéens dont j'apprécie généralement le choix.
Et Je n'ai pas été déçue !
C'est une histoire très forte, très intense, de femmes dans les bas-fonds de l'Inde et de l'espoir donné par une petite fille innocente.
Le tableau du monde indien est très dur, mais hélas réaliste si j'en crois mon expérience de 3 semaines dans le pays, et ce que je lis et apprends sur le pays, qui est paradoxalement un des pays émergents les plus dynamiques et bientôt le premier foyer mondial de peuplement.
Destin et fatalité marquent si fort le pays que c'est difficile d'être optimiste, sauf à s'accrocher à l'espoir que l'avenir peut être meilleur pour les plus jeunes si leurs aînés s'allient pour leur donner un avenir plus radieux ! Et c'est le message de ce livre !
J'ai une pensée pour notre chauffeur de taxi qui nous expliquait collecter le moindre sou pour les études de médecine et d'avocate de ses deux soeurs.
L'écriture est assez poétique, imagée, même quand elle décrit l'horreur, la dureté de ce monde, et le contraste entre le message et le medium est d'autant plus marquant je trouve.
Il y a quand même quelques longueurs dans le défilé des sentiments et des réflexions des différents personnages; le changement de narrateur et l'usage du discours indirect libre m'ont parfois perturbée.
Mais je vais rester marquée par cette lecture, comme pour le film Slumdog millionnaire, par exemple.
A lire !
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Le rire des déesses est mon premier roman de l'écrivaine mauricienne Ananda Devi. Anthropologue sociale de formation, ses différents ouvrages offrent aux lecteurs une vison de l'île Maurice moins idyllique que la vision officielle transmise aux touristes.

Le rire des déesses est un ouvrage clairement féministe : dur, percutant et dérangeant. L'autrice s'intéresse au travers de ce roman aux personnes oubliées de la société indienne : les femmes prostituées et les hijras, qui désignent les personnes transgenres.

Au coeur de la Ruelle, quartier très pauvre ou vivent les prostituées, Chinti est une enfant pleine de vie. Il faut dire qu'elle a été élevée à la dure par sa mère qui ne s'intéresse pas à elle, Cette mère, Veena, ne parvient pas à créer un lien avec elle, à l'aimer, elle ne se l'autorise pas de peur de fendiller sa carapace faîte de colère et de rage. A la Ruelle, la résignation, la tristesse et la colère règnent. L'enfant est le seul rayon de soleil qui subsiste dans ce monde où tout est noirceur. Chinti grandit, cherche de l'affection ailleurs, auprès des autres femmes de la Ruelle et des Hijras, elle s'épanouit et attire malheureusement le regard de Shivnath, homme tout puissant, vénéré tel un Dieu. Cet homme est prêt à tout pour obtenir Chinti, et assouvir ses désirs pervers. Il la kidnappe et l'entraîne à Bénarès pour en faire une déesse, la sienne. Et là Veena se met à redevenir mère, ne voulant pas que sa fille tombe dans les mains. Elle se découvre un amour caché pour sa fille, pour ce qu'elle représente : l'espoir que sa fille pourra sortir de ce quartier, échapper au destin terrible qui les attend toutes. Pour cela, elle s'appuie sur la cohorte des habitantes de la Ruelle, une armée d'ombres transparentes qui iront jusqu'au bout de son chemin, pour préserver Chinti.


Vous l'aurez compris le rire des déesses est un roman fort. Il bouscule, tant par la description de la vie de ces femmes, que par la révélation des pensées les plus intimes, les plus viles de certains personnages. On est emporté dans le tourbillon de rage et de colère que représente Veena, cette mère qui réalise au moment où sa fille est l'objet des délires d'un homme.

On est bouleversé par Chinti, petite lumière, boule d'énergie qui tente d'alléger le quotidien de son entourage, qui prend de la distance avec sa mère par peur du rejet et tristesse, et qui de par l'innocence de son âge, reconnaît en Shivnath, un sauveur, un ange gardien qui peut la sortir de son environnement crasseux. On est en admiration devant le personnage de Sadhana, hijra, belle, forte, lumineuse, qui va devenir la véritable ange gardien de Chinti.

Et on est dégoûté par les pensées obscènes et tordues de Shivnath, personnage mégalomane, qui se considère comme un surhomme, comme un homme de Dieu, qu'aucune loi, aucun être humain ne peut stopper.

Ananda Devi décrit très bien la situation des femmes dans ce pays, avec une écriture imagée, on sent les odeurs, l'encens, les fruits autant que les ordures, on perçoit la ferveur lors du pèlerinage vers Bénarès , ville la plus sacrée de l'Inde, Joyau de l'Hindouisme où l'on brûle les corps de défunts et on se purifie dans le Gange.

Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce roman. Il aborde différents sujets tels que la sororité entre femmes, la religion, la folie de la foi, la pédophilie, la place de la femme et des hijras dans la société indienne, et surtout la difficulté d'aimer son enfant, le développement d'un lien mère-fille qui ne se fait pas naturellement.

Un roman sous forme d'étude anthropologique en quelque sorte.

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Dans les bas-fonds d'une ville indienne vivent des prostituées. Parmi elles, Veena, une femme toujours en colère, même contre sa fille à laquelle elle n'a même pas donné de prénom. C'est l'enfant qui va décider de s'appeler Chinti, la fourmi. Parce qu'elle peut se glisser partout pour observer le monde qui l'entoure, parce qu'elle veut être libre pour ne pas sentir « le poids d'un homme ».
Ce monde, il est laid, sale et figé tant la société indienne est sclérosée par le système des castes, pourtant aboli en 1947, et la religion hindouiste.
Pourtant, dans ce cloaque, il y a quelques lueurs d'espoir : la sororité qui unit toutes ces femmes de peu. Non loin de là, vivent les hijras, une communauté de transsexuels, qui subsistent grâce à leur talent de danseuse et de chanteuse. C'est Sadhana, l'une d'entre elles, qui raconte le destin de leurs soeurs et, surtout, de la petite Chinti, donneuse de joie.
Toutes vont s'unir contre Shivnath, homme de Dieu manipulateur, qui, contrairement à ses congénères juste venus assouvir auprès des prostituées leurs besoins sexuels, veut jouir de l'innocence de l'enfance pour la souiller.
Entre crudité et poésie, Ananda Devi nous livre le portrait saisissant d'un pays, difficile à saisir pour un occidental individualiste, qui navigue entre fatalisme et démesure.

EXTRAIT
Ce pays a parfait l'art de l'indifférence grâce aux mythes qui disent que tout est écrit.
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