Il s'agit d'une histoire complète parue dans le label "Vertigo crime".
L'action se déroule dans l'ouest du Texas, dans les Badlands (des terres impropres à l'agriculture). Une maison isolée au milieu de nulle part est en train de brûler. Un homme blessé par balle en sort ; on lui a tiré dans le dos. Une voiture arrive, avec au volant un père de famille tranquille qui s'est trompé de route et cherche son chemin. Il porte secours au survivant qui lui montre qu'il est armé et qui réquisitionne son véhicule par la menace. Dans la région, Burdon (un noir d'une cinquantaine d'année, agent du FBI) se réveille, se prépare et rejoint la maison en flammes où il devait prendre en charge Miguel Fuentes (un témoin dans un trafic de drogues), avec son partenaire. La disparition de ce témoin capital provoque plusieurs réactions. Tout d'abord le chef de l'agence locale du FBI souhaite savoir ce qui a bien pu arriver et il craint la présence d'une taupe dans son service. Ensuite, il y a 2 marshals du programme de protection des témoins (Witness Protection Program) qui devaient prendre en charge Fuentes ; ils sont bien décidés à comprendre ce qui a pu arriver. Enfin il y a Earl Rawlins (le trafiquant de drogues) qui souhaite achever de limiter les dégâts et s'assurer qu'aucune autre fuite sur ses activités ne vienne les remettre en cause.
Vertigo (la branche adulte de DC Comics) poursuit son programme de sortie de récits policiers en format demi-comics pour essayer de conquérir les rayonnages des librairies. "Rat catcher" est le neuvième essai pour atteindre cet objectif. Cette fois-ci la mission est confiée à
Andy Diggle qui est un scénariste de comics qui s'est illustré, entre autres, par "The Losers" une série d'action à tendance espionnage très convaincante (dont a été tiré The Losers, un film d'action pas convaincant). Pour "Rat catcher", Diggle plonge ses personnages au milieu d'une intrigue bien tordue, avec quelques coups de feu, et un suspense qui va crescendo. le tome débute bien avec un mystère à résoudre (que s'est il passé dans cette maison incendiée ?), des personnages qui s'éloigne des stéréotypes des films d'action (un agent du FBI de 50 ans dont les gestes et le visage accusent le poids des années) et plusieurs factions (FBI local, Marshals, police locale, le blessé, le caïd) ce qui permet d'éviter un schéma simpliste. Et puis arrivé à mi-parcours, Diggle décide de changer la donne en révélant l'identité du traître. le lecteur s'attend alors à une course contre la montre effrénée et une partie d'échecs diabolique entre le traître et le reste des intervenants. Or à la lecture, la deuxième moitié ressemble plus à une promenade entre les balles (avec même un crash d'un hélicoptère) qu'à un suspense psychologique. En effet, les personnages restent très unidimensionnels. Diggle n'essaye même pas d'en faire des individus, il est facile de les distingues physiquement, mais chaque personnage se réduit à un pion sur l'échiquier que le scénariste déplace pour faire avancer l'intrigue. Il m'a été impossible d'éprouver de l'empathie pour l'un ou pour l'autre. du coup, il ne reste plus que les ficelles de l'intrigue qui en deviennent trop mécaniques, trop artificielles parce que le lecteur ne voit plus qu'elles.
Les illustrations sont en noir & blanc (avec des nuances de gris) comme dans tous les tomes de cette collection. Elles ont été réalisées par Victor Ibañez (un dessinateur espagnol). Premier aspect très agréable, Ibañez sait concevoir des personnages réalistes qui se distinguent aisément les uns des autres. Ce point a son importance car les informations ne sont pas répétées pendant la narration et il faut rapidement saisir qui est qui. Il utilise un style graphique qui s'approche du photoréalisme, sans surcharger d'informations ses dessins. Il tire le meilleur parti possible de ce format réduit avec 3 ou 4 cases par page. Il prend grand soin de représenter avec exactitude les éléments techniques tels que les armes à feu, l'hélicoptère, les équipements des membres de l'équipe SWAT (Special Weapons And Tactics), etc. La représentation des terres désolées emmène le lecteur dans ces lieux naturels vides de tout. Chaque élément de la vie quotidienne aux États-Unis (lieux, voitures, habitations) dispose à la fois d'un degré de familiarité générique conférant immédiatement l'ambiance propre à cette région, et à la fois de détails qui rend chaque lieu (avec une mention spéciale pour la scène dans les pissotières et celle dans une station service désaffectée) ou objet unique. Ibañez croque les visages avec une grande précision et un art consommé de l'expression du visage. Là encore, je décerne une mention spéciale à la maman d'un indicateur qui élève des poulets et dont le visage et le langage corporel en font une personne que je reconnaîtrais dans la rue.
"Rat catcher" se lit d'une seule traite avec de bons moments et des illustrations précises, efficaces et au dessus de la moyenne. Cependant Diggle révèle trop tôt l'identité de la taupe et le reste n'est que règlements de compte bien orchestrés mais qui n'ont pas réussi à m'impliquer émotionnellement. La sauce du thriller ne prend pas, le soufflé retombe.