Premier roman de
Ryû Murakami, ce roman a créé un fort engouement et choqué plus d'un lecteur au Japon à sa sortie, et a valu à son auteur de recevoir le prestigieux prix
Akutagawa.
L'auteur nous offre un premier livre intense qui malgré son aspect provocateur se révèle subtil. Cependant il reste clivant : tout est une question de personnalité !
A titre personnel, j'ai beaucoup apprécié ce livre, récit de la vie désordonnée de Ryû et de sa bande d'amis, jeunes japonnais en perte de repères qui partagent leur temps entre drogues, alcool, sexe et musique.
J'ai été saisi par la puissance du texte, par la force de ces instants de vie. Tout le roman semble irradier une sombre énergie : ces jeunes mènent une vie dissolue et paraissent pris dans une spirale destructrice à laquelle ils n'ont aucun moyen d'échapper. Les personnages ne semblent avoir aucun futur et portent tous un sentiment de vide désabusé ou d'expectative fébrile et pourtant ils brûlent d'une fureur de vivre, dont témoigne la frénésie avec laquelle ils pratiquent toutes sortes d'activités. Mais toute cette action ne peut pas masquer ni au lecteur ni à ces jeunes le sentiment de vide qu'ils ressentent, que ni les plaisirs artificiels des drogues ni ceux fugaces du sexe ne peuvent tromper.
C'est toute l'habileté de Ryû Muakami que de parvenir avec autant de justesse à montrer la rupture de toute une frange de la jeunesse nipponne avec une société qui apporte certes stabilité matérielle mais qui est dépourvue de toutes valeurs. de cette déliquescence s'explique le choix de cette jeunesse qui préfére se réfugier dans sa propre destruction par la recherche toujours plus vertigineuse d'un plaisir artificiel, qui ne peut amener qu'à la destruction de l'être.
En tant que lecteur, je me suis surpris en manifestant un intérêt croissant au fur et à mesure que ces jeunes s'enfonçaient de plus en plus dans leur propre débauche, ce qui a créer en moi une sensation de malaise assez forte née de ma curiosité, il faut bien l'avouer, malsaine. Ce qui m'a fasciné est le déni d'avenir de la part des personnage et leur plongeon dans l'autodestruction. En outre, j'ai beaucoup apprécié le style très particulier de l'auteur.
En effet, le mérite de l'écrivain est aussi stylistique. La violence du style, parfois assez cru et le choix de faire du roman dans sa plus grande partie une suite ininterrompue de débauches signe la volonté de bousculer le lecteur, voire de le provoquer, choix qui s'il détourne du livre certains stimule l'intérêt d'autres. L'action du livre est également bien bâtie, alternant de courts chapitres qui sont autant de moments aussi intenses les uns que les autres et permettent au lecteur de voir toute une gamme de jeunes aux personnalités différentes. Par ailleurs quelques passages sont réellement des moments assez poétiques.
Par dessus tout , j'ai vivement apprécié la fin, qui tranche de manière spectaculaire avec le reste du récit. Alors que jusque là il était donné à lire au lecteur un style vif mettant la réflexion au second plan, la fin est poétique et symbolise le message que l'auteur veut nous faire passer : l'ombre que Ryû croit s'abattre sur lui et qui le plonge dans la confusion et la terreur symbolise la victoire d'un monde funeste et vide de sens qui s'impose au personnage, en dépit de toute sa volonté d'y échapper par tous les moyens possibles.