Les Croix de bois de
Dorgelès est un roman dur, triste, sans concession sur la boucherie que fut la Première Guerre Mondiale.
Qu'il m'a été dur de le finir, ce texte. Chaque chapitre en rajoute une couche, dans tous les registres. On découvre les petits arrangements de la guerre, les inévitables passes droit, la solidarité entre les hommes mais aussi les jalousies et les vexations dûent aux différences sociales, aux caractères qui se mêlent plus ou moins bien ; puis on découvre les batailles le terrain, les marches forcées, la nourriture, les logements, les corvées, les lits, les lettres qui n'arrivent pas ; puis la bataille, la guerre, la vrai, l'horrible: les camarades qui meurent, l'artillerie qui rend sourd, qui rate sa cible, qui tire sur son propre camp, les gaz, les mitrailleuses, la boue, la pluie: l'enfer. On se bat même dans les cimetières...
Il y a aussi, heureusement quelques moments de joies, les permissions à l'arrière, les petits bonheurs de la soupe chaude, du sommeil dans une écurie et pas dans la boue, des rires avec les camarades, des photos de fiancées qui tournent, des lettres toutes chaudes et douces qui arrivent de l'arrière, des colis qui améliorent un peu l'ordinaire, du vin chaud qu'on peut faire dans l'âtre avec ses hôtes... Mais cela c'est à chaque fois après et avant le front, avant la tranchée et les pluies d'obus, avant les camarades qui tombent un à un, ceux qui perdent un bras, deux jambes, u
n oeil, la mâchoire ou deux doigts....
Ce livre c'est la guerre, vue des tranchées. Pas de l'arrière, pas de Paris, pas des campagnes (
Le Grand Troupeau de
Giono), pas des canons, pas d'un cheval ni d'un avion mais à hauteur d'homme, à hauteur de biffin, juste au ras du sol, en tentant d'éviter les schrapnells. le style est très sobre, proche du langage oral souvent mais aussi poétique parfois, toujours soucieux du réel et du détail important, jamais lyrique ou épique. Où serait le besoin d'en rajouter quand la véritable horreur, la simple description de ce qui s'est passé suffit. Car l'auteur a vécu ce qu'il écrit. Il est dans son récit, il raconte sa guerre. Il était soldat.
Aussi son roman est-il en grande partie autobiographique, ce qui n'enlève rien au talent d'écrivain qu'il lui fallut pour réussir, un an à peine après la fin de la guerre à publier ce récit, déjà distancié, sans haine de l'allemand, sans rancune envers chefs, anglais, politiciens. C'est la force de ce livre que de n'être pas à charge. Un seul message: la guerre est horrible, la vie est belle simple et en paix et à nous de nous en rendre compte sans avoir besoin de planter tant de croix de bois dans les champs et sur les bords des chemins.