Elsa Dorlin ouvre son ouvrage par l'élaboration d'un cadre théorique avant de passer à la démonstration. N'en ayant pas l'habitude, j'ai tout d'abord été rebuté. Mais cette première partie fonctionne comme une véritable grille de lecture. Un peu comme si E. Dorlin fabriquait ses outils d'historienne sous nos yeux.
Si j'avais jusque-là une perception intuitive de discriminations imbriquées ou intersectionnalisées, l'autrice apporte une profondeur historique montrant d'une part de quelles manières les évolutions de la médecine depuis le 16ème siècle en Europe ont construit corps féminins et masculins en apportant un crédit scientifique à la reproduction de la domination masculine, et, d'autre part de quelle manière cette polarisation a permis d'asseoir et de justifier le système esclavagiste et les théories racistes.
Plus anecdotique dans le livre mais pas dans l'absolu, les passages sur les nourrices depuis les commentaires d'Ambroise Paré font apparaître qu'une nourrice en bonne santé et de bonnes moeurs est mère d'au moins 2 à 3 enfants. Serait-ce les prémisses qui fondent encore aujourd'hui les bases légales de la famille nombreuse et d'une des voix d'accès pour les femmes à certains emplois?