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EAN : 9782234071643
288 pages
Stock (25/01/2012)
4.5/5   2 notes
Résumé :

Il y a eu plus d’un million d’appelés en Algérie, mobilisés pour ce qui, alors, n’était pas reconnu comme une guerre. Pour beaucoup d’entre eux, l’expérience marquante, voire traumatisante, de ce conflit sans nom et sans gloire est restée enfouie dans le silence. Elle n’avait pas de place dans l’histoire officielle et suscitait plus de gêne que de curiosité.

Leurs proches eux-mêmes posaient peu de questions. Au fond, personne ne souhaitait vr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le choc de l'instant m'a imposé des images crues et déchirantes, qui ont fait effraction

« Ce livre est celui d'une héritière malgré elle, qui, se sentant subitement reliée à une histoire plus vaste que la sienne, a tenté d'ouvrir les yeux et les oreilles sur ses contemporains au sens large, toutes générations confondues, ceux, qui vivent aujourd'hui et qui ont pu avoir une vision du monde, à un titre ou un autre, modelé par le vécu d'un membre de leur famille, appelé en Algérie »»

A partir d'entretiens, Florence Dosse nous propose un livre, sur la mémoire, sur « une mémoire de la mémoire ». La première partie « donne la voix aux appelés qui racontent à la fois leur vécu et la façon dont ils l'ont assimilé, parfois évoqué, le plus souvent tu, pendant et après guerre », la seconde « concerne les femmes, qui ont été contemporaines de la guerre et ont pu en ressentir les soubresauts à distance sur la scène métropolitaine », la dernière « rend compte de ce dont les enfants des appelés d'hier ont hérité de ces mémoires croisées, individuelles et collectives ».

Avant d'en venir aux propos de l'auteure, je voudrais revenir sur cette histoire dénaturée, non seulement par ceux qui prônaient l'Algérie Française, ceux qui ont entamé et/ou poursuivi cette guerre contre l'indépendance nationale de populations colonisées (SFIO), mais aussi ceux, comme le PCF, qui nièrent la “nation” algérienne, votèrent les pouvoirs spéciaux pour assurer le maintien de l'ordre, de l'ordre colonial, se prononçant très tard contre l'intervention de l'armée.

A l'inverse, elles et ils ne furent pas nombreuses et nombreux, celles et ceux qui ont soutenu les algérien-ne-s révolté-e-s contre le pouvoir colonial, le FLN dès la fin de l'année 1954. Il leur fallut du courage pour assurer des actes de solidarité active, quelque fois sous des formes inattendues (construction d'une usine d'armes au Maroc, fabrication de faux papiers, voire de fausse monnaie, sans oublier les porteurs de valise, les hébergements de clandestins, etc.), pendant que d'autres, avec retard manifestaient sous des banderoles “Paix en Algérie”. La paix mais pas l'indépendance de l'Algérie ni le soutien à la lutte d'autodétermination des populations algériennes. (sur ce sujet voir le beau livre de Sylvain Pattieu: Les camarades des Frères : trotskistes et libertaires dans la guerre d'Algérie (Syllepse 2002).

La mémoire ici, c'était, jusqu'à un temps récent, Charonne mais pas le massacre du 17 octobre 1961.

Ces éléments, évoqués avec d'autres mots par l'auteure, ne me semblent pas sans conséquence sur l'activation ou non de la mémoire, sur la légitimité ou l'illégitimité de quelques années de vie.

D'abord le silence « Ce silence est spécifique et composite : silence individuel silence social, silence politique se sont mutuellement renforcés et l'ont emporté sur les prises de parole, parfois vives et révoltées, apparues dès les premières années de la guerre. »

Et le silence officiel orchestré par des lois « il a été clairement signifié que le rappel des faits et la poursuite des tortionnaires par leurs victimes sont interdit ». Florence Dosse a bien raison d'indiquer que ces lois « viendront resserrer les verrous autour d'une mémoire indigne et l'enfouir dans le silence des mémoires individuelles ».

L'auteure détaille le « vivre avec » dans un contexte de « mésécoute générale ». Elle remonte le fil du temps, de l'arrivée en Algérie, la découverte de l'autre, le quotidien à l'armée comme rite de passage à l'âge adulte, les perceptions, les permissions et les approches de la libération.

En renvoyant tantôt au passé, tantôt à sa mémoire, tantôt aux occultations, l'auteure construit une perspective qui oblige à questionner à la fois l'histoire et sa transmission.

Ces questionnements ne sont pas seulement abstraits, « Si se découvrir un père qui a tué – même en situation de guerre – n'est pas une chose simple à admettre, la question de la torture est plus difficile à soulever encore : apprendre que son père a pu être amené à se conduire en tortionnaire marque un degré de plus dans l'assimilation d'une réalité terrifiante. » ;

Des mémoires, la mémoire comme construction sociale. Des parcours individuels et aussi une évocation pertinente de ces réalités, là-bas et ici, de ce que fut cette sale guerre et quelques uns de ses prolongements…

Un ouvrage passionnant de plus dans la belle collection Un ordre d'idée.
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Françoise Dosse est une « fille d'appelé ». Ce terme, qui pourrait paraitre saugrenu, prend tout son sens au fil de cette enquête richement documentée qui tire sa genèse de la prise de conscience de l'auteure sur le passé algérien de son père. Elle choisit de s'inscrire dans une démarche collective plutôt qu'isolée, se faisant le porte-parole des enfants d'appelés. Trois mémoires s'y entrecroisent : celles des appelés, de leurs épouses et de leurs enfants. Sans tabou ni parti pris, elle livre la parole de l'appelé qui peut enfin se libérer, chacun rapportant « sa » guerre d'Algérie. Les appelés et rappelés, alors jeunes hommes de 20 ans, ont dû rapidement prendre l'uniforme et intégrer les codes de la vie militaire, puis ont été invités tout aussi rapidement à oublier leur parenthèse algérienne. A la fin de la guerre, la volonté du gouvernement d'alors était d'effacer de la mémoire collective cette page peu glorieuse. La guerre d'Algérie se situe dans la période des trente glorieuses, et précède de peu mai 68, elle n'a donc suscité que très peu d'intérêt dans l'opinion publique. Elle a pourtant concerné une grande partie de la population française puisque, par vagues successives, plus d'un million de jeunes y sont partis. A leur retour, ils ont été peu interrogés par leurs familles qui, soit n'avaient pas conscience de l'horreur vécue, soit préféraient, par pudeur, rester dans l'ignorance. de manière générale, ils se sont plongés dans un mutisme et ont tenté de tourner la page. La majeure partie des appelés n'était pas ou était peu politisée. Ils partaient par devoir, dans le cadre d'un service militaire obligatoire auquel ils n'auraient pas eu l'idée de se soustraire. Si le motif officiel était la pacification d'un territoire français, beaucoup se sont interrogés sur la réelle raison de leur présence dans un pays qui n'avait rien de commun avec la France. « La France de Dunkerque à Tamanrasset » ou encore « La Méditerranée traverse la France comme la Seine traverse Paris » tels qu'on pouvait les entendre à l'époque leur apparaissait plus que jamais vides de sens. Les héros de cette guerre qui n'en portait pas le nom (il faudra attendre 1999 pour que soit reconnu officiellement le terme de « guerre » et non plus « d'évènements » sont pour une partie d'entre eux revenus traumatisés. Ils ne sont pourtant pas fêtés comme ceux de 14-18 ou de 39-45 qui les raillent, ne leur reconnaissant pas le statut d'anciens combattants, considérant qu'ils n'ont pas fait une vraie guerre qu'ils ont d'ailleurs perdue. le gouvernement ne leur accordera ce statut qu'en 1974, soit 12 ans après la fin de la guerre. S'il n'y a jamais eu de déclaration de guerre, c'est pour la simple raison que l'Algérie était alors un territoire français mais ce maintien de l'ordre, raison invoquée alors, coûtera la vie de 30 000 hommes. de manière générale, les enfants d'appelés ont toujours su que leurs pères avaient « fait » l'Algérie. Bien souvent, des objets ou photos non dissimulés en témoignent mais les photos édulcorées de ces grands adolescents à peine sortis de la puberté et semblant jouer aux soldats sous le soleil algérien n'invitent pas à la prise de conscience. L'ouverture des archives dans les années 90 a pu lancer le débat et y conduire certains. Une question, latente et indicible, demeure sur toutes les lèvres. A-t-il tué ? Ou pire torturé ? Comment amorcer la discussion ? Pourtant, même s'ils n'en ont pas conscience, les enfants d'appelés sont porteurs de cet héritage et des non-dits qui l'entourent mais ne s'inscrivent pas dans un lien généalogique sur le sol algérien, n'appartiennent à aucune communauté et n'ont aucune existence sociale. Parfois, les anciens appelés, sont plus diserts avec leurs petits-enfants, auxquels ils se livrent plus facilement. Selon l'auteure, la finalité de ce vaste travail de mémoire étant de panser les blessures et réconcilier les différentes communautés autour de ce passé commun.
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Ce livre est une merveille d'intelligence et de plus sur un sujet rarement abordé, les conséquences traumatiques directes ou prpopagés des ravages psychologique d'une gurre .tout en finesse et nuance, bravo à Florence.Par contre, que fait Florence ? est elle journaliste, ethnologue, l'édition aurait pu le préciser au delà de "c'est son premier livre" ou précision similaire. Merci si vous avez une réponse.Est il possible de correspondre avec l'auteur de celivre SVP si elle l'accepte bien sûr ? là aussi merci de votre réponse !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
L'enjeu de l'appropriation de la mémoire par les générations suivantes n'est pas de reproduire et de reconduire le cloisonnement des mémoires autour de la guerre, mais de le dépasser par l'intégration d'un passé dans lequel les antagonismes entre descendants des différentes communautés n'auraient plus lieu d'être : enfants de harkis, d'immigrés, de pieds-noirs, d'appelés dans la guerre en Algérie, tous sont, à des titres différents héritiers des mémoires blessées de leurs parents
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Si se découvrir un père qui a tué – même en situation de guerre – n’est pas une chose simple à admettre, la question de la torture est plus difficile à soulever encore : apprendre que son père a pu être amené à se conduire en tortionnaire marque un degré de plus dans l’assimilation d’une réalité terrifiante.
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Ce livre est celui d’une héritière malgré elle, qui, se sentant subitement reliée à une histoire plus vaste que la sienne, a tenté d’ouvrir les yeux et les oreilles sur ses contemporains au sens large, toutes générations confondues, ceux, qui vivent aujourd’hui et qui ont pu avoir une vision du monde, à un titre ou un autre, modelé par le vécu d’un membre de leur famille, appelé en Algérie
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Contrairement à leurs pères et à leurs grands-pères mobilisés lors des deux conflits mondiaux, eux n'avaient pas fait la guerre, ou, s'ils l'avaient faite, avaient participé à une sale guerre dont ils n'avaient pas à se vanter : ce sont des propos que beaucoup ont entendu au retour dans leur famille.
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Quand le nœud de la honte familiale prend source dans un non-dit, le fardeau non déposé se transmet à l'insu de tous, créant un héritage de la honte
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Videos de Florence Dosse (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Florence Dosse
Mémoire franco-algérienne - Soirée France-Algérie sur Mediapart .2e débat : 50 ans après, réconcilier les mémoiresDiscussion entre :? Florence Dosse, écrivaine, auteure de Les Héritiers du silence, enfants d?appelés en Algérie, Ed. Stock.? Fatima Besnaci-Lancou, écrivaine, auteure de plusieurs ouvrages, a dirigé le numéro de la revue Les Temps Modernes, Les harkis, 1962-2012. Les mythes et les faits.? Pierre Daum, journaliste, auteur de Ni valise ni cercueil ? Les pieds-noirs restés en Algérie après l?indépendance, Ed. Solin/Actes Sud.? Mehdi Lallaoui, écrivain et réalisateur, président de l?Association « Au nom de la mémoire ».? Christian Phéline, auteur de L'Aube d'une révolution, Margueritte, Algérie, 26 avril 1961, Ed. Privat.
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