Comme
Christopher Tolkien sut enrichir l'oeuvre de son génial père,
Adrian Conan Doyle – en collaboration avec
John Dickson Carr – a fait de même en prenant le parti de développer des enquêtes de
Sherlock Holmes seulement nommées dans l'oeuvre paternelle.
Ainsi, à travers douze récits, les deux auteurs renforcent en quelque sorte le mythe de
Sherlock Holmes et son monde, à savoir le docteur Watson, incontournable narrateur de ses aventures ; les inspecteurs Lestrade et Gregson, pas toujours inspirés et quelque peu ridiculisés par Holmes ; madame Hudson, la discrète logeuse de Baker Street, parfois inquiète lorsque son turbulent locataire s'essaie à tirer dans l'appartement ; sans parler des victimes et criminels croisés ici, hommes et femmes confondues. Mais pas de trace du génie du crime : le professeur Moriarty.
Sur le chapitre des femmes, il semble qu'elles soient toutes exceptionnellement belles, et parfois machiavéliques, comme Edith von Lammerain, aventurière et espionne de son état. Ce qui est indéniable, c'est qu'Holmes développe ici une misogynie qui, à notre époque, lui vaudrait le bûcher féministe ! Pour exemple, après avoir résolu une affaire, et voyant l'une d'elles accourir à lui pour le remercier, voici ce qu'il déclare : « Bien que je ne manque pas de galanterie, je ne me sens absolument pas en état de recevoir les effusions de la gratitude féminine »… !
Certains spécialistes de
Sherlock Holmes trouveront d'ailleurs que ces nouvelles forcent les traits de caractère de l'enquêteur, ce qui est vrai. Pour autant, ces aventures sont rondement menées, ne perdent jamais le lecteur et surtout elles offrent une variété édifiante d'affaires, entre un mari fatigué, un vol de rubis et un guillotiné, notamment.
Il y a aussi les dernières lignes de la dernière aventure, qui disent combien le temps passe : « Par la fenêtre qui surplombe la modeste pelouse de notre ferme, je vois
Sherlock Holmes marcher au milieu de ses ruches. Il a les cheveux tout blancs », écrit Watson.
Ce qui me fait penser à un très émouvant film de Bill Condon – Mr. Holmes – dans lequel le célèbre enquêteur, alors vieil homme, est interprété par un magistral
Ian McKellen.
Quant à ceux qui reprocheraient cette manie de ressusciter inlassablement des figures romanesques disparues, n'oublions pas que l'on continue d'écrire sur Achille et Hector, tous deux morts à Troie voici quelques millénaires. Et, à sa manière,
Sherlock Holmes n'est-il pas devenu un mythe qui appartient à tous ?