Les accommodements raisonnables

Dites à un type qu'il y 300 millions de planètes dans le ciel et il vous croira sur parole,
ajoutez que le banc devant lui vient d'être repeint de frais et il ne pourra pas s'empêcher de le toucher du doigt pour vérifier.
Toutes ces religions (de merde) ont bien compris cà, plus l'histoire est énorme, plus elle paraît inconcevable, et plus çà marche.

Cela faisait presque une semaine que j'avais remis ma vie entre les mains de Boban Kutzuric. Au studio, il passait pour une sorte de mage capable de réduire les lombalgies, les sciatiques et d'escamoter les cervicalgies, fussent-elles, comme celle qui m'accablait, provoquées par des lésions de discarthose intéressant le couple C4-C5. Boban Kutzuric était d'origine serbe, ce qui constituait en soi une indication thérapeutique.

Il marchait à petits pas en tripotant son chien. A le voir ainsi caresser cet animal, on mesurait à quel point il détestait les hommes.

Dès la sortie du port, mon père retrouva son assurance et enfonça les manettes de gaz. L'Arcoa s'envola. Il décollait de l'eau avant de la fendre à nouveau, cassant chaque fois la mer avec plus de violence et laissant derrière lui la cicatrice d'un sillage démesuré....Je n'avais pas été élevé ainsi, et cet usage de la mer et des bateaux à moteur m'apparaissait véritablement obscène. Il y avait quelque chose d'irrespectueux, d'insolent à cravacher sans but dans le vacarme des combustions, à faire gueuler ses tuyères, à fracasser la mécanique au coeur de ce monde immense, vivant et silencieux.

- J'ai oublié de te parler d'Anna. Je suis passé la voir dans l'après-midi. Je l'ai trouvée bien. Bien mieux qu'à ma dernière visite. Elle était en train de lire. Un livre qui n'est peut être pas tellement indiqué dans son état. Le titre, ça m'a marqué, c'était "De la maladie" de Virginia Woolf....Anna lisait "De la maladie" et semblait en meilleure forme. cela faisait partie des mystères de nos vies.

- Ça m'étonne de toi - Quoi? - Que tu aimes Bayrou - En politique, fiston, je n'ai jamais varié d'un iota. Centriste depuis le berceau. - Et toi, l'athée de toujours, ça ne t'embête pas de voter pour un vrai catholique? - ça n'a rien à voir. - Comment, ça n'a rien à voir? Bayrou c'est l' archétype du croyant pratiquant. Il est toujours fourré à l'église. - Et alors? Moi aussi j'étais fourré à l'église, ça ne m'empêchait pas d'être athée.
Mon père n'était plus à une cabriole intellectuelle près. J'avais peine à imaginer l'organisation de son cerveau et la nature des hiérarchies qui le structuraient. En tout cas, dans des moments pareils, il exsudait la mauvaise foi.

« – Le tapis roulant qui achemine le cercueil au cœur du four rencontre une anomalie. Le système d’allumage des rampes de gaz est également affecté par la panne. J’espère que nous allons solutionner ces problèmes très rapidement.
Sa voix flûtée, haut perchée, tranchait avec la gravité de son allure, comme s’il était doublé par un ridicule personnage de dessin animé.
Mon père hocha la tête avec un léger sourire qui pouvait laisser croire à une certaine bienveillance. En réalité, je savais qu’il pestait intérieurement contre cet accroc mécanique qui retardait le moment tant attendu où le sauteur partirait en fumée.
– Décidément, ton oncle nous aura fait chier jusqu’au bout. »
Entre son épouse en pleine dépression et un père qui lui a menti toute sa vie, Paul Stern a envie de tout laisser en plan. Pour sa part, il est aux prises avec le diable de la tentation.
Une singulière proposition de travail, à un bien curieux moment de sa vie : un producteur lui propose de s’atteler à une nouvelle histoire. Le seul problème éventuel est que le lieu de travail se situe à Hollywood, dans les studios de la Paramount. Il part.
Sa rencontre avec Selma Chantz fait alors basculer sa vie : Selma est le sosie de son épouse. La copie est aussi troublante, aussi parfaite et désirable que l’original avait pu l’être en son temps.
En d’autres termes, la jeune femme a l’âge de ses enfants et le visage de leur mère. Drôle, cinglant et désespéré, Les accommodements raisonnables est probablement le roman le plus incisif de Jean-Paul Dubois, qui conserve toute la fraîcheur de son écriture.

Je m'entête à l'apeller "Les arrangements ordinaires" mais finalement c'est ça aussi... les petites trahisons, lâchetés, complaisances si communes qu'il ne se trouve plus personne pour les dénoncer !

Il est parfois plus simple de coucher avec une inconnue que de s'allonger auprès de sa propre compagne. Cette évidence m'obséda durant tout le dîner.

Mais non, Paul, la vie continuera sans toi parce tu ne sers à rien ici.