Citations sur Une vie française (233)
En 1976, le monde était encore vieux, conventionnel, régi en sous-main par la morale des soutanes. Un enfant devait avoir un père et une mère officiellement liés, un état civil conforme aux canons menaçants des bons usages.
Telle était ma famille de l'époque, déplaisante, surannée, réactionnaire, terriblement triste. En un mot, française. Elle ressemblait à ce pays qui s'estimait heureux d'être encore en vie, ayant surmonté sa honte et sa pauvreté. Un pays maintenant assez riche pour mépriser ses paysans, en faire des ouvriers et leur construire des villes absurdes constituées d'immeubles à la laideur fonctionnelle. En même temps les boîtes des automobiles passaient de trois à quatre vitesses. Il n'en fallait pas plus pour que le pays tout entier fût convaincu d'avoir enclenché la surmultipliée.
"C'est un très long travail qui demande patience et exigence. Qu'en pensez-vous ?
Rien ne pouvait me séduire davantage. Cette idée me semblait totalement irréelle, coupée à l'exacte mesure de mes ambitions. Etre payé pour regarder le monde et l'admirer. Ne parler à personne. Vivre dans le retrait des bos. Apprendre des arbres et de la terre. Oublier les remontoirs du temps, simplement traîner sur ses traces. Et toujours emplir chaque image de toutes ces petites choses invisbles qui pourtant sont là et transcendent la bauté de ce qui nous entoure. Il me parlait, et j'étais déjà au pied d'un cèdre que je connaissais, cherchant le cadre, la lumière."
"Je n'étais plus le frère cadet de l'incomparable Vincent Blick, mais, ce qui était tout aussi intimidant, "un homme fait de tous les hommes qui les vaut tous et que vaut n'importe qui".
"La politique représentait, pour elle, une activité réservée aux retraités ou aux snobs, un divertissement à mi-chemin de la philatélie et du golf. Il fallait avoir du temps, disait-elle, pour s'intéresser à des hommes qui ne s'intéressaient jamais à vous."
Lorsque le vent s'engouffrait dans la forêt, on aurait dit soudain qu'une marée d'équinoxe battait au cœur des bois, que les forges de la mer ronflaient à deux pas. Je pouvais rester des heures au seuil de cette chorale marine à écouter le bruit des vagues fantômes.
« Tous les citoyens qui sont cités comme jurés devraient passer un court séjour derrière les barreaux pour connaître ce qu’ils vont infliger aux accusés. En garde à vue, le cerveau humain ressasse, imagine, cauchemarde, tourne en boucle jusqu’à la folie. […] Renoncer au monde, plonger en soi, se couper de tout désir. Accepter son sort avec abnégation. Perdre toute curiosité, toute interrogation existentielle, devenir une plante verte. J’ai pleinement conscience que cette aventure est ridicule et que je suis juste un enfant gâté que l’on a privé de son confort pour le punir de ses excès de gosse de riche attardé. »
« Une histoire d’amour ratée dont mon frère et moi sommes les fruits. Nous avons vécu un bonheur Canada Dry. C’est une vie qui a l’apparence du bonheur…ça ressemble au bonheur, on dirait du bonheur mais ce n’est pas du bonheur. On devrait être heureux, on ne l’est pas ; alors, on fait semblant. »
En réalité il possédait autant de discernement qu'un juke-box.
...Dans l'esprit de Grégoire elle n'était pas à proprement parler un objet, mais simplement ce qu'il avait trouvé de mieux sur le marché pour rassurer son ego. (p. 128)
J'avais une fille, je débordais de fierté. Une fille. Le plus beau cadeau que la vie puisse faire à un homme