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Citations sur Une vie française (229)

Ce qu'Anna appelait le monde réel était l'univers des affaires, un globe suffisant et mature régi par des gens avisés, responsables, embauchant à la petite cuillère, licenciant à grands seaux, transformant habilement le travail en une denrée aussi rare que le cobalt et dressant des générations entières à l'humiliant exercice de la génuflexion.
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... dans le Var, on trouvait des chênes-lièges agés de mille ans. [...]
Je me disais que ces arbres devaient avoir, quelque part, une mémoire, sans doute bien différente de la nôtre, mais capable d'enregistrer l'histoire de leur pré, les fréquences bavardes des villes lointaines. Il ne faisait pour moi aucun doute qu'ils possédaient aussi une intelligence du monde tout aussi subtile que celle dont nous prévalons. Comme nous, ils avaiet pour mission de construire leur destinée à parti de rien, d'un hasard et d'une nécessité combinés, d'une simple graine transportée par le vent ou un oiseau, et ensuite de s'accomoder du sel de la terre et des eaux de la pluie.
Fourmis agitées nous nous démenions pour trouver une place en ce monde. Les arbres ne devaient rien comprendre à notre espèce. Petits mammifères agressifs à la maigre espérance de vie, nous combattions sans cesse et tombions inexorablement à leurs pieds sans jamais prendre racine nulle part. Nous ne semblions jamais tirer aucun enseignement durable de nos erreurs. Même si nous étions capable d'inventer des boissons gazeuses et des téléphones dans fil.
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Moi, si souvent carapaçonné par les pesanteurs de l'indécision, évaluant sans cesse les répercussions du déplacement du moindre pion, je suis depuis toujours fasciné par ces natures capables de déclencher délibérément un séisme domestique, de répudier, en quelques mots, une existence consommée, de vider le corps d'une armoire, de passer d'une maison à une autre, de changer de lit, de partenaire, parfois même d'opinions, et cela, comme disent les Araméens, en moins de temps qu'il n'en faut à une chèvre pour mettre bas.
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— Je voudrais que chaque arbre soit portraituré avec autant de soin que l’étaient, jadis, les acteurs, au studio Harcourt, vous voyez ce que je veux dire ?
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Les flammes de la mémoire dansent dans tous les sens, dispensent leur lumière, repoussant d’heure en heure l’implacable emprise du noir.
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— Qu'est-c'qui vous prend, m’sieur Block, là ? Vous m’avez fait peur, là.
— Blick.
— Quoi, Blick ?
— Mon nom c’est Blick, pas Block.
— Oui, m’sieur Blick, là, c’est quoi ces façons, là ?
— Je vous le répète : tant que je travaillerai dans ce service, vous parlerez respectueusement à M. Delmas. Et ce soir, avant qu’il parte, vous irez vous excuser auprès de lui.
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À la suite de ce bref séjour dans cette administration, j’ai commencé à être victime d’un tic étrange qui, depuis, ne m’a jamais quitté. Il s’agit d’une fixation involontaire de mon esprit sur un nom propre que je peux mentalement répéter sans vraiment m’en rendre compte pendant plusieurs jours, des semaines, des mois, voire, pour certains, des années. Parfois, lorsque je prends conscience de cette rumination de l’esprit, j’éprouve le besoin irrépressible de prononcer le patronyme à voix haute. Comme pour me prouver que ce rabâchage en boucle est bien réel et que je ne suis pas fou. Tout cela est d’autant plus ridicule qu’il s’agit généralement de noms de sportifs peu connus enregistrés en dehors de ma volonté voilà des années, et qui, soudain, s’imposent à moi. Ainsi je me souviens d’avoir mille fois prononcé « Zeitsev » qui était, je crois, arrière ou ailier dans l’équipe de hockey de l’Union soviétique des années soixante-dix. J’ai aussi beaucoup aimé dire « Hoegentaler », un footballeur allemand. Depuis quelques années, je suis envahi par des patronymes de marque comme « Jonsered » (tronçonneuses), ou « Gorenje » (électroménager), ou « Ingersöll » (compresseurs). Ce tic, discret désordre compulsif, s’enclenche à n’importe quel moment, sans que je le veuille, les jours de peine comme dans les moments de joie. Rien ne me différencie alors des autres hommes, sinon cette sorte de mantra insidieux et têtu qui colonise ma tête à la façon d’un vieux disque rayé : « Jonsered-Jonsered-Jonsered-Jonsered… »
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Avec ses grues, ses engins mécaniques, ses innombrables petites unités architecturales cubiques, l’université du Mirail ressemblait à l’idée que l’on peut se faire d’une station balnéaire en construction. Une petite ville bon marché, populaire mais sans mer à proximité, bâtie à la va-vite pour entasser l’exceptionnelle génération spontanée d’étudiants éclose en 1968. En sociologie, première UER à émerger de ce nouveau continent, la vie était douce, l’enseignement facultatif et le gauchisme obligatoire. Le professeur le plus à droite de toute l’unité était membre du Parti communiste français. Les autres, d’obédience trotskiste, anarchiste ou maoïste, se haïssaient et se livraient des guerres d’influence sournoises pour imposer leurs prêches dans ces nouvelles chapelles gauchistes. Trop occupés à ferrailler et à s’affronter dans de subtiles joutes idéologiques, ces intellectuels nous distribuaient avec une grande prodigalité des unités de valeur qui, bien sûr, n’en avaient aucune.
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La grandeur d'une destinée se fait de ce que l'on refuse autant que de ce que l'on obtient.

CHARLES DE GAULLE (4 octobre 1958 — 28 avril 1969).
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Il était impossible de ne pas avoir son baccalauréat en 1968. Amputé de ses épreuves écrites, l'examen se résumait à une méfiante poignée de main entre l'élève et le professeur, ce dernier félicitant systématiquement le premier pour la brillance et la concision d'un exposé qui parfois n'avait même pas été prononcé. Pour une fois, les petits douaniers du savoir furent contraints de relâcher leur vigilance, d'abandonner leur zèle et de laisser passer la lie des contrebandiers qu'en d'autres temps ils se faisaient une joie et un devoir de questionner, fouiller et refouler. […]
Outre les frissons de joie ressentis à l'occasion de ces inattendus face-à-face, je compris, grâce à ces oraux et au mouvement qui les avait imposés, que, dans la vie d'une société, tout était régi par des rapports de force. Si l'on était assez nombreux pour les inverser, les vautours sanguinaires d'hier se transformaient instantanément et comme par magie en une nuée d'insignifiants moineaux.

CHARLES DE GAULLE (4 octobre 1958 — 28 avril 1969).
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