Louis XIV et son siècle

« Louis XIV et son Siècle » est paru à peu près en même temps que « Les Trois Mousquetaires ». C'est un ouvrage moins tourné vers l'imagination, qui se donne davantage des airs d'essai historique.
Les badinages d'Anne d'Autriche et de Buckingham y sont relatés sans être aussi développés que dans « Les Trois Mousquetaires ». Dumas leur accorde tout de même une importance extraordinaire, une grande partie de la vie politique française sous Louis XIII résultant de leur flirt. L'aventure entre la reine et Buckingham se passe une dizaine d'années avant la naissance de Louis XIV, au milieu de ce que Dumas appelle les vingt-deux ans de « stérilité » du couple royal (en fait une série de grossesses malheureuses), ce qui devait être un grand sujet de préoccupation à l'époque et, par conséquent, la source de bruits calomnieux.
Et ces bruits nous mènent droit à la théorie légèrement « complotiste » ou fantaisiste qu'Alexandre Dumas se faisait de l'affaire de l'homme au masque de fer, puisqu'il laisse entendre que cet homme aurait pu être le fils d'Anne d'Autriche et de Mazarin. Mais, là encore, toute cette histoire est moins développée que dans ses romans ultérieurs, juste une ou deux allusions prudentes.
Vingt ans après le duc de Buckingham, et quelques conspirations déjouées, se déroule l'évènement de ce siècle sur lequel Dumas s'attarde le plus : la Fronde. Il décrit un Louis XIV, encore enfant et impuissant, soumis à Mazarin, très marqué par cette « guerre burlesque, où chacun resta au-dessous de sa réputation ». le Mazarin conçu par Dumas est plus avare que malhonnête, avec un bilan positif malgré la haine qu'il a pu susciter contre lui. Il ne nie pas son enrichissement spectaculaire et douteux, mais il le sauve en prétendant qu'il aurait légué au roi un trésor caché, révélé par Colbert. D'où la bonne fortune de Colbert, véritable héritier du savoir-faire de Mazarin, et indirectement les mésaventures de Fouquet. C'est durant ces mésaventures qu'apparait D Artagnan, mais seulement dans le rôle secondaire pour lequel l'histoire a retenu son nom, celui de l'homme qui a arrêté Fouquet. Apparemment, Dumas ne semble pas s'être inspiré ici des « Mémoires de Monsieur d'Artagnan » de Gatien de Courtilz de Sandras, alors qu'il a utilisé « Les Mémoires de Monsieur le Comte de Rochefort », un autre roman du même auteur.
Cette manière d'utiliser des romans, des pamphlets et de vrais mémoires sur le même plan, ce flou entretenu entre le roman et l'essai historique rend l'ouvrage étrange. Un hybride, parfois faux comme une fiction et ennuyeux comme un essai (ce que l'auteur cherchait pourtant à éviter), « Louis XIV et son Siècle » réuni tous les défauts d'un mauvais roman historique, sans en être un. Je serais d'ailleurs assez étonné que Dumas en soit le véritable auteur, sa participation a dû être minime, c'est plutôt l'ouvrage d'un historien que d'un romancier. Si ce n'est pas le cas c'est encore pire, car il n'est pas très bien écrit, avec des formules lourdes, répétitives, et des passages entiers recopiés presque mot à mot sur d'autres livres. Pas l'oeuvre la plus glorieuse de Dumas, son seul mérite est son érudition.