Citations sur Moderato cantabile (96)
Elle alla droit au comptoir. Seul un homme y était, qui lisait le journal.
- Un verre de vin, demanda-t-elle. Sa voix tremblait.
La patronne s'étonna, puis se ressaisit...
- Tu es sûr de ne pas savoir ce que ça veut dire, moderato cantabile ? reprit la dame.
L'enfant ne répondit pas. La dame poussa un cri d'impuissance étouffé, tout en frappant de nouveau le clavier de son crayon. Pas un cil de l'enfant ne bougea.
Sur un plat d'argent à l'achat duquel trois générations ont contribué, le saumon arrive, glacé dans sa forme native. Habillé de noir, ganté de blanc, un homme le porte, tel un enfant roi, et le présente à chacun dans la silence du dîner commençant. Il est bien séant de ne pas parler.
[...] Le saumon passe de l'un à l'autre suivant un rituel que rien ne trouble, sinon la peur cachée de chacun que tant de perfection tout à coup ne se brise ou ne s'entache d'une trop évidente absurdité.
L'étonnement de Anne Desbaresdes, quand elle regardait cet enfant, était toujours égal à lui-même depuis le premier jour. Mais ce soir-là sans doute crut-elle cet étonnement comme à lui même renouvelé. (p. 38)
La sonatine résonna encore, portée comme une plume par ce barbare, qu'il le voulût ou non, et elle s'abattit de nouveau sur sa mère, la condamna de nouveau à la damnation de son amour. Les portes de l'enfer se refermèrent.
Ils n'ont pas demandé à vivre, dit la mère - elle rit encore - et voilà qu'on leur apprend le piano en plus, que voulez-vous.
p.75
A la cuisine, on annonce qu’elle a refusé le canard à l’orange, qu’elle est malade, qu’il n’y a pas d’autre explication. Ici, on parle d’autre chose. Les formes vides des magnolias caressent les yeux de l’homme seul. Anne Desbaresdes prend une nouvelle fois son verre qu’on vient de remplir et boit. Le feu nourrit son ventre de sorcière contrairement aux autres. Ses seins si lourds de chaque côté de cette fleur si lourde se ressentent de sa maigreur nouvelle et lui font mal. Le vin coule dans sa bouche pleine d’un nom qu’elle ne prononce pas. Cet événement silencieux qui lui brise les reins.
La difficulté , c'est de trouver un prétexte , pour une femme, d'aller dans un café , mais je me suis dit que j'étais quand même capable d'en trouver un , par exemple un verre de vin, la soif...
Le beau temps durait encore. Sa durée avait dépassé toutes les espérances. On en parlait maintenant avec le sourire, comme on l'eût fait d'un temps mensonger qui eût caché derrière sa pérennité quelque irrégularité qui bientôt se laisserait voir et rassurerait sur le cours habituel des saisons de l'année.
Certains prétendirent que ce jour avait été chaud. La plupart nièrent, non sa beauté, mais que celle-ci avait été telle que ce jour avait été chaud. Certains n'eurent pas d'avis.
Elle s'arrêta encore au comptoir alors que l'homme était encore dans la salle à l'attendre, ne pouvant sans doute échapper encore au cérémonial de leurs premières rencontres, s'y conformant d'instinct. Elle commanda du vin, dans l'épouvante encore. La patronne, qui tricotait sa laine rouge derrière le comptoir, remarqua qu'ils ne s'abordèrent que longtemps après qu'elle fut rentrée et que leur apparente ignorance l'un de l'autre se prolongea plus que la veille encore.