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EAN : 9782290312247
538 pages
J'ai lu (07/06/2001)
3.45/5   42 notes
Résumé :
« Je me lève, j'écris, je me lève, je cherche un haut, je tombe sur un tee-shirt de Nicolas, le vert, c'est celui du train, il sent, du temps passe, je me représente son visage au dessus du tee-shirt quand il est arrivé, ses yeux que je croyais bleus et qui sont verts, (. . . )je pense que je l'aime, je pense que son tee-shirt pue en fait. »
Guillaume, écrivain, flashe sur Nicolas, écrivain, fors d'une signature en Belgique. Les prémices d'une histoire d'amou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai lu ce livre il y a un bail, alors plutôt que d'en faire la critique, je me permets de lire la lettre de Virginie Despentes qui rend hommage à cet écorché vif pour vous situer l'homme et sa personnalité :

Cher Guillaume,
La première fois que je t'ai vu, c'était à une lecture de la performeuse Lydia Lunch au Glaz'Art. Daniel, un ami commun, nous a présentés. Il m'a dit que tu écrivais et qu'il aimait ce que tu faisais mais je t'ai trouvé trop propre sur toi, et vu le titre de ton livre, Dans ma chambre, chez POL, j'ai cru que tu faisais de la poésie. Je n'ai même pas ouvert ton roman quand tu me l'as envoyé. Puis Daniel est mort, je me suis souvenue de ce recueil et je l'ai lu. Eh bien, bonjour la poésie… Tu appelais ton autofiction de la pornofiction et on ne peut pas dire que tu exagérais. Mais je ne te prenais pas particulièrement au sérieux, comme auteur. Tu faisais partie des bouffons de ma génération, c'est tout.
Depuis quelques années, je relis tes livres. C'est une surprise. Alors comme ça, c'est toi, le meilleur d'entre nous ? Et de loin. Tu as encapsulé les 90's. Cette France de la fin du siècle dernier, le Paris de la nuit, l'état d'esprit, les objets, les habitudes – ça remonte d'entre tes pages. Tout y est. Mauvaise humeur, consumérisme qu'on croyait cool, techno, jouissances à la chaîne, Madonna, Minitel, ecstasy, obsession pour les fringues, politiques identitaires, alcools blancs et pharmacopée.
Tu écrivais des romans rapides, égocentrés, avec beaucoup de descentes. Tu n'étais pas un gars sympa, tu n'étais pas une bonne personne. Mais tu étais drôle, et tu aimais l'adrénaline. Parfois tu étais sentimental, jusqu'à l'imbécillité, ce qui t'allait bien. Te lire, c'est se retrouver collé à ta nuque, comme une caméra à la Dardenne, mais chez toi Rosetta est sérieusement détraquée. Tu étais à mi-chemin entre la pétasse adolescente décérébrée et le khâgneux militant intello. Et la grande différence entre tes livres et un texte bien gaulé mais qui manquerait de consistance, c'est la mort. Il y a ce martèlement, une ombre constante, le souffle court – tu vas crever, tu ne penses qu'à ça. Et c'est vrai. Tu vas crever, très vite.
Tu étais terrorisé. C'est seulement aujourd'hui en te relisant que je le comprends. On ignorait, alors, que beaucoup de séropositifs en France fêteraient leurs 60 ans. Vous étiez condamnés. Les gens comme moi vous côtoyaient, on pensait à autre chose, nous, on n'était pas des positifs, vous vous promeniez avec la mort comme un oiseau sur vos épaules. Et on vous demandait, évidemment, de ne pas trop faire chier avec ça. L'important c'était de danser, n'est-ce pas. Range ta terreur et vis avec, et tu faisais très bien le gars qui pense à autre chose.
Ensuite tu es devenu le barebacker. Ça n'était pas très malin, remarque, d'aller te vanter de baiser sans capote. Il est même possible que tu l'aies fait en désespoir de cause, pour qu'enfin on t'invite plus souvent à la télévision. Ton côté petite pétasse, une Paris Hilton avant l'heure. C'est que c'était moins facile pour toi que pour moi, les médias. Trop de sodomie dans ta prose, trop de merde et de litres de sperme avalés pour que tu sois un auteur subversif lambda. Avec cette histoire de bareback, tu as servi sur un plateau le bon motif pour t'ignorer. Il fallait t'interdire, t'enterrer. Tu étais l'auteur qu'on doit mépriser. Vu de loin, ça faisait mec sérieux, détesté jusque dans son camp. Autant d'hostilité valide l'oeuvre. Vécu de ton point de vue, je sais que c'était atroce. Encore aujourd'hui, cher Guillaume, ton nom provoque de petits remous offusqués. Céline, oui, Dustan, non. Tu as payé le prix fort pour ça, mais l'unique auteur maudit, le grand absent des listes officielles, le mauvais élément passé sous silence parce que trop dérangeant – c'est toi. Les autres, tous, nous n'aurons fait que faire tourner la machine. Toi il suffisait que tu l'approches pour la faire dérailler. L'époque aura digéré tout ce qui lui passait sous la dent, sauf Dustan. Quand tu es mort, le silence a été troublant. On ne saura jamais quel genre de vieux tu serais devenu. Tu auras toujours ta belle gueule de petite frappe insolente. Si tu voyais les têtes qu'on a chopées, nous les vivants, tu rigolerais je pense. Ce mois-ci, tes trois premiers romans sont réédités en un premier tome, chez POL. C'est un beau volume, épais, tu serais content, ça a de l'allure. Bon, pour le grand couronnement, Guillaume, je crains qu'il faille attendre un peu. L'époque n'est pas à la glorification de la baise pédé, du mauvais esprit et de la militance gay. Tu es mort depuis presque huit ans. Tu ne ressemblais pas à un écrivain français. Tu étais beau, dangereux, drogué, séducteur, ta voix était à tomber par terre de sexy. Une drôle de grimace remontait ta bouche d'un côté quand tu souriais et on ne savait pas trop si tu étais doux ou teigneux, fort ou désespéré. Tu étais excitant. Tes romans te ressemblent. C'est un plaisir de te retrouver.
À très vite, V.
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Probablement plus connu pour les polémiques sur ses pratiques sexuelles pendant les années SIDA, Guillaume Dustan livre dans Nicolas Pagès (réédité chez P.O.L. dans un volume 3 romans sous le sobre titre d'Oeuvres II) une facette plus profonde de sa personnalité complexe et de son approche de la vie, de la société. Souvent amoureux, toujours à la recherche de l'amour, attaché aux siens, brouillé avec son père, affirmant sa différence et parfois ne voulant pas qu'elle la distingue, il est plus attachant que l'on pouvait s'y attendre. Ses mots sur l'absence de repères, d'identifications possibles caractérisent clairement une époque si proche, si lointaine.
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Le narrateur (qui n'est autre que l'auteur) a une trentaine d'années, il est homo, séropo, drogué, juif, comme il se définit. Il écrit dans ce livre une tranche de sa vie, sous forme de journal romancé.

J'ai aimé ce livre parce que l'écriture est terriblement vivante, ainsi que la construction qui est particulièrement intéressante (le journal de sa grand-mère, quelle belle surprise !). Il m'a donné l'envie de lire les autres livres qu'il avait écrit (et qui ont l'air indisponibles, mais c'est une autre histoire).

Je me suis fait la réflexion que j'avais rarement été déçue par les livres publiés dans la collection "Nouvelle Génération", de J'ai lu !
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
La littérature homosexuelle donc. Un certain nombre de textes figureraient à son Panthéon s'il en existait un : Teleny. Le livre blanc. Maurice. Pompes funèbres. Notre Dame des Fleurs. Corydon. La gloire du vaurien. Sodomie en corps onze. Les chiens... Le concept choque parce qu'il ne recoupe pas nos catégories habituelles : il y a la littérature (= la littérature hétéro). « La littérature » est une chose très importante, tellement importante qu'elle est renvoyée aux États et non pas aux langues utilisées : il y a la littérature française, belge, québécoise, anglaise, américaine, australienne. De manière transversale aux langues et aux nations, il y a des genres : le roman, la poésie, le théâtre. Des sub-genres : le roman policier, le roman à l'eau de rose, la science-fiction. Manifestement la littérature homosexuelle ne trouve pas sa place dans ce paysage. Elle ne correspond ni à un État, ni à une langue, ni à un type de narration existants. Il existe déjà des romans gays de science-fiction, d'aventure, des polars gays, du fantastique gay, des romans d'éducation gay, des romans à l'eau de rose... Qui sont quoi en définitive ? Juste des histoires où il y a une masse critique de gays. Comme il existe des histoires où il y a une masse critique de juifs (Singer), ou de noirs (Chester Himes), ou de femmes (Mansfield, Les femmes savantes, le Misanthrope). La littérature gay est une littérature nationale des nouvelles nations, des nations opprimées, des nations sans Etat. Elle nous éclaire sur le rapport de forces politiques des groupes sociaux : si les hétéros étaient minoritaires, leurs droits bafoués par des États contrôlés par les homos, on parlerait de littérature hétéro avec autant d'embarras qu'on parle de littérature homosexuelle. Ce n'est que parce que le monde est ce qu'il est pour le moment que la « littérature » est identifiée à la littérature hétéro.
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Il était hors de question d'écrire sur ma vie honteuse, ma vie de rat. Impossible. Si j'ai pu écrire mon premier livre, c'est parce que je pensais que j'allais mourir. Dans un testament, on est libre. On déshérite. J'ai déshérité mon père et tous les flics. J'ai dit que je me droguais et que je me faisais mettre. Les deux grands trucs politiquement incorrects. Les deux trucs qui donnent une mauvaise image de l'homosexualité (comme si donner une bonne image allait changer quoi que ce soit).
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Pédé, pédé, pédé, je voyais qu'elle pensait. Un vrai homme ne fait pas ça. C'est à vingt-trois ans que j'ai compris que j'étais foutu. Je n'allais pas pouvoir me marier. Etre normal. J'ai commencé à me faire sauter, me faire punir, me faire tuer. A vingt-cinq ans j'étais séropositif. C'était bon. J'étais mort. La disparition de la honte est très récente. Quelques semaines en fait. Avec les livres et le reste, j'imagine, elle est partie. Je ne savais d'ailleurs pas que j'avais si honte. Pourtant je savais que j'avais cherché à me faire contaminer. Je ne savais pas que j'avais si honte. Honte d'être poilu, honte d'être pédé, honte d'être juif, honte d'être drogué, dans l'ordre de ce qui se voyait le plus à ce que j'essayais de tenir caché.
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Les pauvres n'ont rien, pas de biens, pas de gloire, c'est pour ça qu'ils ne sont pas distraits de l'amour. Ils connaissent ça la poésie, les pauvres, il ne faut pas croire. C'est tout ce qu'ils peuvent se payer. Le temps qu'il fait. Les fleurs. les couchers de soleil. Tout ce qui brille. Les choses douces. les napperons brodés. Les surfaces planes ne sont pas belles dans une salle de bains quand il n'y en a que dix centimètres sur dix. C'est là que le napperon brodé et les petits animaux deviennent indispensables pour ne pas se mettre une balle dans la tête ou devenir une épave.
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Dire la vérité. Parler de ce qui fait peur. Des mots que j'ai tellement dits moi-même. Alors que je fais le contraire. Que je ne dis pas la vérité. Que je ne dis pas ce qui me fait peur. Puisque je n'ai pas écrit que je veux mourir la main dans la sienne, que je veux qu'il meure la main dans la mienne, que je le désire tellement que j'en crève de trouille, que j'ai peur qu'il ne veuille pas de moi. Au salon le jour se lève. Je n'ai pas écrit comment, tout à l'heure, rue des Petits-champs, je l'imaginais, à côté de moi, calme et protecteur, sous le soleil froid.
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Vidéo de Guillaume Dustan
OEUVRES II DE GUILLAUME DUSTAN Rencontre avec Thomas Clerc & Frédéric Boyer
C'est le deuxième volume des oeuvres complètes, après un premier tome paru en 2013. Génie divin, LxiR et Nicolas Pages (Prix de Flore 2000), publiés aux éditions Balland dans la collection « le Rayon » entre 1999 et 2002, forment la trilogie de ce nouveau volume. Les trois livres marquent un tournant décisif dans l'oeuvre de Guillaume Dustan, mort en 2005. Là où la première trilogie déroulait un thème unique (le sexe) dans des cadres strictement définis (la chambre, la boîte de nuit, les back-rooms), ces trois livres, notamment Nicolas Pages, prouvent que Dustan n'est pas seulement un pornographe accompli, mais aussi « un capteur du sentiment amoureux », comme l'explique l'écrivain Thomas Clerc qui dirige cette édition, auteur d'une longue préface. La pensée et les textes de Dustan contrastent fortement avec l'époque de moralisation et de régression qui est la nôtre. La première trilogie exposait un mode de vie essentiellement axé sur le plaisir sexuel, Dustan prolonge cette revendication pour en faire un programme de vie, une sorte de projet politique. Il relie politique du désir et progressisme social, sur le double modèle du libéralisme et du libertarisme.
À lire – Guillaume Dustan, Oeuvres II, POL, 2021.
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