Le franciscain Guillaume de Baskerville et son fort jeune secrétaire Adso (dominicain) sont envoyés en Italie pour y organiser une rencontre entre des légats du pape (alors installé en Avignon, nous sommes sous le règne de Philippe V le Long, fils de Philippe le Bel) et une délégation de franciscains, qui tentent de faire reconnaître la pauvreté du Christ. L'enjeu est de taille, car la pauvreté du Christ équivaut à la pauvreté de l'Église et si on laisse les franciscains être plus moraux que le pape... La chrétienté est encore traumatisée par l'agitation des dolciniens (qui tuaient tous les riches) et les diverses autres hérésies et, pour ne rien arranger, derrière l'ordre de saint François, se cache l'empereur du Saint-Empire Romain Germanique, trop heureux d'ennuyer le pape.
Mais de tout ça, le lecteur n'en a globalement rien à carrer, parce que l'intrigue, c'est avant tout cette histoire de jeune enlumineur qui s'est jeté d'une tour où il n'aurait pas dû être. Et dès leur arrivée à l'abbaye, Guillaume et Adso se heurtent à des ennemis de taille : les discussions savantes hors-sujet, qui, tels des inquisiteurs espagnols, surgissent au moment où personne ne les attend. Quant au lecteur, il a un adversaire supplémentaire : les citations latines non traduites.
Mais malgré tout, les deux moines ne se laissent pas décourager. Ils découvrent que cette abbaye a une bibliothèque où seul le bibliothécaire, Malachie, peut entrer (le fameux endroit où le premier mort, Adelme, ne devait pas être). Ils apprennent aussi qu'Adelme a participé à une discussion sur le rire avec d'autres jeunes moines, Venantius, Béranger et Bence, et un vieil aveugle n'ayant que l'Apocalypse à la bouche, Jorge. Celui-ci n'est pas le seul vieux obsédé par la fin des temps ; il y a également Alinardo, de 10 ans son aîné, sénile, qui mange des pois chiches pour saliver et se plaint de s'être fait ravi le poste
de bibliothécaire.
Assez vite, notre duo découvre que Bérenger avait obtenu des faveurs sexuelles d'Adelme en échange d'informations sur un certain livre. Seulement, Adelme se serait dit que finalement, la sodomie, c'est nul, et se serait suicidé. Hum, ce n'est pas avec
Umberto Eco que le pape va démentir les rumeurs qui courent sur ses subordonnés... Bref, très vite, ça devient la foire aux meurtres et la foire aux sortie nocturnes dans la bibliothèque. Venantius et Bérenger, qu'on suspectait, se font assassiner, non sans avoir tenté de freiner l'enquête (les faveurs sexuelles d'Adelme étaient-elles un plan à plusieurs ?)
Pendant une sortie nocturne, Adso connaît l'évènement le plus bouleversant de toute sa vie, bien plus bouleversant que la mort de trois personnes en quelques jours : il rencontre une FEMME ! Ne riez pas ; le gamin en a vu tellement peu qu'il n'arrive même pas à dire si elle a 15 ans (comme lui) ou vingt ou vingt-cinq. Mais son étonnement face à cette créature venue d'un lointain univers est dominé par son dessous de ceinture, qui le pousse à se rouler sur les dalles froides de la cuisine (romantisme x1000) avec la jeune fille, qui elle aussi doit être retournée de ce premier rapport sexuel librement consenti de sa part ; comme Guillaume le déduit plus tard, elle a plutôt l'habitude de coucher avec ce vieux moche de cellérier, en échange d'un peu de bouffe.
Mais surtout, ne vous attendez pas à ce que cet épisode ait un vrai impact sur l'histoire ; Adso décrit savamment son trouble pendant des pages et des pages, et, suivant la bonne tradition catholique du "j'vous jure, je regrette et je l'ferais plus", se confesse à Guillaume, qui ne manque pas de cracher débonnairement sur la gent féminine, parce que merde, c'est quand même à cause de ces créatures qu'on est plus au jardin d'Éden ! Quelques chapitres plus tard, la jeune fille est arrêtée comme sorcière par
Bernard Gui, membre de la troupe des légats du pape, qui la condamne direct au bûcher. Et voilà, le "grand amour" d'Adso est mort sans que notre moinillon ait appris son nom. On sent d'ici les doux relents du romantisme.
Ah oui, pendant que j'y pense, vous saviez qu'Adso (qui raconte l'histoire, des années plus tard) cautionne la pédophilie ? Il dit en substance : "Oh, mais ça va, moi aussi j'ai reçu des poèmes lyriques de la part d'un vieux moine et moi aussi ça m'excite un peu, des fois, de zieuter un novice imberbe !" Hum, toi mon ami, il est temps que nous dise ce que le sir de Baskerville t'a fait pendant ce voyage en Italie.
Mais je m'égare. L'intrigue tourne principalement autour d'un livre mystérieux, vraisemblablement écrit en grec. Et la rencontre pour débattre de la pauvreté du Christ rend la tâche de Guillaume encore plus délicate ; il ne doit pas entacher la réputation de l'abbaye. Après de splendides scènes de grands théologiens qui se foutent sur la gueule au sujet d'un truc dont la réponse est totalement évidente, un procès à l'encontre du cellérier et de son aide (des anciens hérétiques dolciniens) institué par
Bernard Gui qui nous fait revivre cette bonne époque où on était condamné avant d'être accusé et, comme je l'ai dit, l'arrestation de la jeune fille, tout ce beau monde repart sans avoir trouvé d'accord ; la mission principale de Guillaume a échoué.
Mais son enquête à avancé : l'herboriste, qui prétendait avoir retrouvé le livre, a été retrouvé assassiné et le livre est repris par Bence, qui le remet à Malachie en échange du poste d'ai
de bibliothécaire. D'ailleurs, on chuchote que Malachie couchait avec Bérenger et était donc jaloux d'Adelme... Oui, je sais, on dirait du "secret story" en milieu monacal, mais qu'y puis-je ?
Nouveau coup de théâtre quand Malachie est empoisonné ; mais qui lui aurait fait ingéré du poison ? Comment ? Car on sait que ce n'est pas un poison enduit sur le livre, qui tue à travers la peau. Après ce cinquième meurtre,
L Abbé décide que, ses moines qui tombent comme des mouches, c'est grave, mais pas autant que si la réputation de l'abbaye est compromise. Alors, il prie Guillaume et Adso de prendre leurs cliques et leurs claques et de rentrer en Allemagne.
Pressé par le temps, le duo se rend nuitamment dans la bibliothèque (encore) pour y découvrir...le coupable, que je ne nommerais pas ! (je le suspectais depuis le début, c'est mon seul indice) Et finalement, tout se termine par l'incendie total de l'abbaye ; Guillaume de Baskerville a peut-être découvert la vérité, mais il n'a sauvé aucune vie.
Une excellente découverte que ce roman policier au Moyen-Âge, même si les digressions historiques, religieuses, morales, philosophiques, etc ont de quoi lasser, à la longue.