La réincarnation quant à elle ne peut se produire que pour un adepte qui est suffisamment avancé — que les Tibétains appellent un tulku * — et dont les efforts assidus qu’il a fournis dans le passé ont implanté en lui une impulsion qui donnera une direction déterminée à sa nouvelle vie, afin que, comme dit précédemment, il puisse poursuivre la tâche spirituelle déjà entreprise, mais qui était demeurée inachevée. Dans ce cas, la loi qui détermine cet événement fournira les conditions nécessaires à son actualisation.
Il faut que l’aspirant réalise que, quelle que soit la voie qu’il suit, il ne peut avoir aucune garantie de parvenir à connaître, d’une façon véridique, l’Infini qui l’habite. Parmi tous ceux qui ont suivi une voie, bien peu ont atteint ce but tellement hors de l’ordinaire. Une honnêteté intransigeante envers soi-même, un maximum de scrupules, une sincérité douloureuse et le plus grand sérieux représentent la seule garantie qu’il puisse y avoir dans ce domaine — comme en témoigne la vie des grands mystiques.
Dans le premier cas, le retour à la vie n’est, par le principe de causes et d’effets, que le produit spontané de forces engendrées par des tendances et agrégats psychiques qui subsistent après la mort d’un individu et qui se recombinent à d’autres, de façon plus ou moins aléatoire, pour former un nouvel être qui leur fournira le terrain et les conditions d’existence leur permettant de se manifester à nouveau.
Il s’agit là d’un processus automatique, sans choix possible.
En effet, chaque nuit, lorsqu’il sombre dans son sommeil nocturne, ne subit-il pas à son insu— sans que d’ordinaire il le regarde comme tel — un genre de petite mort répétée ? Et, lorsqu’il se réveille le matin et ouvre de nouveau les yeux sur le monde manifesté, n’est-il pas, en quelque sorte, réincarné ?
Si un chercheur rejette a priori la possibilité de la réincarnation et n’envisage qu’une vie unique où son destin se joue de façon irrémédiable, il peut se sentir accablé en constatant à quel point il est loin des efforts qu’ont fournis de grands mystiques.
Edouard Salim Michael - transformer les tendances