Après la guerre, une fois rentré chez lui, il s’était mis à croire à la chance, voire au destin, car il n’y avait aucune explication logique à sa survie. Pourquoi un homme mourait quand un autre vivait ?
Il n’y avait aucune marque visible permettant d’identifier ceux qui rentreraient chez eux et ceux qui ne rentreraient pas. Peu importait d’où vous veniez , peu importait que vous soyez militaire de carrière ou volontaire ou conscrit. Quand s’était votre tour, c’était votre tour. Peu importait que vous soyez aimé ou méprisé, que vous alliez à l’église par conviction ou simplement pour pour voler l’argent de la quête, que vous vénériez votre mère ou la maudissiez plus que tout, que vous soyez un menteur, un escroc, un blasphémateur, que vous vous vautriez dans chacun des sept péchés capitaux ou que vous mettiez un point d’honneur à obéir à la lettre à chacun des commandements. La guerre n’avait pas de préjugés, pas de plan, pas de préférence. La guerre vous prenait tel que vous étiez, sans poser de questions.
Pourquoi ? Comment la décision était-elle prise ? Et par qui ?
On perdait une partie de son humanité à la guerre, et on ne la récupérait jamais.
Les gens commettent des actes répréhensibles, puis ils fuient tout ce qui pourrait les leur rappeler. Ils déménagent dans une autre ville, un autre État, parfois même un autre pays. Mais la conscience est un pays en soi, et la culpabilité est une ville qu'on ne peut jamais quitter-la nature humaine est ainsi. Vous pouvez changer tant que vous voudrez de paysage, il y aura toujours quelqu'un ou quelque chose pour vous rappeler les pires de vos actes.
La guerre était un drame écrit par des enfants mauvais et rancuniers, par des délinquants pervers, par des fous à lier plongés dans une psychose profonde et incurable par les drogues et les traitements de choc barbares administrés par des psychiatres déments, par des borgnes avec un crochet en guise de main et de petits tessons de verre brûlants à la place de l’âme.
Gaines savait que si vous posiez des questions que les gens ne voulaient pas que vous leur posiez, vous aviez de grandes chances de recevoir des réponses que vous ne vouliez pas entendre.
On ne cherche jamais des conseils, seulement des confirmations.
Quand vous voyiez un joueur de football blond de 19 ans décapiter un jeune Vietnamient de 15 ans, puis rester là à prendre des photos tout en tenant la tête par les cheveux — les yeux révulsés, le rictus de mort, la teinte blêmes de la chair exsangue —, vous compreniez que le monde ne tournait pas rond. Vous ne regardiez plus jamais les gens de la même façon. (p. 95)
Trop Haut avait alors cité Goethe :
« …Quelle que soit la chose que vous pouvez faire ou que vous rêvez de faire, faites-la. L’audace a du génie, de la puissance et de la magie. Commencez dès maintenant. »
(Sonatine, p.72)
L'amour peut être aveugle . Il peut être silencieux . Il peut se déchaîner comme un torrent ou hurler comme une tempête. Il peut être le début ou la fin d'une vie . Il peut éteindre le soleil , arrêter la mer , illuminer l'ombre la plus profonde . Il peut être la torche qui éclairera la voie vers la rédemption , vers la liberté . Il peut faire tout ça .Mais quel que soit son pouvoir , nous ne le comprendrons jamais vraiment .
Les jeunes croient que le mal sera contrebalancé par le bien , et ils s'imaginent qu'ils ont assez d'années devant eux pour le voir de leurs yeux . Les vieux , après avoir vécu tant d'années , comprennent que c'est l'inverse . S'il y a un dieu , alors il est cruel , amer et inconstant , et les hommes , qui ont été conçus à son image , le sont tout autant .