Traumatisé par le Vietnam, cette guerre atroce dont « seuls les morts ont vu la fin », John doit à nouveau faire face à l'horreur.
Quand vous voyiez un joueur de football blond de 19 ans décapiter un jeune Vietnamient de 15 ans, puis rester là à prendre des photos tout en tenant la tête par les cheveux — les yeux révulsés, le rictus de mort, la teinte blêmes de la chair exsangue —, vous compreniez que le monde ne tournait pas rond. Vous ne regardiez plus jamais les gens de la même façon. (p. 95)
- Vous savez ce qu'a dit Hemingway ? demanda Webster
- Non, Mike, qu'est ce qu'il a dit ?
- "Qu'elle soit nécessaire, ou même justifiée, ne croyez jamais que la guerre n'est pas un crime". Voilà ce qu'il a dit
On ne cherche jamais des conseils, seulement des confirmations.
L’ennemi des États-Unis n’avait pas de visage, pas d’uniforme, il connaissait le terrain, ses anomalies et ses particularités, et avait donc toujours l’avantage. Les États-Unis possédaient la puissance de feu, la couverture aérienne, de solides lignes d’approvisionnement, des ressources humaines presque inépuisables, mais ils ne possédaient pas d’ennemi visible. Ils combattaient des fantômes et des ombres. Ils combattaient un cauchemar.
Le passé vous retrouve toujours.
Une guerre sombre, impitoyable, implacable, qui prenait tout ce qu’il y avait de bon en vous et le remplaçait par du néant. Il était difficile de comprendre l’influence qu’un peu plus d’une année pouvait avoir sur un être humain. Mais c’était un fait. C’était indéniable.
Certains affirmaient qu’ils avaient laissé une partie d’eux-mêmes dans les jungles et les villes et les tunnels de l’Asie du Sud-Est. Ce n’était pas vrai. Ils y avaient laissé la totalité d’eux-mêmes. Ils étaient une personne différente à leur retour, et leurs amis, leur famille, leur femme, leur mère et leurs filles peinaient à les reconnaître. Eux-mêmes se voyaient désormais aussi presque comme des étrangers.
Quatre ou cinq ans chez les dingues, quelques discussions avec un psy obsédé par le stade anal, et puis il serait rentré chez lui et aurait pu impliquer Wade.
Après la guerre, une fois rentré chez lui, il s’était mis à croire à la chance, voire au destin, car il n’y avait aucune explication logique à sa survie. Pourquoi un homme mourait quand un autre vivait ?
Il n’y avait aucune marque visible permettant d’identifier ceux qui rentreraient chez eux et ceux qui ne rentreraient pas. Peu importait d’où vous veniez , peu importait que vous soyez militaire de carrière ou volontaire ou conscrit. Quand s’était votre tour, c’était votre tour. Peu importait que vous soyez aimé ou méprisé, que vous alliez à l’église par conviction ou simplement pour pour voler l’argent de la quête, que vous vénériez votre mère ou la maudissiez plus que tout, que vous soyez un menteur, un escroc, un blasphémateur, que vous vous vautriez dans chacun des sept péchés capitaux ou que vous mettiez un point d’honneur à obéir à la lettre à chacun des commandements. La guerre n’avait pas de préjugés, pas de plan, pas de préférence. La guerre vous prenait tel que vous étiez, sans poser de questions.
Pourquoi ? Comment la décision était-elle prise ? Et par qui ?
Il semblait entouré d'un épais halo de stupidité, qui donnait l'impression que quiconque y pénétrerait se retrouverait à prononcer des âneries et à faire des remarques déplacées. Cela ne pouvait être vrai, mais la profondeur et l'immensité de l'ignorance de Lester étaient telles que ça semblait plausible. (p.103)