Si dans Là où les lumières se perdent (qui fut un vrai coup de coeur pour moi), le personnage principal essayait d'échapper à l'emprise d'un gang extrêmement dangereux, ici, Vincent Madigan est véritablement un monstre, qui n'hésite pas à tuer, et qui est associé depuis quinze ans à un gang mené par Sandià, un être infame, inhumain et abject. Néanmoins, Madigan a maintenant soif de liberté et souhaite se libérer de Sandià d'une manière particulièrement risquée : avec trois complices, il décide de voler l'argent de Sandià et de mettre les voiles, rembourser les pensions alimentaires qu'il doit à ses trois ex-femmes, payer son avocat, et recommencer une nouvelle vie. le braquage dans une des maisons de Sandià est un vrai carnage. Les quatre hommes se réfugient ensuite dans un box, mais la discussion dégénère rapidement. Madigan abat sans ciller les trois hommes, efface ses empreintes, et part avec la totalité du butin. Cependant, il apprend plus tard qu'une petite fille se trouvait dans la maison de Sandià. A cause de lui, elle a été gravement blessée pendant la fusillade.
La vie de Vincent Madigan prend alors une tournure inattendue : il fait une rétrospection de sa vie ratée, il repense à ses trois ex-femmes et à ses quatre enfants à qui il ne rend jamais visite, il passe en revue ses mensonges, ses trahisons, ses délits. Peu à peu, il prend la décision de changer.
"Où suis-je allé ? Où l'homme que j'étais et celui que je suis devenu ont-ils pris des chemins différents ? Comment cela est-il arrivé ?"
Tout le long du récit, on suit son cheminement de pensée, ses doutes et on voit sa culpabilité faire surface. J'ai détesté ce personnage particulièrement menteur, voleur, drogué, alcoolique et assassin, qui trouve toujours de bonnes raisons à ses actes odieux - du moins au début du récit.
"Peut-être qu'il y a une prédestination dans tout ça, et que le jour était venu pour elle de mourir... et que si elle ne s'était pas trouvée dans la maison de Sandià, elle serait morte d'une autre manière...
La vie est ainsi. C'est comme ça.
Je le sais. J'y crois. Je dois y croire."
Bref, Madigan est l'anti-héros par excellence.
"La vie n'était pas compliquée. du moins, Madigan ne le pensait pas. Elle était simple. Prendre ou être pris. Manger ou être mangé. Tuer ou être tué."
A partir du moment où il se retrouve responsable de la grave blessure de la petite fille, il pense enfin à ses quatre enfants qu'il a volontairement mis de côté.
"Je vois mes propres enfants - chacun d'entre eux. J'essaie de me souvenir de leur visage. Cassie, Adam, Lucy, Tom.
Mais je sais qu'ils ne ressemblent pas à ce que je me représente.
Tout va si vite - c'en est épuisant, terrifiant."
Au-delà de sa prise de conscience, les nombreux ennemis de Madigan lui mettent des bâtons dans les roues. Il essaie contre toute attente de protéger sa petite victime. Peu à peu, on découvre que le monstre qu'il est devient humain, finalement. Mais trouvera-il le chemin de la rédemption ? Est-ce trop tard pour lui ?
Il n'y a pas qu'un cheminement de pensée dans ce roman, mais aussi beaucoup d'action, de scènes violentes, de suspense. L'ambiance est pesante, la tension est permanente, on est comme sur le fil du rasoir. J'en voulais beaucoup à Madigan, je n'aimais pas son comportement violent et imprévisible, son pessimisme, sa lâcheté, mais pourtant, à force d'être constamment immergée dans ses états d'âme, j'ai finalement voulu qu'il s'en sorte, qu'il ait cette seconde chance.
La plume de l'auteur britannique est puissante, brillante et intelligente. Il sait très bien sonder les personnages les plus complexes et retranscrire leurs sentiments à la perfection. Incontestablement,
R.J. Ellory est un grand écrivain.
Il y a néanmoins quelques longueurs et une baisse de rythme à un moment de l'intrigue. Mais le rythme repart de plus belle, devient haletant, et ne se termine qu'au tout dernier mot du roman. Et cette dernière phrase... Cette dernière phrase !...
En conclusion,
Un Coeur sombre est un roman noir - très noir - mais au combien brillant. le personnage principal est détestable à souhait, le anti-héros absolu, un menteur, un voleur, un drogué, un alcoolique, un assassin. On suit ses états d'âme, ses doutes, on découvre avec lui ses souvenirs et ses erreurs passés ressurgir subitement. On voit son évolution, sa culpabilité, mais aussi tout son pessimisme et sa noirceur. Je n'ai pas dévoilé un aspect de l'intrigue, car je veux que vous soyez stupéfaits en lisant le nouveau roman de
R.J. Ellory. En effet, ce grand auteur sait surprendre son lecteur, l'emmener dans un dédale de rues obscures d'East Harlem, créer une tension pesante, et enfin le confronter à cette fin - mais quelle fin ! Ce roman vaut le détour pour tous les amateurs de polar, mais aussi pour les autres curieux qui veulent savoir ce qu'il adviendra de Vincent Madigan.
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