Qu'ajouter qui n'ait pas encore été dit...?
Il est frustrant pour le fan d'
Ellroy, qui a découvert l'univers incroyable de l'auteur via la tétralogie de L.A. Confidential, de revenir sur les premières oeuvres et de retrouver son auteur-fétiche incomplet, balbutiant, hésitant...
Frustrant? Peut-être, mais également fascinant. Dans sa trilogie Hopkins,
Ellroy est en cours de formation, d'affinage comme un bon vin ou un fromage de la même couleur, il passe du 1.0 au 2.0 rapidement. du moins, est-ce mon avis.
Dans le tome 2, il nous offre un face-à-face entre un psy désaxé et un Hopkins toujours en proie à ses démons et à ses intuitions (même si celles-ci le lâchent et le laissent parfois un peu amer).
A la manière d'un
Van Gogh,
Ellroy reprendra pas mal de scènes ou de ressorts, présents dans la trilogie, dans ses ouvrages ultérieurs. Par exemple, et sans déflorer, le pétage de plomb d'Hopkins vers la fin, les alliances avec des ripoux, les duos opportunistes, les scènes perverses, etc. tout cela est en rodage. Mais un rodage de haut vol. Il faut se replacer "à l'époque"... on est en 1985 (à vue de nez) et ce qu'
Ellroy lance est un sacré coup de poing.
Car faut rendre à César ce qui lui appartient. A mon avis, beaucoup d'auteurs de polars et de romans noirs rêveraient d'un tel roman. Si c'est de l'
Ellroy de second choix, cela reste quand même de très bonne tenue.
Le démarrage est brillant. Pendant une bonne centaine de pages on est tenu en haleine, puis le soufflé retombe. Il y a du remplissage, des explications, on se pose. Puis viennent les 70 dernières pages et on retrouve cette aptitude brillante à prendre le lecteur par les balloches et à le tenir jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus.
Révélant à la femme fatale qui il est vraiment Hopkins perd de nouveau la femme qui'il convoite. Thème récurrent chez
Ellroy, le fait d'assumer ses actes et de s'assumer.
Avoir lu
Ma Part d'Ombre permet de reconnaître une sorte de confession d'
Ellroy dans le passé délinquant de Goff (si je me souviens bien).
Ellroy a glissé sur la pente de la délinquance juvénile, fracturant des portes et se livrant de de menus larcins. Il l'explique dans
Ma Part d'Ombre, récit très personnel, reconnaissant avoir eu de la chance. Ici, il met en scène ce qu'il aurait pu devenir.
J'ai apprécié ce livre, davantage que le premier tome. Il est certainement moins ambitieux, mais il est moins brouillon. La trame est linéaire. Peut-être trop, quand même. Dans un roman plus actuel, on aurait alterné les chapitres actuels et ceux du passé d'Havilland le psychiatre, sans le nommer. Et on aurait terminé en laissant supposer que celui-ci simulait l'état légumier...
Ellroy reste "roots". Ici, il es encore dans l'hommage à ses pairs. On est quasiment dans le western, à Yuma ou avec du barbelé sur la prairie. L'affrontement est inévitable.
- Un de nous deux est de trop dans cette ville, assène Havilland brandissant sa seringue et en actionnant le piston.
- Rien ne fera davantage plaisir que de te permettre de lui faire tes adieux, rétorque Hopkins, saisissant sa matraque, ferme et turgescente, d'une dextre assurée, tout en armant son .38 de l'autre.
Tiens, un western signé
Ellroy, j'achète les yeux fermés.