De leus esseulés à meute.
Ulver apparait à Oslo parmi une scène bouillonnante composée de groupes qui deviendront cultes comme Mayhem, Immortal, Enslaved, Emperor et Burzum.
Avec ses trois premiers albums, Ulver a contribué à l'émergence de la mythologie nordique et du culte de la nature dans la musique sombre et violente en incorporant chant clair et guitare accoustique au black metal.
De plus en plus intéressé par l'aspect technique et la production, le groupe par son ouverture d'esprit prend un virage vers la musique indus, noise et électro, quitte une voie toute tracée dans le black metal pour obtenir son indépendance. Cette courageuse prise de position vient de la conscience aigüe de la dimension auto-mythificatrice d'une scène qui devient vite commerciale, hantée par des crimes et figée dans des postures référentielles.
Derrière les changements de style musical, et des albums très différents dans le détail, se cache une évolution continue, une évidence créatrice qui s'enrichit de connexions humaines. Plus que des musiciens ils sont des artistes sensibles à la noirceur, et de groupe d'albums ils deviennent groupe de spectacle et de scène.
L'évolution est radicale dans la forme, bien exposée par les photos judicieusement placées, la richesse des thèmes abordés s'ouvre sur une poésie plus subtile et des émotions plus nuancées, à la fois une forme de minimalisme dans l'expression et une complexification du processus créatif alternant entre musique presque abstraite et construction fourmillant de détails.
Ces entretiens retracent la longue carrière d'Ulver, par l'intermédiaire de Kristoffer Rygg, Jørn H. Sværen, Tore Ylwizaker et Ole Aleksander Halstensgård, de témoignages à la sincérité désarmante, avec humour et émotions, du récit de trente ans de liberté et de furieuse nécessité de créer.
Tore Engelsen Espedal est un témoin de grande qualité placé entre le groupe et le lecteur ou la lectrice. Les gens qui étaient adolescents ou jeunes adultes en découvrant le black metal au début des années 90 aiment à se remémorer cette époque, et ces interlocuteurs évoquent la naissance de ce courant musical avec maturité et un amusement un peu gêné.
Cette liberté déployée est rétrospectivement violente, questionnant la relation de chacun à la musique, le manque d'ouverture et le cloisonnement dénués de spontanéité.
Merci aux Éditions des Flammes Noires pour ce beau livre intelligent qui constitue une expérience dense et profonde, un exercice de pensée qui permet d'appréhender le monde dans son incertitude.