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Merci à Bookycooky pour m'avoir fortement conseillé ce livre vers lequel je ne serai jamais allée. Un début d'agacement avec les répétitions, un style d'écriture pas souvent facile et la noblesse, pas trop mon truc ! J'ai insisté, par respect pour ma dealeuse de livre. Et au final, il fera parti des ouvrages que je n'oublierai jamais. L'histoire incroyable de la vie du roi du Danemark dans les années 1700. Époque de monarchie ou il faut faire avec ce roi Christian VII qui reste un enfant dans sa tête, est empli de névroses et son monde, à lui, c'est le jeu, le théâtre et la poésie. Donc de lui, rien à craindre. Mais il y a ceux qui prennent le pouvoir à sa place. Et surtout son médecin personnel qui, avec son accord dit à demi-mot, prend la reine pour maîtresse. Et signer 632 décrets pour améliorer la vie du peuple. Époque ou pouvoir et liberté ne faisaient pas bon ménage. Des faits tellement incroyables qu'on a du mal à se dire que cela s'est vraiment passé. Instructif et intéressant.
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J'ai de plus en plus d'intérêt pour les romans historiques… et je fus attiré par ce livre en lisant une critique de @blandine5674… Certes j'ai mis du temps à le trouver, mais je ne regrette rien.

Un récit véridique, une histoire de folie, d'amour et de trahison. Un roi fragile, une reine abandonnée, un médecin remplis d'espoir pour sauver son peuple.

Un roman que je ne suis pas prête d'oublier.
Par curiosité je suis allé voir leurs photos (ou peinture), ils les disent beaux j'en doute…

Un auteur à lire, pour ma part !

Bonne lecture !
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En cette deuxième moitié du XVIIIème siècle, malgré son intelligence, le jeune Christian, prince héritier du royaume du Danemark, va vite montrer des signes de fragilité mentale, renforcée par une éducation extrêmement dure - tant sur le plan physique, que sur le plan moral - dispensée par le comte von Bernstoff. Le jeune prince héritier épouse à dix-sept ans, Caroline Mathilde, soeur de George III roi d'Angleterre, âgée de quinze ans et monte sur le trône la même année (1766) pour devenir Christian VII. Mais la direction des affaires du royaume est aux mains de la reine douairière qui s'appuie sur le Conseil Privé, particulièrement rétrograde et retors à toute modernisation du pays, le jeune roi étant écarté et cantonné à des occupations divertissantes, encouragé dans ses beuveries. Mais les réalités politiques se rappellent au Conseil Privé et le roi doit être présenté aux Cours européennes. C'est lors d'un grand tour que lui est présenté Johann Friedrich Struensee, un médecin allemand, pétri des idéologies humanistes des Lumières, progressiste, qui s'engage socialement auprès des plus pauvres. Le médecin, après avoir hésité, accepte de rejoindre Copenhague pour suivre le jeune souverain, avec lequel il construit une relation de confiance. de plus en plus séduit par les préceptes progressistes que le médecin lui suggère, Christian VII le nomme rapidement Maître des requêtes, puis Ministre du cabinet privé et Struensee entreprend la réforme de l'administration danoise et l'amélioration des conditions de vie du peuple avec un nombre impressionnant de décrets qu'il finit par prendre seul. Délaissée par son époux, la reine Caroline Mathilde va elle aussi se rapprocher de Struensee, cet homme intelligent, altruiste qui met en pratique les idées des Lumières, malgré l'hostilité grandissante des membres évincés de la Cour danoise, qui n'auront de cesse de comploter pour écarter cet homme qu'ils considèrent comme arriviste et intrigant.

Le médecin personnel du roi relate un épisode véridique et incroyable de l'histoire du Danemark, celle de l'ascension d'un médecin, devenu homme de pouvoir, qui va se substituer au roi défaillant mentalement, un homme mû par un altruisme que ses ennemis vont trouver douteux et surtout menaçant pour leur statut et leurs privilèges et dont la chute ne sera que plus brutale. Comment cet homme du peuple, simple médecin, allemand de surcroit, peut-il penser que son pouvoir va perdurer et qu'il pourra entretenir une liaison avec la reine presque au vu et au su de tous ?
C'est une enquête romancée que propose Per Olov Enquist, celle du fulgurant et éphémère passage de Struensee au pouvoir, un homme dont les idées modernes et la volonté de réformes trop brutale, à un rythme trop rapide, qui n'a pas compris qu'il s'attaquait trop violemment à une caste politique danoise, retorse, passéiste et rancunière.
Dans un style quelquefois très circonstancié, même si quelques idées sont démontrées quelquefois de façon trop répétitives et que l'auteur interprète peut-être trop librement les sentiments des personnages, j'ai trouvé ce roman remarquable sur une époque et un héros intelligent, malheureux qui paiera de sa vie d'avoir eu raison trop tôt.
Un roman marquant.
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Royaume du Danemark, 18ème siècle. le nouveau roi, Christian VII, ne peut pas vraiment exercer le pouvoir : dressé comme un animal plutôt qu'éduqué, avec corrections physiques et humiliations publiques, le jeune homme est profondément perturbé et voit le monde comme une immense pièce de théâtre dans laquelle on ne lui a pas toujours donné ses répliques.

Si le pouvoir est d'abord exercé par le conseil des nobles, un nouveau personnage va faire son apparition : Struensee, médecin du roi, de par sa proximité avec lui et l'affection qu'il lui témoigne, va gagner petit à petit sa confiance, et se faire finalement nommer premier ministre. Inspiré par les Lumières, il lancera sur le Danemark un torrent de réformes progressistes, tandis que dans le même temps, il vivra une intrigue amoureuse avec la reine.

Curieux épisode historique raconté dans ce livre, qui aurait pu consacrer le Danemark comme pays des Lumières quelques années avant la France ! Après quelques petites recherches, il apparaît que le roman est assez fidèle à l'Histoire avec un grand H, même s'il y a quelques partis pris dans les motivations des protagonistes. Certains faits sont plutôt amusants, comme l'instauration de la liberté de la presse qui aura pour effet immédiat une tonne d'écrits et de satires contre celui qui l'a décrétée.

Mais globalement, le roman est assez sombre. D'une part, parce qu'on sait très bien que ça va mal finir de par nos (maigres) connaissances historiques. Ensuite, parce que tous les personnages sont un peu cinglés à leur manière, sans qu'on ne puisse leur reprocher quoi que ce soit : le roi Christian VII à cause de son éducation et sa volonté de trouver une échappatoire dans le théâtre ; Struensee, remplis d'idéaux mais vivant constamment dans la peur des autres ; et la jeune reine, passée de recluse dans un couvent à l'épouse d'un dément dans un pays étranger, qui tente de frayer son propre chemin dans un monde qui la méprise.

Un trio parfait pour une tragédie dans les règles. Dans la vie réelle, il est bien difficile de lancer une révolution culturelle tout seul.
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Une forme narrative parfois déconcertante, surtout dans le début, mais un roman attrayant. Il permet d'abord de découvrir un pan d'histoire inconnu ( l'histoire du Danemark n'étant pas dans nos livres d'histoire) et pourtant intéressant dans le contexte de la période pré-révolution française. Et une fois passée la difficulté à suivre les méandres de la chronique que l'auteur met en place par touches très "impressionnistes", et disons-le un peu décousues, on s'attache aux personnages et au développement de cette "révolution à la danoise". Pour au final, un moment de lecture enrichissant et sympathique.
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Le médecin personnel du roi ou la vie romancée d'un homme versé par hasard dans la politique est une véritable pépite. Per Olov Enquist redonne vie à Struensee, médecin personnel du roi fou Christian VII du Danemark, et qui va, un peu malgré lui, régner sur le Danemark entre 1770 et 1772. Il profite de cette période pour édicter des lois en faveur de la liberté d'expression, de la liberté des peuples et de la réduction des impôts. Mais Struensee a également séduit la reine, délaissée par Christian. Leur amour, qu'ils ne parviennent plus à cacher, permettra à ses ennemis de le faire condamner pour crime de lèse-majesté. le style du début du roman m'a un peu déroutée parce qu'il me faisait plus penser à une chronique ou un journal où certains événements étaient retracés mais passé les quelque 100 premières pages, le style devient plus fluide et l'histoire passionnante de cet épisode de l'histoire du Danemark est alors extrêment bien mise en valeur. Je le recommande avec ferveur aux amateurs d'Histoire.
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Dans le médecin personnel du roi, Per Lov Enquist raconte un moment de l'histoire du Danemark au XVIII siècle. Christian VII, roi du Danemark et de Norvège, a une intelligence brillante mais un gouverneur trop brutal le fait vivre dans la peur et la violence si bien que l'enfant devient instable souffre de troubles hallucinatoires, de crises de terreurs et de panique, avant de tomber progressivement dans la folie. Dès lors il n'est plus apte à gouverner, ce qui fait bien l'affaire des conseillers du Royaume qui peuvent ainsi gouverner à sa place.

Mais lors d'un séjour de Christian VII en Europe, on le confie au docteur Struensee qui gagne la confiance et l'amitié du malheureux souverain. Johann Friedrich Struensee va exercer une telle emprise sur lui qu'il devient son premier ministre, le seul autorisé à signer des documents sans avoir besoin de la signature royale. Autant dire que le médecin est l'égal du roi et même plus puisqu'il règne seul, le jeune malade ne pouvant comprendre ce qui se passe. Malgré la vindicte des conseillers, Struensee gagné aux idées philosophiques, de Voltaire à Rousseau en passant par Diderot, en profite pour entreprendre des réformes fondamentales, révolutionnaires, très audacieuses, qui suscitent le mécontentement non seulement des nobles mais du peuple. de plus, l'amour réciproque de Johann Friedrich Struensee et de la reine, Caroline Mathilde de Hanovre, soeur du roi d'Angleterre George III, épouse de Christian VII qui a peur d'elle et la délaisse, va être un des facteurs de sa chute…
Un complot fomenté par tous ceux qui souhaitent sa perte, en 1772, enlève son pouvoir au médecin qui sera exécuté…
je vous laisse découvrir les détails de cette extraordinaire histoire dont Per Olov Enquist tire un récit passionnant, réflexion sur le pouvoir, sur le rôle des Lumières, sur la vie…
Per Lov Enquist nous fait partager en particulier, l'intérêt qu'il éprouve pour ce personnage Johann Friedich Struensee, danois d'origine allemande, bourgeois qui à l'origine n'éprouve pas un attrait particulier pour le pouvoir. Il se sent pourtant pris dans un engrenage qui le pousse lui, médecin par vocation, vers un destin vertigineux qu'il ne peut ou ne veut refuser. Il y a quelque chose d'exceptionnel, dans cette révolution silencieuse, pacifique et douce, due à une seule personne. Johann Friedrich Stuensee a accompli une énorme travail de réforme pendant les deux années où il a « régné » à la place du roi, produisant 632 décrets, travaillant de jour comme de nuit dans son cabinet, s'attaquant aux inégalités, au servage, supprimant les privilèges, accordant la liberté de la presse, abolissant la censure, la torture, la prison pour dettes, réformant les cadres de l'administration, créant des orphelinats, des écoles! Une révolution qui doit tout aux idées des Lumières mais qui paradoxalement est fondée sur une usurpation, un abus de pouvoir, sur l'oeuvre d'un seul donc sur la tyrannie, tout le contraire de la démocratie. Et pourtant Struensee a amorcé une extraordinaire mutation de son pays par des réformes qui préfigurent la révolution française, et qui, après un retour en arrière lié à la réaction, finiront pas s'imposer.

L'écrivain oppose à Stuensee, une autre personnage Owe Guldberg, son double, qui représente la réaction et le parti des nobles. de petite naissance, arriviste, sans pitié, Guldberg prendra le pouvoir après Struensee en tenant le roi sous tutelle. Trois personnages masculins s'affrontent mais dont la force est inégale, Struensee trop bon, refusant la violence, le roi à l'esprit troublé, et Guldberg rusé et sans état d'âme. Face à eux la reine est un personnage féminin entier et de caractère.
Le roman s'appuie sur des témoignages de l'époque, celui de Robert Murray Keith représentant anglais à Copenhague, sur les écrits de Reverdill, professeur d'allemand et de français du roi qui raconte les premières années du jeune Christian sous la férule perverse du comte Reventlow, son tuteur après la mort de ses parents, sur le courrier échangé entre Voltaire et Christian VII gagné lui aussi aux Lumières avant de sombrer dans la folie. le roman de Per Olov Enquist tient donc à la fois du documentaire et de la fiction et il est très réussi.
Lien : http://claudialucia-malibrai..
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Il était une fois, à la cour du Danemark : un monarque absolu de droit mais manipulé, tel un pantin, par la cour ; deux hommes de peu que le pouvoir appelle ou attire ; des femmes, reines ou maîtresses de l'univers, qui décident des faveurs et défaveurs que connaissent les hommes ; un peuple, anonyme et muet, troupeau d'agneaux ou hommes en devenir, dont on se dispute le commandement. Il était une fois, au royaume du Danemark, quelque chose de pourri qui applique à la réalité historique le contenu d'une pièce tragique. En plein siècle des Lumières se jouent tout à la fois une révolution politique, un renversement social et une vaste et funeste comédie humaine. Avec le médecin personnel du roi, l'auteur suédois Per Olov Enqvist use du roman historique pour démontrer les contradictions d'une époque, où les idées les plus nobles et les plus dignes rencontrent pourtant l'absolue résistance d'un système qui sera bientôt à bout de souffle. Réflexion aussi sur la fin et les moyens, le roman s'appuie sur les portraits d'hommes et de femmes, qu'ils soient en faveur ou en défaveur du projet de Struensee, dépassent déjà - et en cela adhèrent à celui des Lumières - les limites que les règles sociétales en vigueur leur imposent.

Christian VII devient roi du Danemark lorsqu'il est extrêmement jeune. Roi absolu en théorie, son pouvoir est cependant strictement contrôlé par une cour à la tête de laquelle se trouve la reine douairière - c'est-à-dire la veuve du roi précédent, Frédéric V, mais point la mère de Christian - et qui a, durant la jeunesse du roi, permis ce contrôle par l'éducation. Éducation faite de violences morales et physiques intenses - l'aveu que fait Chrisrian de la torture subie à son précepteur, François Reverdil, est bouleversant - qui conditionne le jeune roi autant qu'elle l'enferme dans un univers mental que Christian compare au théâtre. Aux gestes attendus de la part d'un roi s'ajoutent les paroles - telles des répliques théâtrales - qu'il convient qu'il dise. Christian est roi, certes, mais il est resté enfant. La royauté l'afflige - il est persuadé d'avoir été échangé à la naissance et d'avoir été privé d'une vie simple, entouré de paysans - et de son royaume, il ne connaît rien. le Danemark, dans la deuxième moitié du 18ème siècle, est une puissance déclinante. Incapable d'influence dans les territoires germaniques, le royaume est dominé politiquement par son voisin du nord, la Suède. Son système de servage le place parmi les États les plus reculés d'Europe, place encore affirmée par le rejet total des idées des Lumières qui parcourent le continent, de la France à la Russie en passant par l'Angleterre, les États d'Italie et le Saint Empire. Marié très jeune à la jeune soeur de George III, roi d'Angleterre, Caroline-Mathilde, Christian trouve pourtant le réconfort quasi maternel auprès d'une prostituée de Copenhague, qu'il surnomme la Maîtresse de l'univers. Hélas, cette femme est exilée du royaume et, pensant la retrouver, Christian entame un voyage parmi les grandes places européennes, à la manière du Grand Tour des jeunes lords anglais. Pour l'accompagner dans ce voyage, et le surveiller, la cour danoise choisit un médecin allemand, originaire d'Altona, du nom de Johann Friedrich Struensee. Celui-ci, acquis aux idées des Lumières, prend peu à peu une place prépondérante auprès du souverain. Père de substitution, conseiller politique, Struensee se trouve alors en position de mettre en oeuvre les idées progressistes politiques et sociales des Lumières. Conscient de l'énorme poids historiques qui pèse sur ses épaules - et qui le détournent de sa mission première de médecin des classes sociales les plus fragiles -, Struensee accepte et mène, en l'espace de deux ans à peine, une révolution politique extraordinaire par son audace et sa rapidité. Bénéficiant du pouvoir de signature des décrets royaux - Christian est ainsi débarrassé de ce fardeau de la royauté, en ce qu'elle a de prise avec le réel -, Struensee fait ainsi passer plus de six cents décrets, lesquels règlent positivement le sort des orphelins, accorde la liberté de culte, et celle de la presse, met fin à la censure, ouvre les jardins royaux à la population ... Seul demeure, inachevé, son projet de mettre fin au servage. Mais cette politique attire sur Struensee les foudres de la cour, sous l'influence de Guldberg, fils de croque-mort, arriviste et défenseur d'un Danemark conservateur. Si Struensee jouit des faveurs - c'est peu de le dire ! - de la reine, celles-ci finissent par le perdre tout à fait. Ayant obtenu de ce pouvoir restreint dans le temps l'assurance d'une double postérité - celle des progrès politiques et sociaux, celle d'une descendance qu'il a avec la reine -, Struensee connaît une chute dont la brutalité n'a d'équivalent que la hache du bourreau qui s'abat, un jour de mai 1772, sur sa main et sur son cou.

Le roman tout entier semble être placé sous le signe de la contradiction, du paradoxe. Sans doute parce que les choses les plus complexes sont les plus intéressantes. Commençons d'abord par les hommes et les femmes de ce roman. Nul, parmi les personnages principaux de ce roman, ne paraît être fait d'une seule pièce, comme le dit le roi Christian VII. Lui-même est roi, mais son état mental et psychologique lui interdit de régner effectivement. Son attitude enfantine - on le voit souvent jouer avec son chien et son page noir, Moranti ; il aime aussi monter sur les planches de la scène pour déclamer son texte - ne permet en rien l'exercice d'un pouvoir royal absolu, dont il veut d'ailleurs absolument se défaire. La reine, Caroline-Mathilde, a, elle, été choisie par la cour pour sa probable insignifiance. Son ascension dans la cour démontre au contraire l'éveil d'une véritable femme politique, aux sens aiguisés. Petite fille que la solitude fait grandir, elle prend aussi conscience du pouvoir d'un corps qu'on lui intimité de cacher. Sûre de ses charmes, elle attire à elle Struensee, qu'elle aime mais qu'elle veut tenir à sa main. Son attitude de femme assurée, et consciente de sa position de reine, lui attire les foudres de la cour, et notamment de Guldberg et de la reine douairière. La compagnie et l'amour de Struensee que sa solitude lui aura fait chercher la condamne, elle aussi, à la disgrâce. Guldberg, que le lecteur sait déjà vainqueur - puisqu'on le voit en compagnie du roi, au théâtre, en 1782 - se définit lui-même comme le buisson qui aura gardé sa place quand tous les grands arbres autour de lui auront été déracinés. Ardent défenseur d'un système conservateur et d'une noblesse de laquelle il ne fait même pas partie, il est, par l'intelligence, le grand rival de Struensee. Lui aussi pense sauver le Danemark, mais là où Struensee voit le progrès social, Guldberg ne pense qu'au rétablissement moral. Si sa naissance le promettait à l'insignifiance, sa rigueur et, faut-il le reconnaître, son audace, lui permet de s'installer aux premières places de l'État, dernier gardien d'un roi fou et seul. Struensee, enfin, était de ces hommes qui, à l'échange aimable d'idées entre hommes de bonne composition, adjoignait une action parmi les pauvres d'Altona. Son ascension politique est due au vide laissée volontairement par Christian à la fois dans la conduite des affaires politiques et dans le lit de la reine. Conscient de la difficulté de la route qu'il emprunte, bientôt apeuré par les conséquences et la fin qu'il imagine, il demeure, pourtant, attaché à ses réformes et à la reine. Humble et plein d'hybris à la fois, Struensee personnifie cette transcendance des rangs et des titres par la valeur intrinsèque des personnages. Comme Caroline-Mathilde, comme Guldberg, rien ne l'aurait autorisé à jouer pareil rôle dans l'histoire de son pays. le désir, ou l'acceptation de ce rôle, bouleverse leurs histoires.

Les idées mises en valeur sont tout autant pleines de contradiction. le règne de Struensee, comme l'histoire aura retenu cette période, est un moment de renversement des valeurs. La société conservatrice danoise - ainsi l'épisode du jeune serf, mortellement blessé et attaché au barbare cheval de bois - connaît un moment intense de libéralisation qui excite les enthousiasmes et les colères. Ainsi de l'ouverture des jardins royaux à la population et de l'autorisation à sortir masqué, entendu comme une autorisation à forniquer, dans le plaisir de l'anonymat, et qui symbolise, pour la cour notamment, la conduite immorale tenue par la reine et Struensee. L'acmé de pouvoir que connaît ce dernier annonce le retour à une situation plus policée, du fait des jalousies, des haines, des peurs aussi que les réformes avivent chez les nobles. La liberté de la presse explique aussi ce retour au conservatisme, puisque Struensee, par idéal, ne veut pas que l'État exerce un contrôle sur ce qui est publié ; partant, toutes les idées le sont, y compris celles qui lui sont franchement défavorables, et celles qui traînent dans la boue son nom et son honneur. Étonnante époque où, malgré un pouvoir qui oeuvre en faveur de la libéralisation de la société, celle-ci s'arque-boute sur un conservatisme qui fait fes ravages, tant chez la noblesse que chez un peuple qui, il faut bien le dire, est pratiquement complètement absent du roman. Là est dans doute l'erreur majeure commise par Struensee, comme il l'admet à la fin du roman. Persuadé de gouverner en recherchant la vérité et en usant de la raison, Struensee a surtout refusé d'être confronté à la réalité. L'épisode du paysan danois, battu à mort sur le cheval de bois, est symbolique de cela. Tandis que les paysans se rapprochent du carrosse royal que menace l'embourbement, Struensee fuit, court pour rattraper la voiture. Il laisse là le peuple, symbole d'un peuple pressuré de toutes parts, et qui lentement meurt. Struensee a gouverné seul, à l'abri des conseillers, des ministres, de la cour, certes, mais aussi isolé de potentiels alliés et du peuple qu'il entendait guider vers les Lumières.

De là découle une réflexion sur la fin et les moyens. Offrir la liberté à un peuple suppose-t-il de la lui imposer ? Struensee, sans doute, avait raison, mais il était trop tôt, mais il était trop seul, mais il réforma trop vite. Empêtré bientôt dans des considérations humaines, tels que l'amour, la volonté d'exister - fut-elle au travers d'une enfant -, Struensee est l'archétype de l'homme de bien qui, malgré sa bonne volonté, finit par mal faire. Sa relation avec Christian s'érode, car Struensee en a définitivement fait un roi fantoche. Celle avec la reine souffre bientôt de l'éclosion de cette dernière, femme puissante qui murmure à l'oreille de son amant les futures réformes, et oeuvre aussi - ainsi l'épisode avec les matelots norvégiens - en première ligne pour assurer la survie du régime. Les thématiques ainsi que l'environnement géographique du roman ne sont ainsi pas sans rappeler Hamlet, que Christian échoue d'ailleurs à voir lorsqu'il est à Londres. Folie du roi, corruption de la cour, aspect tragique du récit, car aucun des personnage ne semble être en mesure de maîtriser pleinement son destin, hormis peut-être Guldberg, dont le parcours, là encore de façon paradoxale, entre en opposition avec ses principes moraux et politiques (car il accède à une place que ses croyances religieuses et politiques devraient lui interdire), Christian est un Hamlet historique. le questionnement bien connu, "Être ou ne pas être" est largement partagé par les personnages. Être ou ne pas être roi, pour Christian ; être ou ne pas être l'homme qui pourrait changer le cours de l'Histoire, pour Struensee et Guldberg ; être ou ne pas être la petite chose insignifiante que toute la cour du Danemark attend, pour Caroline-Mathilde. Au milieu de l'obscurité flamboient de petites flammèches : ce sont les illusions - celle de la raison, celle de l'envie d'exister pleinement, celle de croire en un destin lumineux - d'hommes et de femmes qui, à la faveur des haines et des années, s'éteindront bientôt.
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aisser sur le bord du chemin, avec une écriture hachée, pleine de répétition. Ceci dit, on peut lui reconnaître une qualité : retranscrire assez bien grâce à ce littéraire la confusion qui peut régner à l'époque à la cour danoise et dans l'esprit de Christiant VII...

Pourtant, le sujet est particulièrement intéressant puisqu'il m'a permis de découvrir un bout de l'Histoire du Danemark (certes, pas le plus brillant), un pays qui a enchaîné les rois incapables de régner au profit de courtisans bien heureux de s'emparer des commandes du royaume... le tout dans un contexte de développement de la philosophie des Lumières, ce courant né en France et irradiant dans toute l'Europe.

A l'arrivé, Per Olov Enquist propose un ouvrage à mi-chemin entre le roman et l'ouvrage historique, dénué d'émotion, dans lequel je n'ai ressenti aucune empathie, ni pour cette reine qui veut faire exploser son carcan, ni pour ce roi manipulé et brisé dès l'enfance, ni pour ce médecin manipulateur derrière un visage taciturne...
Lien : http://croqlivres.canalblog...
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Le médecin personnel du roi est inspiré de l'histoire de Struensee qui, au XVIIIème siècle, devient l'amant de la reine du Danemark, prit l'ascendant sur le roi psychologiquement instable, et tenta d'instaurer un régime inspiré des Lumières. Habitué du roman-documentaire, Per Olov Enquist donne corps à l'histoire danoise avec brio, et avec lui, les personnages désincarnés des livres d'histoire deviennent des hommes et des femmes guidés par leurs rêves. Sorti en 2012, le film Royal Affair, avec Mads Mikkelsen dans le rôle de Struensee, retrace cette histoire, mais n'est pas directement inspiré du livre d'Enquist.
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