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Citations sur Retour à Yvetot (34)

Je n'ai pas souvenir que le pensionnat ait jamais encouragé à lire. A cette époque [début des années 50], l'enseignement catholique voyait dans les livres - et plus encore dans les magazines - un danger potentiel, la source de toutes les dérives morales. Les livres qu'on recevait le jour de la distribution des prix étaient tout sauf attrayants, voire lisibles, la notion de plaisir en était rigoureusement exclue, et pourtant je faisais un effort pour lire 'L'histoire du duc d'Aumale' ou 'Le maréchal Lyautey' !
(p. 23)
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C'est l'image du chaos que j'ai reçue le premier jour de mon arrivée à Yvetot avec mes parents, à l'avant d'un camion de déménagement, sur les genoux de mon père, chaos aggravé par le désordre d'une foule, répandue partout, empêchant le camion d'avancer, car c'était la Saint-Luc et sans doute la première fête foraine après la fin de la guerre.
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Une grande partie de ma famille, mes parents et moi, nous appartenions à la catégories des gens qui disaient "je vais en ville", comme s'ils allaient sur un territoire qui n'était pas vraiment à ceux, celui où il fallait être, de préférence, proprement habillé, bien coiffé, le territoire où, parce qu'on croise le plus de monde, on est le plus susceptible d'être jugé, évalué. (p.16)
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On est samedi, à une heure et demie, en classe de quatrième, juste avant que ne commence le cours de composition française, dans ces minutes où l'on s'installe à grand bruit. Il me semble que Mlle Cherfils, la professeure de français, n'est pas encore arrivée. Jeanne D., une élève que je fréquente pas – ses parents sont des gens chic, les seuls opticiens de la ville – s'écrie, à la cantonade : « Ça pue l'eau de Javel ! » Et : « Qui est-ce qui sent l'eau de Javel ? Je ne SUPPORTE pas l'odeur d'eau de Javel ! » Je voudrais rentrer sous terre, je cache mes mains sous le bureau, peut-être dans les poches de ma blouse. Je suis affolée de honte, terrorisée à l'idée d'être désignée par l'une ou l'autre de mes voisines. Car c'est moi qui sent l'eau de Javel. Sans doute, à ce moment, j'aimerais revenir une demi-heure en arrière, chez nous, dans la cuisine où, comme d'habitude après le repas, je me suis lavé les mains dans la cuvette d'eau placée en permanence à cet usage sur le placard à vaisselle – il n'y a pas d'eau courante à la maison – sans être gênée le moins du monde par l'odeur d'eau de Javel qui, cette fois, s'en dégageait.
En cet instant, la fille de quatrième que je suis saisit tout très bien, que l'odeur de « la Javel » – ainsi dit-on chez moi, et non « eau de Javel » – qui était jusqu'ici le signe même de la propreté, celle des blouses de ma mère, des draps, du carrelage frotté et du seau de nuit, une odeur ne dérangeant personne, bien au contraire est une odeur sociale, l'odeur de la femme de ménage de Jeanne D., le signe d'appartenance à un milieu « très simple » – comme disent les profs –, c'est-à-dire inférieur. À ce moment, je hais Jeanne D. Je me hais encore plus.
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Est-ce que, sans me poser de questions,
je vais écrire dans la langue littéraire
où je suis entrée par effraction,
"la langue de l'ennemi "
comme disait Jean Genêt,
entendez l'ennemi de ma classe sociale ?
Comment puis-je écrire, moi,
en quelque sorte immigrée de l'intérieur ?
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Les livres ont donc constitué très tôt
Le territoire de mon imaginaire,
de ma projection dans des histoires
et des mondes que je ne connaissais pas.
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Comment, en écrivant, ne pas trahir le monde dont je suis issue ?
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Nombre de mes lectures de jeunesse m'ont donné le sentiment, en les lisant, de transgresser les lois morales et sociales communément admises et de m'ouvrir à une autre façon de penser, d'éprouver le monde.
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Ecrire la vie et non pas écrire ma vie. En quoi consiste cette différence, dira-t-on? C'est considérer ce qui m'est arrivé, ce qui m'arrive, non pas comme quelque chose d'unique, d'accessoirement honteux ou indicible, mais comme matière à observation afin de comprendre, de mettre au jour une vérité générale. Dans cette perspective, il n'existe pas ce qu'on appelle l'intime, il n'y a que des choses qui sont vécues de manière singulière, particulière [ ] mais la littérature consiste à écrire ces choses personnelles sur un mode impersonnel, à essayer d'atteindre l'universel, à faire ce que Jean-Paul Sartres a appelé du "singulier universel"
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"La Javel "est une odeur sociale..,
l'odeur de la femme de ménage de Jeanne D.,
Le signe d'appartenance à un milieu "très simple"
-comme disent les profs-,
C'est-à-dire inférieur.
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