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« Depuis le début, j'ai été prise dans une tension, un déchirement même, entre la langue littéraire, celle que j'ai étudiée, aimée, et la langue d'origine, la langue de la maison, de mes parents, la langue des dominés, celle dont j'ai eu honte ensuite, mais qui restera toujours en moi-même. »

En bon Normand (et de manière très intéressée), me replonger dans l'oeuvre d'Annie Ernaux et ce Retour à Yvetot, recueil édité après le retour de la grande dame un soir d'octobre 2012 dans la ville de son enfance où elle vécut à partir de ses 5 ans.

Relire l'émotion de la confrontation entre l'auteure pas encore Nobel mais depuis longtemps confirmée, et les souvenirs surgissant des lieux autrefois fréquentés par la petite Annie Duchesne. Une visite-rencontre en forme de réconciliation, voire de rédemption.

« Je me suis servie d'Yvetot, des lieux, des gens que j'ai connus, j'ai pris beaucoup à Yvetot où j'ai passé mon enfance, ma prime jeunesse, et, d'une certaine façon, je me suis refusée à lui rendre quoi que ce soit. »

Et comprendre ce dilemme de l'auteure d'autofiction en général et d'Annie Ernaux en particulier, dévorée par l'ambition de l'écriture, questionnée par le syndrome de l'usurpateur (de classe en l'occurrence) et meurtrie par le potentiel soupçon de trahison. « Comment en écrivant, ne pas trahir le monde dont je suis issue ? »

Un texte, des lettres, des photos et un entretien qui résonnent comme une parenthèse mémorielle dans la vie d'Annie Ernaux, moment suspendu mais indispensable de confrontation avec un territoire qui a traversé son oeuvre et en a façonné une partie importante du contenu.

Une parenthèse à rouvrir, qui sait…
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Dans son livre, Annie Ernaux raconte son passage dans la ville de ses racines, Yvetot en Normandie. Elle a été invitée par la municipalité pour une conférence au cours de laquelle elle évoque son métier, l'écriture, ses livres, son passé, ses parents. Des photos souvenirs légendées figurent également dans le livre, en annexe on trouve un entretien avec Marguerite Cornier, professeure documentaliste ayant soutenue une thèse sur l'autobiographie chez Annie Ernaux.
Dans cette conférence, elle évoque d'abord les changements de la ville, quelques souvenirs d'enfance et surtout la honte qu'elle éprouvait alors d'appartenir à une famille d'ouvriers, la séparation sociale entre les nantis et les autres. le mépris des premiers pour les seconds.
L'école, le savoir, la lecture qui lui ont permis d'apprendre la précision de la langue française qu'elle distingue du patois parlé de ses parents, elle se souvient aussi des humiliations lors de sa scolarité attachées au milieu social dont elle est issue.
Elle se souvient aussi du regard sur la lecture de l'époque, bien différent de celui d'aujourd'hui, on voyait la lecture d'un mauvais oeil, certaines oeuvres aujourd'hui encouragées par les programmes étaient interdites, c'est l'exemple d'-une vie de Maupassant- SIC ! Il était difficile pour la narratrice d'accéder aux livres, ils étaient rares et chers.
La suite se centre sur l'écriture, son premier roman de type Nouveau Roman, refusé par l'éditeur, jusqu'à la prise de conscience sur le type d'écriture qui lui était salutaire, celle que nous pouvons lire aujourd'hui. Elle se pose toutes sortes d'interrogation sur le lien entre l'écriture et le milieu dont elle vient, thèmes récurrents dans ses romans auxquels elle fait largement référence. Elle explique son choix d'écriture « pour tous ». Elle raconte comment elle transforme les souvenirs d'Yvetot en matériau littéraire.
Petit livre intéressant que j'ai apprécié comme souvent lorsque je lis des livres de cette auteure. Son écriture est universelle, c'est son souhait, chacun d'entre nous peut s'y retrouver.
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Retranscription d'une conférence d'Annie Ernaux à Yvetot, commune normande où elle a passé sa jeunesse, donc cadre de la plupart de ses ouvrages autobiographiques. L'auteur revient sur sa vie : fille de petits commerçants à la campagne, devenue enseignante et écrivain - rien de nouveau si on a lu son oeuvre. Les descriptions des lieux et de leurs métamorphoses sont sûrement intéressantes pour ceux qui les connaissent, en l'occurrence les auditeurs présents à cette conférence. Pour les autres, moins, je pense...

Comment une auteur dont on a apprécié tous les livres peut-elle tout à coup vous horripiler ? C'est elle ou vous ? Elle qui ressasse les mêmes thèmes de façon identique, vous qui avez lu trop de témoignages de ce type ? ou qui avez changé d'état d'esprit ?
Depuis 'L'autre fille', je trouve le ton d'Ernaux immature, geignard et de mauvaise foi. Elle se pose en victime de ses parents, de leur milieu modeste et 'populaire'. A l'ère de l'exode rural d'après-guerre, nombreux sont ceux de sa génération, pourtant, qui ont vécu ce même hiatus entre mode de vie familial et univers estudiantin/professionnel. Cet ascenseur social me paraît être plutôt une chance - pouvoir prolonger ses études, choisir un métier plus épanouissant et moins contraignant que celui de ses parents... Mais dans ses derniers textes, Ernaux semble focaliser sur les aspects négatifs, la honte de ses origines, la difficulté à s'adapter à un autre milieu, elle qui vient de la classe des "dominés" (dit-elle).

Un peu trop de nombrilisme et de paranoïa dans tout cela. Et surtout une redite de ses ouvrages.

Mon préféré de cette auteur : 'Les Années', savant dosage, cette fois, entre autobiographie et exposé d'une époque riche en bouleversements sociaux, de l'après guerre aux années 2000.
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Annie Ernaux. Retour à Yvetot.

Qu'elle y reste !

Plus sérieusement, au fond, c'est l'auteur elle-même qui s'exprime le mieux à propos de son livre et, plus généralement, sur l'ensemble de son entreprise d'écriture :

"Exposer mon propre usage de la Recherche, indiquer la voie ou celle-ci m'a conduite, c'est évidemment en reconnaître la puissance" - nous précise-t-elle avec suffisance, en hypocrite hommage à Marcel !

Car la "fashion nobélisée" de conclure :

" Je me sens proche de Proust mais ce que j'ai à dire et la manière de le dire n'ont rien à voir avec lui"

Franchement on l'avait remarqué !

Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
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J'ai une folle admiration pour Annie Ernaux.
Elle m'a enthousiasmée très jeune.
A presque 70 ans, je conserve une ferveur
Intacte pour "cette femme qui écrit"
Elle m'a faite! M'a guidée !
Sur le chemin, des choix politiques
elle a toujours été sincère et courageuse
défendant les libertés et les libérations.
Ce dernier livret m'a enchantée et bouleversée.
C'est la transcription de son intervention
lors de sa venue à Yvetot en 2014.
Tout y est, ce qu'elle est,
ce qu'elle a choisi comme écriture
pour être en accord avec son histoire.
Elle y dit d'où elle vient, et, jusqu'où
elle a pu aller car elle se souvenait
d'où elle venait...
C'est beau, c'est juste.
Vous n'utiliserez plus jamais l'eau de Javel
sans penser à Ernaux..
Vous y trouverez aussi des documents
qui marquent les lieux, les esprits de l'époque ,
des correspondances à une amie,
ses compositions françaises, des photos
d'elle de sa famille d'Yvetot..
C'est une grande soeur bienveillante
qui nous parle de tout et de nous.
Petit bijou du genre!!


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J'ai découvert Annie Ernaux lors de la parution de la femme gelée, le roman se déroule à Annecy ville où je vivais alors, enthousiaste j'ai ensuite suivi le tracé naturel de ses parutions.
J'ai pratiquement lu tous ses livres et je les ai tous aimés. J'aime son écriture, son questionnement sur l'enfance, sur l'amour, sa passion des livres, sa langue verte parfois, j'ai compris sa rupture avec son milieu d'origine et la honte et les scrupules qui s'en suivirent.
Son roman le plus abouti Les Années est un livre superbe que j'ai lu et relu.

Tout naturellement le billet de Margotte m'a immédiatement fait de l'oeil et j'ai commandé aussitôt Retour à Yvetot qui sans être un récit, nous en apprend beaucoup sur l'auteur.
Est-ce que j'ai aimé ? oui j'ai aimé le ton simple et la pudeur qui s'en dégagent. J'ai aimé ce retour publique toujours repoussé jusque là sur les lieux de l'enfance.
Il ne s'agit donc pas d'un roman mais du texte de la conférence qu'Annie Ernaux donna à Yvetot, sa ville natale son « lieu de (ma ) mémoire la plus essentielle, celle de mes années d'enfance et de formation » avoue-t-elle.

Ce retour aux sources est à la fois intéressant et émouvant. La petite fille revient sur La place de son enfance et nous faisons connaissance avec son passé à travers une série de photos.
Toujours un peu hantée par la honte de sa condition de fille de cabaretier, toujours souffrant des humiliations ressenties on retrouve ici l'auteur sans fard aucun, et j'ai aimé la simplicité de ce retour. Si vous n'avez jamais lu ses romans ce livre perdra peut être un peu de son intérêt mais il pourrait aussi vous inviter à ouvrir les romans d'Annie Ernaux.
Je lis peu la littérature française mais Annie Ernaux à une place à part dans ma bibliothèque et ce petit livre va se faufiler sur l'étagère.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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En octobre 2012, Annie Ernaux revient à Yvetot la ville qui l'a vu grandir pour y donner une conférence "En acceptant cette fois l'invitation de la municipalité, j'ai accepté en même temps de m'expliquer devant le public le plus concerné qui soit, celui des habitants d'Yvetot, et choisi d'évoquer ce lien qui unit ma mémoire de la ville et mon écriture". Car "Yvetot est le matériau fourni par la mémoire mais utilisé, transformé par l écriture en quelque chose de général". Dans cette conférence, Annie Ernaux revient sur la place importante de la lecture, de l'écriture et des différences entre les classes sociales. le sentiment de honte éprouvé envers ses parents et son milieu d'origine (où la culture était inexistante) est en filigrane et a été développé dans plusieurs de ses livres. Elle revient sur "le transfuge de classe" expliquant son cheminement entre la langue apprise lors de ses études et celle refoulée. Des photos ( celle du père d'Annie Ernaux posant en 1959 près de sa voiture " on se fait photographier avec qu'on est fier de posséder " m' a rappelée des photos identiques vues dans des albums de famille) complètent ce livre ainsi qu'un entretien avec Marguerite Cornier.

Forcément, ce livre a résonné en moi car le sentiment de honte n'a que faire des générations. Et comme à chaque fois que je lis cette auteure, je me suis retrouvée...

"Retour à Yvetot" ne s'adresse pas qu'aux lecteurs avertis d'Annie Ernaux tout en éclairant un peu plus son oeuvre et son travail, il ne peut que donner envie de découvrir cette grande dame de la littérature !
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J'attendais avec impatience de lire cette retranscription de conférence pour me réconcilier ou non avec l'écriture minimaliste et un peu agressive d'Annie Ernaux. Je l'ai effectiveent trouvée ici plus proche et plus nuancée dans sa vision de son histoire. Et surtout, elle précise ce que le ton de « la honte » masquait, à savoir la réconciliation avec ses parents induite par sa prise de conscience de ce qui la séparait d'eux. Je suis rassuré, mais persiste à regretter que ses livres ne soient pas plus étoffés. A faire trop court, les mots donnent vite une impression de caricature.
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Ce n'est pas un roman d'Annie Ernaux, reposant sur des éléments autobiographiques, des souvenirs qui permettent par petites touches d'évoquer l'atmosphère sensorielle d'une époque, d'inscrire un destin singulier car unique dans le déroulement des années. Mais ce retour à Yvetot est lui aussi en partie autobiographique : Annie Ernaux revient dans sa ville d'origine, pour la première fois en tant que femme de lettres, pour parler de lettres. Elle y est revenue comme ille, comme orpheline après la mort de ses parents, mais là, c'est l'artiste, celle qui a réussi, qui revient, et celle qui a réussi par un mode qui semblait "étranger à sa race" dans sa jeunesse, celui de l'écrit, si éloigné pour une fille d'ouvriers ayant connu une toute petite ascension sociale en devenant épiciers.
Qu'une toute petite ascension sociale, car les parents d'Annie Ernaux travaillent à Yvetot, petite ville au milieu de la campagne normande entre Le Havre et Rouen, détruite par les bombardements en 1944 et en pleine reconstruction. Annie Ernaux a donc le souvenir d'une ville qui n'est plus, celle de l'enfance et des impressions d'enfance, celle d'un contexte particulier. Elle parle de "mémoire des lieux" - ce qui m'évoque à moi, plus historienne que femme de lettres, les "lieux de mémoire" de Pierre Nora, ces objets historiques investis par l'émotion. Et, comme souvent dans ma lecture d'Annie Ernaux, je suis partagée. Je suis normande moi aussi, je viens aussi d'une ville détruite qui a été bombardée puis reconstruite - même si je n'ai pas connu les ruines, je n'ai pas le même âge que l'autrice. Je connais quelques mots de patois du Pays de Caux. J'ai aussi quitté ma Normandie pour "monter à Paris" faire des études littéraires. Mais je n'ai pas honte de le dire, je ne dissimule pas le nom de ma ville par ses initiales, comme elle dans ses premiers romans où elle parlait de "Y", où elle changeait les noms des rues.
Mais, contrairement à d'autres oeuvres, je n'ai pas trouvé ici ce qui me dérange parfois en la lisant, à savoir ce que je ressens comme un mépris envers son milieu d'origine. Non, ici, elle explique - en s'inscrivant dans la lignée de Flaubert, lui aussi passé par Yvetot - que, par l'écriture, Yvetot accède au rang de mythe, c'est-à-dire accède à la beauté. L'écriture même transfigure les lieux en leur donnant une histoire, les faisant sortir de la mémoire pour en faire des lieux de mémoire. C'est donc, pour moi, un des premiers livres d'Annie Ernaux qui me fait ressentir de l'émotion, peut-être parce que je la comprends, que je comprends cet attachement au lieu de l'enfance.
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C'est un petit livre bien agréable que ce "Retour à Yvetot" petite ville de Normandie d'où est originaire Annie Ernaux. Il s'agit du texte d'une conférence qu'elle a donné en 2012 sur place. Parce que, contre toute attente, Annie Ernaux n'était jamais intervenue comme écrivaine sur les lieux de son enfance. Certes, elle y a de la famille et des amis mais en quarante ans, elle n'avait jamais rencontré les lecteurs d'Yvetot.
Pourtant, toute son oeuvre est basée sur ses souvenirs, sa mémoire qu'elle compare à un palimpseste sur lequel les couches se superposent et où les traces du passé réapparaissent.
Elle explique que lorsqu'elle utilise le Y pour parler d'Yvetot c'est pour en faire une sorte de ville mythique, un peu comme le fait Marguerite Duras dans ses romans d'ailleurs. Ce qui compte ce n'est pas cette ville bien réelle mais le lieu, celui où elle a grandi en ayant le sentiment de se détacher de la condition ouvrière de ses parents par la littérature, comme une trahison de sa classe sociale.
Et puis il y a des photographies en noir et blanc d'Annie Ernaux à Yvetot dans les années 50 et 60 légendées et accompagnées d'extraits de ses livres.
Cerise sur le gâteau, j'ai écouté en même temps l'audio dit par Dominique Blanc sur lequel Annie Ernaux commente ces photos qu'elle décrit oralement pour l'occasion. Alors comme j'ai fait l'expérience en jumelant le livre papier et le livre audio, j'ai pu écouter les commentaires avec les photos sous les yeux.
Dans la dernière partie du livre, il y a des échanges avec le public que l'on ne retrouve pas dans l'audio. Annie Ernaux explique qu'elle s'est réconciliée avec son milieu d'origine quand elle a commencé à écrire avec « Les armoires vides » son premier roman d'autofiction car l'intérêt de ces échanges c'est aussi d'évoquer la création littéraire.


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