Des raisons de se plaindre

Une femme qui choisit de réunir ses anciens amants pour choisir parmi eux un donneur de sperme, une famille endettée jusqu'au cou pour l'achat d'un instrument rare, un jeune éditeur lassé des fins de mois difficiles qui tente un coup de poker frauduleux... Dans les dix nouvelles qui composent Des raisons de se plaindre, Jeffrey Eugenides se délecte de la trivialité des relations humaines dans l'Amérique contemporaine. Qu'ils soient aiguillonnés par des désirs inavouables ou simplement par leur rapport à l'argent, sujet pivot du recueil, les personnages d'Eugenides sont saisis dans des instants de profonde vulnérabilité. C'est là, au point de basculement, lorsque leurs échecs éclatent au grand jour, que ces hommes et ces femmes sont les plus émouvants et que Eugenides peut déployer les dons d'analyste qui faisaient de Middlesex ou de Virgin suicides de grands romans. Loin d'être un recueil d'ébauches et d'essais, Des raisons de se plaindre souligne ainsi toute la cohérence de cette oeuvre en construction et dévoile une autre facette, plus chirurgicale, du grand talent de conteur d'Eugenides.
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Jeffrey Eugenides, l'un des invités les plus drôles (avec Richard Russo) du dernier Festival America de Vincennes, n'est pas l'écrivain le plus prolifique. Malheureusement car « Middlesex » fut pour moi un vrai choc, « Virgin suicides » adapté au cinéma par Sofia Coppola aussi.
Même si je ne suis pas particulièrement friande du genre « nouvelles », je ne pouvais pas ne pas lire ce recueil récemment édité.
Ecrites entre 1988 et 2018 et publiées pour la plupart d'entre elles dans « The New Torker », ces dix courtes histoires sont un petit régal d'humour noir peu tendre avec le sexe fort qui n'est que lâcheté, misogynie, trahison, mensonge et concupiscence.
Le talent de l'auteur du « Roman du mariage » est de rendre ses personnages attachants. Malgré tous leurs travers et surtout grâce à eux. La perfection ne prête pas à rire et le genre humain, avec toutes ses imperfections et ses faiblesses, est un sujet inépuisable.
On croise par exemple un scientifique qui s'intéresse à la sexualité particulière des Dawats dont les prétentions rationalistes vont être battues en brèche...
La première nouvelle, « Les râleuses », est l'une de mes préférées. Avec cette version troisième âge de « Thelma et louise », c'est l'amitié entre femmes qui est en scène.
Bref, si vous aimez le cocasse et l'absurde, « Des raisons de se plaindre » est une lecture qui s'impose.

EXTRAIT
Des signes particuliers sur ses organes génitaux ? L'inscription « In God We Trust ». Comme chez tous les Américains.
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Jeffrey Eugenides nous rappelle au passage que, s'il a un don pour exploiter de bonnes idées et un talent indéniable pour les raconter, il est aussi à l'aise avec la nouvelle qu'avec le roman.
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Les amateurs de nouvelles trouveront le style du romancier parfait pour le genre !